Fret ferroviaire : la CGT s'insurge contre un scandale d'Etat
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Bravant la tempête Miguel, les militants du collectif citoyen de défense des axes ferroviaires sud-Normandie interceptent les voyageurs du train Le Mans – Caen, qui sortent de la gare d'Alençon par un portail extérieur. La plupart s'arrêtent pour signer la pétition contre la fermeture du guichet les week-ends et jours fériés et la réduction de ses horaires en semaine, qui doit entrer en vigueur deux jours plus tard, à compter du 9 juin.
Dans le hall de gare, un cadre de direction de la SNCF parle de « proximité de service, d'accompagnement renforcé, d'horaires plus adaptés » pour tenter de justifier cette réorganisation. Concrètement, une fois le guichet fermé, un agent en mobilité, naviguant entre le hall et les quais avec son terminal de vente ambulant, sera à la disposition des « clients ». Et de conclure : « Avant, les chefs de gare faisaient tout ! » L'argument énerve Gérard Mésenge, ancien conducteur de train, venu d'Argentan (Orne), où la gare risque de subir le même régime. « Les agents de circulation donnent le départ aux trains, assurent la sécurité sur les quais. Et maintenant, ils devront en plus faire la vente ? C'est incompatible ! »
Découvrant les nouveaux horaires, les usagers s'inquiètent. Une dame se demande comment son fils, étudiant à Caen, va pouvoir acheter ses billets en dehors des heures de guichet en arrivant le vendredi soir et repartant le lundi matin. « Les bornes ne prennent pas toujours en compte les spécificités des abonnements, explique-t-elle. Il y a toujours des bugs. Et puis, il préfère payer en liquide… Je suis en pétard ! »
Un autre usager confirme ces difficultés. Les billets adaptés à son abonnement professionnel ne sont pas en vente sur Internet. Vivant à Sées, dont la gare a fermé en 2015, il est contraint de se rendre à Alençon, le week-end, pour acheter ses titres de transport. Comment faire avec un guichet fermé les samedis et dimanches ?
Derrière le guichet, qui ne désemplit pas en cette veille de week-end de Pentecôte, les agents sont inquiets. Ils sont six – dont deux de réserve – à se relayer pour assurer le service de vente dans cette gare qui enregistre un chiffre d'affaires de 1,3 million d'euros et une moyenne d'un acte de vente toutes les trois minutes. Ils se savent utiles aux usagers, mais dans deux jours, il n'en restera plus qu'un. Et les autres ? Ils craignent de se voir proposer des reclassements inacceptables…
Flers, Briouze, Sées, Vire, Surdon… Des décisions de réduction d'horaires, de suppression de guichets, de fermeture de gares, voire d'abandon d'arrêts, pleuvent sur la région. « Dans le même temps, souligne Philippe Denolle, président du collectif, la région Normandie – qui s'apprête à devenir la première région à prendre en gestion les lignes intercités qui la traversent – vient d'annoncer une hausse de nombre de trains Paris – Deauville, Paris – Dieppe, Paris – Caen et Paris – Rouen. On ne prête qu'aux riches ! », dénonce-t-il.
Dans un territoire qui se vide et vieillit, la bataille du rail concentre tous les enjeux : mobilité, fracture numérique, réduction des services publics – plus tôt dans la matinée, un autre collectif se mobilisait à Alençon contre la fermeture de bureaux de poste – emploi, environnement… et, en fin de compte, l'attractivité du territoire.
C'est pourquoi, ce vendredi 7 juin, des élus d'Alençon et de communes alentour ont répondu à l'appel du collectif, pointant notamment la contradiction entre la mesure dénoncée et le fait qu'en trois ans, 5,4 millions d'euros ont été investis dans la rénovation de la gare et, aux abords de celle-ci, dans l'aménagement d'un pôle multimodal.
Le collectif citoyen de défense des axes ferroviaires sud-Normandie est convaincu du rôle crucial du réseau ferroviaire dans l'aménagement du territoire. Créé à l'initiative d'usagers de la ligne Paris – Granville et de cheminots d'Argentan, au cours de l'hiver 2017-2018, il compte aujourd'hui 230 à 250 usagers, cheminots, élus et syndicalistes de tous bords. « En tant qu'usagers, nous apportons notre ressenti, nos besoins. Les cheminots, eux, ont l'expertise et l'expérience du réseau, constate Dominique Rilhac, secrétaire du collectif citoyen de défense des axes ferroviaires sud-Normandie. On se bat ensemble pour développer les transports ferroviaires et ne laisser personne sur le quai.
Le collectif mène les batailles défensives sur les lignes Paris – Granville, Caen – Tours et Caen – Rennes. Mais il va plus loin et, sans attendre le retour hypothétique des comités de ligne, il a élaboré de A À Z un projet de réorganisation des dessertes et horaires du réseau sud-Normandie, notamment en lien avec les liaisons TGV du Mans et de Tour
« Pour que le transport en train redevienne un concurrent sérieux de la voiture dans les déplacements intra et extra-régionaux, estime Philippe Denolle, il faut coller aux besoins des usagers, notamment des actifs et des scolaires. » En l'occurrence, à Alençon, le collectif propose la création d'un nouveau train Alençon – Caen pour faciliter les déplacements en milieu de journée.
L'hypothèse enthousiasme Clarisse, Léa et Mélodie, trois lycéennes en internat, qui attendent le train de 14 h 05 pour rentrer chez elles. Un train à 12 h 30 leur permettrait de rentrer plus tôt en fin de semaine, mais aussi le mercredi, et, par la même occasion, d'économiser deux repas hebdomadaires à la cantine. « Vous voyez, se félicite Philippe Denolle, c'est bien la preuve que l'on ne se trompe pas ! » Au lendemain de cette première journée de mobilisation en gare d'Alençon, le collectif comptabilisait déjà 398 signatures.
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