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UBÉRISATION

Dix coursiers à vélo veulent faire reconnaitre leur lien de subordination

31 janvier 2019 | Mise à jour le 16 mars 2019
Par | Photo(s) : Akuppa John Wigham/Flickr
Dix coursiers à vélo veulent faire reconnaitre leur lien de subordination

Aux prud'hommes de Paris, dix anciens coursiers à vélo attaquent Take Eat Easy pour faire reconnaître un lien de subordination. Une audience qui s'inscrit dans un contexte où les plateformes incarnées par Uber commencent à être rattrapées par la justice. Reportage.

Dix anciens coursiers à vélo ont assigné, mardi 29 janvier 2019, la défunte société Take Eat Easy devant les Prud'hommes de Paris pour faire requalifier leur contrat de prestations en contrat de travail. La décision sera rendue le 26 février.

La roue tourne pour Uber, Deliveroo et consorts. Le 28 novembre 2018, la Cour de cassation ouvrait la voie dans une affaire opposant un coursier à vélo à Take Eat Easy, liquidée en août 2016. Les hauts magistrats ont reconnu l'existence d'un lien de subordination « caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

Le 18 décembre 2018, au même endroit, neuf chauffeurs Uber plaidaient leur cause amenant les juges à se prononcer sur la nature de la relation entre ces travailleurs exerçant sous le statut d'autoentrepreneur et les plateformes numériques.

Rebelote le 10 janvier dernier. Dans une affaire opposant un chauffeur à Uber, la cour d'appel de Paris relevait que la dépendance, qui caractérise le lien de subordination, se jouait tant au niveau du choix de la clientèle, que des tarifs, des directives transmises par Uber et des sanctions.

Caractériser le lien de subordination

Le 22 janvier, les prud'hommes de Nice condamnaient Take Eat Easy à verser à six coursiers 24 000 euros d'indemnités chacun, notamment pour travail dissimulé. Autant de décisions qui apportent de l'eau au moulin de l'avocat Kevin Mention, défenseur des bikers (appellation fun donnée aux forçats de la pédale).

« La Cour de cassation a retenu deux éléments, valables dans les dossiers examinés en audience, pour caractériser le lien de subordination, rappelle Kevin Mention. Un système de géolocalisation qui permettait à Take Eat Easy de suivre les coursiers et un système de strikes. Autrement dit des sanctions graduées, allant de l'avertissement à la désactivation. Le coursier refusait une livraison ? Strike. Il conservait les coordonnées d'un client ? Trois strikes ! Les coursiers étaient équipés d'un téléphone à travers lequel la société leur intimait des ordres en permanence ».

Rétribués en pièces détachées

L'avocat démonte l'argument selon lequel les coursiers étaient libres de travailler quand ça leur chantait. « Les horaires leur étaient imposés. Dans un courriel, un ancien manager écrit : vous devez être connectés cinq minutes avant, on fait l'appel, comme à l'école ». Les coursiers n'avaient pas d'exclusivité ? Faux. « Dans un écrit, un ancien manager se vante d'avoir mis un strike et un avertissement à un livreur croisé sous les couleurs de la société Stuart ».

La rémunération était fixée de manière unilatérale, les factures étaient rédigées par Take Eat Easy. Aux coursiers désireux d'être rémunérés autrement que comme autoentrepreneur, Take Eat Easy a proposé une rétribution… en pièces détachées. « Certains coursiers travaillaient jusqu'à 90-100 heures par semaine pour 5000 euros par mois. C'était comme une drogue, mais le rythme est intenable. De par leur statut, ils ne bénéficient d'aucune protection inhérente au salariat. Ils n'ont pas de suivi médical, pas de conventions collectives, pas de paiement des heures supplémentaires, pas de repos hebdomadaires, pas de compte formation, pas de représentants de salariés. Ils n'ont pas eu droit à l'assurance chômage et à un accompagnement de retour à l'emploi après la faillite de la société », énumère Kevin Mention.

La fausse liberté des coursiers à vélo

En face, l'avocat du mandataire liquidateur défend mordicus l'idée d'« une liberté prédominante contraire au statut de salarié ». Il met en avant une charte rédigée par Take Eat Easy, censée clarifier les conditions générales de livraison. De fait, l'avocat s'appuie sur l'amendement du député en marche Aurélien Taché. Retoqué par le Conseil constitutionnel lors du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'amendement revient dans la loi d'orientation sur les mobilités.

Il prévoit la possibilité pour les plateformes d'instaurer une charte détaillant les dispositions en matière de prévention des risques, de garanties de revenus, etc. En contrepartie de quoi toute requalification de contrat serait rendue impossible. Strike !

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