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Travailleurs et migrants : des droits à reconnaître

22 juillet 2015 | Mise à jour le 21 novembre 2016
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Débattu à l'Assemblée nationale depuis le 20 juillet, le projet de loi réformant le droit des étrangers, malgré certaines avancées pour les travailleurs, déçoit dans l'ensemble. Entretien avec Francine Blanche, membre de la direction confédérale de la CGT en charge des travailleurs migrants et du travail informel.
Quelles sont les forces et les faiblesses de la loi réformant le droit des étrangers ?
Francine Blanche : L'instauration d'une carte pluriannuelle est un point positif. Jusqu'à maintenant, la préfecture délivrait aux étrangers admis au séjour des cartes d'un an, pendant cinq ans, à l'issue desquels ils pouvaient prétendre à une carte de résident. Désormais, si la première carte dure un an, les suivantes seront valables entre deux et quatre ans. Soit quatre ans pour les travailleurs. C'est un progrès, ça « déprécarise », finis les allers et retours en préfecture et la logique épuisante de la paperasse. L'assouplissement des modalités du changement de statut d’étudiant vers salarié est également un progrès.

En revanche, les modalités de renouvellement des cartes de séjour nous inquiètent. Il est dit qu'il faut un CDI, or si c'est un CDD, la carte serait de la durée du contrat, ce que nous avons toujours refusé. De plus, rien n’est dit sur les intérimaires alors qu'il y a des milliers de travailleurs migrants dans ce cas (voir encadré). Ils doivent être admis au séjour, comme nous l’avons gagné dans les textes, sans qu’on exige d'eux de passer en contrat fixe au moment du renouvellement. L'autre inquiétude est liée au changement de statut des étrangers malades qui, s'ils veulent travailler une fois guéris, se font souvent expulser ; or ils restent absents du texte.

Qu'en est-il de l'immigration choisie ?
F. B. : Pour la première fois depuis longtemps, le texte marque la reconnaissance d'un besoin d'immigration professionnelle et commence à en organiser le flux, ce qui n'existait plus depuis 1974. Sauf que, selon ce projet de loi, ne sont considérés comme « utiles » à l'économie française que les migrants de haute qualification. Or, il suffit d'ouvrir les yeux pour se rendre compte qu'il y a des tas de travailleurs qui n'ont ni bac, ni master, mais le courage, la force et les bras, et qui travaillent dans tous les secteurs.

Restreindre l'ouverture d'une immigration légale aux seuls salariés les plus qualifiés ne répond pas à la situation. Ensuite, il faut arriver à travailler autrement avec les pays d'origine plutôt que d’accentuer encore la logique de pillage des cerveaux par les pays dits développés. Comment construire une autre politique de co-développement avec les pays d'origine pour que les salariés, en particulier les plus qualifiés, aient une réelle possibilité de rester travailler chez eux avec de vraies perspectives d'emploi ?

Le texte n’aborde pas non plus la vingtaine d'accords bilatéraux et la quinzaine d'accords de « gestion concertée de flux migratoires », qui prévoient la possibilité de faire venir des salariés étrangers pour exercer certains métiers dits « sous tension ». Mais la liste de ces métiers varie selon les pays. La CGT est déjà contre ces listes qui favorisent le travail non-déclaré. En plus, alors qu’un Sénégalais a le droit de prétendre à 105 métiers, un Béninois n'a le droit qu'à 8 métiers. Or, si certains métiers sont considérés en tension, ils doivent au minimum être ouverts à toutes les nationalités sans discrimination.

Et sur l'éloignement ?
F. B. : Nous regrettons que le texte ne stipule pas clairement que, avant d’envisager un éventuel éloignement, toutes les possibilités de régularisation doivent être explorées. C'est fondamental. Aujourd'hui, nous avons à faire à des éloignements dus aux illégalités des patrons – qui ne respectent pas le SMIC, qui refusent de payer la taxe pour l'embauche d'un travailleur étranger… Or, cela doit se régler avec le patron. C'est sur lui qu'il faut agir. Non seulement les salariés étrangers sont exploités, mais en plus ce sont eux qu'on expulse. C'est une double peine. Et un vrai sujet de revendication et de construction du rapport de force pour la CGT.

Globalement, nous aimerions parler non pas « du droit des étrangers », mais bien « des droits des étrangers ». Ensuite, nous aimerions évoquer l’aspect « travail » et non pas seulement « police et sécurité ». Ça changerait le paradigme, mais la loi n'est pas dans cette logique et, en l'abordant selon une procédure accélérée en plein été, le gouvernement montre qu’il fuit le débat. Or, l'immigration de travail qu’elle soit temporaire ou permanente est une question actuelle essentielle. Ce que la CGT veut conquérir, c’est l’égalité de traitement entre travailleurs migrants et nationaux pour en finir avec cette concurrence organisée par le patronat.

Intérimaires et étrangers
Trois luttes vouées à faire tache d'huile
Depuis le 10 juin, ils sont près de 500 travailleurs migrants, habitant des Yvelines, à occuper les locaux de trois agences d'intérim : une agence Adecco, à Saint-Quentin-en-Yvelines ; une agence Manpower, aux Mureaux ; et une agence Ranstadt, à Poissy.

Concrètement, ils réclament l'obtention d'attestations de concordance d'identité, que l'employeur doit fournir pour attester que c'est bien ce salarié-là qui a travaillé et lui permettre de prétendre à une régularisation en préfecture. Or, depuis quelque temps, les majors de l'intérim le leur refusent. « Elles ne veulent pas que le secteur devienne “le maillon faible”, “la” filière d'immigration, explique Francine Blanche, membre de la direction confédérale de la CGT. Elles veulent bien que les gens travaillent, mais pas reconnaître leur travail. »

La CGT est engagée dans ce mouvement avec les syndicalistes du 78 et ceux de l'intérim. Il s'agit de construire un nouveau rapport de force pour faire avancer le droit des étrangers et faire reconnaître le travail des migrants. Les discussions se sont engagées, il y a deux semaines, avec les majors et le préfet des Yvelines. Le mouvement ne rassemble pas que des intérimaires, mais compte aussi des agents de nettoyage, des gens de la restauration, du bâtiment…

« Nous avons commencé par l'intérim dans les Yvelines, mais le mouvement est appelé à se développer au-delà, note la syndicaliste. C'est le démarrage d'une action de plus forte portée : des modes d'action sont en construction avec les fédérations des ports et docks, du commerce, du textile et d'autres… pour obtenir la pleine application, par les employeurs, de ce qui a été conquis par la circulaire du 28 novembre 2012 (sur les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, dans le cadre des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [Ndlr]) et le dépassement de cette circulaire pour ceux qui ne sont pas éligibles aux critères de celle-ci ».

Rappelons que cette circulaire prévoyait la reconnaissance du travail des travailleurs migrants sans papiers grâce l'obtention de critères nationaux de régularisation : trois ans de séjour, 24 bulletins de salaire et un futur contrat de travail à temps plein. Affaire à suivre…

Solidarité financière : envoyez vos dons à UD CGT, 24 rue Jean-Jaurès, 78190 Trappes.
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