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Violences faites aux femmes

Féminicides : « On ne peut plus se payer de mots, il faut des actes et des moyens »

3 septembre 2019 | Mise à jour le 3 septembre 2019
Par et | Photo(s) : Thomas Samson / AFP
Féminicides : « On ne peut plus se payer de mots, il faut des actes et des moyens »

Manifestation contre les féminicides le 3 septembre 2019 à Paris

Alors que 101 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, le gouvernement convoque à partir de ce 3 septembre, et pour trois mois, un « Grenelle des violences conjugales ». Et, pour « bien faire », il n'y invite pas les syndicats. Comme si le travail n'était pas, justement, une des planches de salut pour les victimes.

Le gouvernement lance mardi à Matignon, en présence de familles de victimes, un « Grenelle des violences conjugales ». Édouard Philippe doit y annoncer « de premières mesures d'urgence visant à renforcer la protection des victimes », ont annoncé les services du Premier ministre. Devant quelque quatre-vingt invités — responsables associatifs, acteurs de terrain, policiers, gendarmes, magistrats ou avocats —, plus de dix membres du gouvernement, dont Marlène Schiappa (Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations), Nicole Belloubet (ministre de la Justice) et Christophe Castaner (ministre de l’Intérieur), animeront des « ateliers » sur la « prévention des violences », la « mise à l'abri et l'accompagnement » des victimes, ou la « sanction » des auteurs de violences.

Un Grenelle sans les syndicats

Mais, une fois encore, le gouvernement snobe les organisations syndicales qui ne sont pas invitées à ce « Grenelle des violences conjugales », alors que ces dernières, et en particulier la CGT, ont obtenu le vote par l'Organisation internationale du travail d'une norme internationale qui enjoint les États, dont la France, à adopter des mesures de protection des victimes dans le cadre de leur activité professionnelle.

Dans le cadre de l’entreprise, la CGT revendique, conformément à ce que prévoit cette norme OIT, de mettre en place dix jours de congés payés pour les victimes. Elle demande également que soient prévus des aménagements du travail et, à l'instar de ce qui existe en Espagne, un droit à la mobilité géographique, fonctionnelle et à des modifications d'horaires, à la demande des victimes. Enfin, la CGT demande l'interdiction des licenciements des femmes victimes et l'allongement des délais de prescription des licenciements abusifs.

Le patronat exonéré de tout rôle

Voilà une curieuse conception du dialogue social qui consiste à exclure les syndicats d'un dossier sur lequel ils ont tant à dire et à proposer. Au-delà de la crainte légitime que ce « Grenelle des violences conjugales » soit avant tout une vaste opération de communication (qui a dit d’enfumage ?), cette absence des questions liées au travail montre aussi une vision étriquée, qui exonère le patronat de tout rôle, de toute responsabilité. Comment peut-on, en effet, exclure du traitement de cette violence, la sphère du travail ?

D'abord, le travail est une planche de salut pour que les femmes victimes puissent être indépendantes et avoir accès, notamment, à un logement – et pas un simple hébergement d’urgence. Ensuite, parce que les victimes doivent être protégées et soutenues dans leurs démarches et dans leur reconstruction par un environnement professionnel bienveillant. Trop souvent, dans leur fuite du domicile et pour se protéger, les victimes sont amenées à choisir entre leur vie et leur emploi…

Des solutions connues depuis longtemps, mais quelle volonté politique ?

« Pourquoi organiser un Grenelle sur plusieurs mois, alors que les solutions pour lutter contre les violences au sein du couple sont connues et reconnues de longue date ? »  interroge Caroline de Haas, du collectif #NousToutes. Laquelle appelle à « une volonté politique et des moyens hors du commun » pour enrayer ce fléau. Les associations féministes mobilisées sur le sujet souhaitent que l'évènement débouche sur un « plan Marshall » doté d'« au moins 500 millions », voire un milliard d'euros. Bien loin des 79 millions d'euros de crédits spécifiquement alloués à cette lutte, selon une étude menée par cinq organisations.

Marlène Schiappa, de son côté, a annoncé la semaine dernière la création d'un « fonds spécial » contre les féminicides d'un million d'euros à destination d'« associations de terrain », un chiffre jugé très insuffisant par les associations. Ces dernières demandent notamment la création, avant la fin de l'année, d'au moins 2 000 places d'hébergement supplémentaires pour les femmes ayant fui le domicile conjugal, un renforcement de la prévention contre les violences sexistes dès l'école ou bien encore la création d'instances judiciaires spécialisées.