À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT

Faire tourner 
les Moulins Maurel

28 septembre 2014 | Mise à jour le 20 avril 2017
Par
Faire tourner 
les Moulins Maurel

Les salariés des ex-Moulins Maurel, à Marseille, occupent leur usine fermée depuis neuf mois. Un repreneur s'est déclaré intéressé. Cette reprise recueille l'assentiment des salariés et de L'État. Mais pas celle de Nutrixo, 
patron vendeur qui veut conserver son monopole.

Cela fait déjà quelques années que le sigle GMM désigne la Grande Minoterie de Méditerranée et non plus les Grands Moulins Maurel. Peu importe. C'est bien cette dernière dénomination, ancrée dans l'histoire industrielle de la région, que les salariés en lutte continuent d'utiliser. Avec toujours une pointe de fierté dans la voix : « Les Moulins Maurel, c'est un outil capable de produire 500 tonnes de farine et 500 tonnes de semoule chaque jour », assure Édouard Pagny, délégué syndical CGT des salariés. Du côté de la FNAF-CGT, on parle de 100 000 tonnes de blé dur et tendre écrasées chaque année « en capacité maximum ».

Bref, l'un des plus grands moulins de France, créé en 1860. Et que l'actuel propriétaire, le français Nutrixo, veut démanteler. L'annonce en avait été faite dès 2012 par la direction de cette société appartenant au géant agroalimentaire Vivescia, et plus particulièrement à sa branche Siclaé dédiée aux « métiers de la transformation » : arguant du fait que le principal client, Panzani, allait cesser ses achats, Nutrixo promettait la fermeture pour novembre 2013. Soit cinq ans après s'être porté acquéreur de la GMM auprès de… Panzani (qui l'avait, lui, reprise en 2000).

NEUF MOIS D'OCCUPATION

Le 29 novembre 2013, les salariés, qui refusent de voir disparaître leur emploi et l'outil de production, démarrent l'occupation du site. Depuis, sur les 63 concernés au début, une poignée a retrouvé du travail, d'autres sont à Pôle emploi ou en congé de reclassement. Et il en reste aujour­d'hui un peu plus d'une trentaine dans la lutte. « Ça fait neuf mois qu'on occupe le site sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on s'est organisés en trois-huit avec un planning », témoigne Alex, l'un des salariés. Début septembre, le ton est monté entre la direction et les salariés. Ces derniers se voient refuser l'accès au site dans l'enceinte duquel évoluent quelques vigiles. « Ils travaillent pour une société de sécurité qui recrute dans les pays de l'Est et en ex-Yougoslavie. Ce sont déjà eux que Unilever avait fait venir à Fralib… », explique Édouard Pagny.

CONSOLIDATION DE MONOPOLE

Édouard Pagny est convaincu que Nutrixo a racheté l'usine dans l'in­tention de la revendre au plus vite. Vendre ? Potentiellement une bonne affaire dans ce secteur de la ville, la vallée de ­l'Huveaune, frappée de plein fouet par la désindustrialisation massive des dernières décennies. « Avant, ici, il y avait des usines de Marseille jusqu'à Aubagne, raconte Marc Pietrosino de l'union locale CGT. Aujourd'hui, il n'en reste plus que quatre : Heineken (environ 80 salariés), Arkema (environ 250 salariés), Chocolaterie de Provence (ex-Nestlé, environ 35 salariés) et les Moulins Maurel. Dans la vallée, plus de 60 % de l'activité est désormais liée au commerce, 30 % à la santé et les 10 % restants à l'industrie. »

Placé à l'entrée de la grande zone commerciale de la Valentine, le site de la GMM a de quoi intéresser du monde. Alors vendre, oui, mais pas à n'importe qui. Pour Nutrixo, il s'agit visiblement de faire en sorte que l'activité de minoterie (écraser du blé tendre ou dur pour le transformer en farine ou en semoule) cesse sur le site. Pas question que cet outil aux fortes capacités tombe dans les mains d'un concurrent. Quête du profit, consolidation du monopole, mépris pour l'emploi, le patronat dans toute sa splendeur.

SYNDICALISME DE PROXIMITÉ

Refusant le démantèlement, les salariés ont dû s'organiser rapidement. Ce n'était pas gagné. Au moment de la fermeture, ils n'avaient que quelques délégués FO pour les représenter. Lesquels ne sont plus dans la lutte. « Dans cette histoire, l'UL CGT a joué son rôle de structure de proximité, souligne Marc Pietrosino. Lorsque l'on a su que l'usine devait fermer, on s'est rendu sur place avec des camarades de l'UD et de la fédé (FNAF-CGT) pour rencontrer les salariés. La section syndicale CGT des Moulins Maurel s'est créée à partir de la lutte actuelle. Et cette lutte est aujourd'hui le dossier majeur de notre UL, c'est là que l'on porte l'essentiel de nos efforts. »

LA CGT DES MOULINS S'EST CRÉÉE DANS LA LUTTE ACTUELLE

Des efforts conjugués avec ceux de la FNAF (voir ci-contre l'entretien avec Serge Bonuti), ceux bien sûr des salariés, et qui, depuis le printemps dernier, s'appuient sur un levier solide : l'offre de reprise faite en juin par l'homme d'affaires franco-algérien Hamid Kasmi. « On a participé à son élaboration au niveau social et technique notamment, résume Édouard Pagny. On croit dans ce projet, et on est soutenus par les collectivités territoriales et les pouvoirs publics. »

Dans un courrier daté du 18 août, le cabinet de l'Élysée les assure « que les services de l'État sont mobilisés pour favoriser la pérennité de cette activité et garantir le maintien des emplois qui y sont associés ».
Mais encore ? « Notre credo, c'est de faire pression pour qu'il y ait une négociation entre les pouvoirs publics, Nutrixo et Kasmi. L'État est actionnaire à 10 % de Nutrixo et il ne faut pas minimiser son rôle, il peut être important », résume Marc Pietrosino. Dans une lettre adressée le 3 septembre à Patrick Maddalone, le commissaire au Redressement productif de la région, Hamid Kasmi rappelle de son côté la « violence » et les « propos diffamants et outranciers » dont il a fait l'objet de la part des propriétaires. Et insiste malgré tout sur sa volonté d'engager des négociations sérieuses avec Nutrixo pour la vente de la GMM « mais certainement pas aux conditions édictées par eux seuls ». Ambiance.

FAVORISER LA REPRISE

« On préfère pour l'instant aller au bout de cette voie de la reprise, via des négociations, avant d'envisager la piste juridique. Après, si cela n'aboutit pas, on envisagera d'autres solutions avec les salariés. Nous avons fait une étude de faisabilité sur une Scop/Scic, cela pourrait revenir sur la table mais on n'en est pas encore là. » Le 12 septembre, une table ronde réunissant l'ensemble des acteurs du dossier devait se tenir en préfecture. « Nutrixo joue le pourrissement et l'intox, remarque Édouard Pagny. Mais pour l'instant, rien ne peut nous faire renoncer : on continue à lutter. » 

Δ JEUDI 2 OCTOBRE, À 6 HEURES DU MATIN, LES OUVRIERS DES GRANDS MOULINS MAUREL ONT ÉTÉ ÉVACUÉS MANU MILITARI, -PAR UNE COMPAGNIE DE CRS, ACCOMPAGNÉE D'UN HUISSIER-, DU SITE QU'ILS OCCUPENT DEPUIS UNE SEMAINE. LIRE SUR CGT.FR