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THÉÂTRE

Déracinement

5 décembre 2016 | Mise à jour le 5 décembre 2016
Par | Photo(s) : Pascal Gély
Déracinement

LES EMIGRES de Slawomir Mrozek mise en scene de Imer Kutllovci Avec : Mirza Halilovic Grigori Manoukov au Theatre de la Reine Blanche a partir du 23 novembre 2016 Paris le 12 novembre 2016 © Pascal GŽly

Deux exilés, l'un pour des raisons politiques, l'autre pour des raisons économiques, s'affrontent un soir de réveillon. La pièce du dissident polonais Slawomir Mrozek, Les émigrés, résonne fortement aujourd'hui.

XX rentre souriant et raconte sa virée à la gare centrale où il a fricoté avec une belle passagère de première classe. AA, allongé sur un lit de fortune, démonte son récit, sachant bien qu'il n'a fait que rêver dans des pissotières crasseuses… On comprend vite que ces deux hommes qui cohabitent dans une cave, aménagée avec les moyens du bord, où courent les tuyaux de canalisation, sont des exilés sans le sou. Des émigrés qui partagent la même solitude mais que tout semble opposer. Après s'être chamaillés autour d'un unique sachet de thé, les voilà autour d'une boîte de conserve planquée par AA, qu'il s'apprête à manger. Son compère l'en dissuade après lui avoir prouvé, image à l'appui, qu'il s'agit d'une pâtée pour chien…

L'exil pour trait d’union

Les scènes assez cocasses prennent un ton plus grave à mesure de la soirée. La musique d'un appartement du dessus qui s'échappe des tuyaux leur rappelle que c'est le réveillon de la Saint-Sylvestre. Alors qu'AA est effondré sur sa couche, XX vient le tirer de sa torpeur : sur la table à repasser, il a dressé une nappe sur laquelle il a posé une bouteille d'alcool providentielle et une mandarine. Une lueur de joie se pointe, l'un met une cravate, l'autre, un nœud papillon mais l'alcool aidant, au fil des confidences, leurs antagonismes explosent. Tandis que l'un, dissident politique, philosophe sur la liberté, l'autre qui se tue la santé sur les chantiers rêve de retourner au pays pour construire une belle maison où il mettra femme et enfants.

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Les émigrés est une pièce puissante à la fois drôle, féroce et grave. Elle fut écrite dans les années 1970 par le dramaturge polonais Slawomir Mrozek, alors installé à Paris. Sa première pièce, La police, sur le rôle de la police secrète dans un État totalitaire, créée en 1959 à Varsovie, est très vite interdite. Dès 1963, Mrozek choisit l'exil et se voit déchu de sa nationalité cinq ans plus tard, quand les chars soviétiques envahissent Prague. Réfugié politique en France, ses œuvres sont portées notamment par Laurent Terzieff, qui jouera Les émigrés en 1975 dans une mise en scène de Roger Blin.

Aujourd'hui, en plein drame des réfugiés – une question dont les arts s'emparent (voir encadré) –, la pièce reprend toute son acuité, d'autant qu'elle est mise en scène par les Kosovars Imer Kutllovci et Ridvan Mjaku et servie par deux comédiens hors pairs : le Sarajévien Mirza Halilovic et le Moscovite Grigori Manoukov.

Les émigrés, mise en scène d' Imer Kutllovci et Ridvan Mjaku.

Jusqu'au 29 décembre au théâtre La Reine blanche, 2 bis, passage Ruelle 75018 Paris. www.reineblanche.com/

 

Les arts face aux migrants À l'occasion du lancement de la revue européenne Archipels, concoctée par l'équipe de « Cassandre-Horschamp » et celle de la revue belge Culture & Démocratie, un débat est organisé ce samedi à partir de 14 heures au Musée national de l'histoire de l'immigration. Le premier numéro, intitulé « Tourmentes et migrations », s'attache à mettre en lumière les expériences artistiques menées avec et pour les migrants. On y découvre ainsi le long travail du collectif Nimis Groupe pour monter la pièce Ceux que j'ai rencontrés ne m'ont peut-être pas vu, ou celui de l'association de quartier de Rennes, L'âge de la tortue. Cette dernière a élaboré « L'encyclopédie des migrants », rassemblant 400 témoignages collectés dans 8 villes européennes, éclairés par 16 photographes. Archipels nous présente bien d'autres initiatives conduites à Calais, dans les centres de rétention ou dans les foyers d'accueil, à travers le dessin, la poésie ou la musique, et nous livre les réflexions précieuses de chercheurs. Une revue de très bonne facture à découvrir !

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