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CINÉMA

D’un cœur à l’autre

5 novembre 2016 | Mise à jour le 12 septembre 2018
Par | Photo(s) : DR
D’un cœur à l’autre

Réparer les vivants, troisième film de Katell Quillévéré, inspiré du roman éponyme de Maylis de Kerangal, plonge dans les traumatismes et les espoirs autour d'une transplantation. Un mélodrame aux accents documentaires qui réussit un équilibre émouvant entre l'ordinaire et le sacré. Digne et pudique.

Il y a d'abord cette ouverture magistrale. Trois jeunes surfeurs se retrouvent au petit jour pour aller glisser dans une mer déchaînée. Ils sont comme en apesanteur, ils dominent les éléments. La mise en scène sublime la vague qui les enveloppe. L'océan devient tout. Il s'insinue même sur la route qui les ramène de retour chez eux. C'est le trou noir. Accident de la route fatal.

C'est fini pour Simon, 20 ans, en mort cérébrale dans un hôpital du Havre. Les parents détruits de douleur sont confrontés à l'éventualité du don d'organe. Un flash-back sur la vie de Simon avant la tragédie souligne l'horreur de la perte et l'émotion du deuil : lorsque Simon tombe amoureux de Juliette et qu'il tente de l'approcher à la sortie du lycée, il se lance dans une course folle à vélo pour l'attendre à l'arrivée de son trajet en funiculaire. C'est une autre émotion, celle de la vie. Moment de grâce.

Katell Quillévéré s'était notamment illustrée en réalisant, en 2013, Suzanne, un récit fulgurant d'une jeunesse à vif en province. Ici, elle s'empare d'un roman majeur, celui de Maylis de Kerangal, qui fit événement lors de sa publication, en janvier 2014, aux Éditions Verticales et dont la trame narrative – d'une puissance époustouflante – a permis l'élaboration d'une pièce de théatre présentée au Rond-Point à Paris à la rentrée 2016 et actuellement en tournée dans toute la France dans une adaptation d'Emmanuel Noblet.

Il fallait oser se lancer dans l'adaptation de pareille merveille… Pour tenir son récit, la cinéaste a tranché, élagué beaucoup du roman. Afin d'éviter l'écueil du film choral, beaucoup de personnages ont disparu, le scénario a été resserré autour de la famille de Simon et de Claire, la mère de famille qui attend un don du cœur pour continuer à vivre.

Ceux qui ont dévoré le livre n'y trouveront peut-être pas tout à fait leur compte, mais il faut saluer la maîtrise de la direction d'acteurs, sans quoi le projet aurait pu perdre tout intérêt. Le casting, composé de comédiens très divers, d'Emmanuelle Seigner à Kool Shen (parfaits) ou de Tahar Rahim à Bouli Lanners – ici à contre-emploi –, s'impose comme un corps tout entier qui irrigue naturellement ses organes.

À l'inverse, le film n'élude pas l'exploit médical que constituent ces interventions, il y a même une vraie dimension documentaire tant la cinéaste s'attache à suivre toutes les étapes de la transplantation – une logistique minutée, complexe et des moyens humains et financiers considérables – et à décrire le geste chirurgical, précis et délicat, qui ôte un coeur malade d'un thorax pour lui susbtituer un organe sain prélevé sur un corps éteint.

C'est, au passage, un hommage honnête et discret à l'hôpital public, dont la CGT dénonce l'asphyxie. Pourtant, il permet de réparer les vivants, même avec les morts. L'intérêt pour le geste, le rythme, la lumière, le corps, est au centre de l'œuvre de Maylis de Kerangal. La sensibilité et la justesse d'observation de Katell Quillévéré nous font retrouver de cela dans ce film passionnant.

La pièce de théâtre Réparer les vivants est en tournée dans toute la France,
retrouver le programme détaillé sur theatredurondpoint.fr

 

Réparer les vivants, film français de Katell Quillévéré
1 h 40. Sortie nationale : 1er novembre