En Hongrie, les salariés manifestent contre des « lois esclavagistes »
Mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche. Cela fait maintenant cinq jours que des dizaines de milliers de Hongrois descendent dans les rues. Crient leur colère au milieu des gaz lacrymogènes devant le parlement hongrois ou sur la très symbolique place des Héros, à Budapest, la capitale, mais aussi en province, notamment dans les zones industrielles du pays, où les blocages de routes et les opérations escargot sont désormais quotidiens.
Un embrasement général provoqué par le vote, mercredi 12 décembre, de deux nouvelles lois concernant la législation du travail par la majorité parlementaire emmenée par le parti nationaliste d'extrême droite Fidesz de Victor Orbán.
La semaine de six jours de travail
« Des lois esclavagistes », dénonce Károly György, secrétaire international de la Confédération nationale des syndicats hongrois et amie de longue date de la CGT. « La première vise à faire passer le nombre d'heures supplémentaires possibles annuellement de 250 à 400, ce qui, concrètement, revient à instaurer une semaine de six jours de travail. En principe, après accord avec les employés », explique Károly, qui craint cependant de voir cet accord préalable largement ignoré.
Inquiétude d'autant plus justifiée que le second texte adopté laisse les coudées encore plus franches au patronat local. « L'employeur disposera désormais de 36 mois, au lieu de 12 actuellement, pour régulariser et payer ces heures supplémentaires ! » C'est, autrement dit, la possibilité de « lisser les horaires en fonction de la production sur trois années, les heures supplémantaires effectuées une année compensant les éventuelles baisses de travail l'année d'après », décrypte le syndicaliste, qui rappelle par ailleurs que « en Hongrie, 41 % des heures supplémentaires ne sont pas payées ».
De quoi déclencher l'ire des travailleurs hongrois, qui parlent de « retour aux années 1960 », quand d'autres se demandent si ces lois ne serviraient pas in fine à satisfaire les intérêts des industriels allemands, « premiers investisseurs en Hongrie et pourvoyeurs de quelque 300 000 emplois dans le pays », comme le rappelait le ministre des Affaires étrangères et du Commerce hongrois en visite à Berlin en juin dernier.
L'extrême droite contre les organisations syndicales
Ces attaques sur les conditions de travail n'ont cependant rien de nouveau. « Depuis l'arrivée d'Orban et du Fidesz au pouvoir en 2010, nous faisons face à une politique de non-coopération totale du gouvernement avec les syndicats, les organisations et la société civile », constate Károly György. « Il y a une volonté très nette de déconstruction du cadre démocratique et de destruction des structures permettant le dialogue social, y compris patronales qui ne sont pas plus prises en considération. » Sans oublier des médias, privés ou publics, qui sont « totalement aux mains du pouvoir ».
Reste que les démonstrations qui secouent aujourd'hui le pays pourraient bien changer la donne. « Plus de 80 % de la population soutient le mouvement de protestation et les étudiants — c'est une première — viennent de nous rejoindre », se réjouit le syndicaliste. « Tout le monde commence à comprendre comment sa vie, actuelle ou future, va être affectée par ces lois qui auront au moins eu un effet positif, nous réunir tous. » Une révolution hongroise à venir ?