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LIBERTÉS

Fichiers de police : en attente d’un jugement sur le fond

8 janvier 2021 | Mise à jour le 8 janvier 2021
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Fichiers de police : en attente d’un jugement sur le fond

Le Conseil d'État a examiné la validité des trois décrets adoptés début décembre par le gouvernement qui élargissent les possibilités de fichage sur la base d'opinions politiques, philosophiques, religieuses, d'appartenances syndicales ou de données de santé. Il a rejeté début janvier le recours en urgence des organisations syndicales et du Gisti. Mais le jugement sur le fond est attendu. Entretien avec Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT.
Avec plusieurs organisations syndicales et association (Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, FO, Sud-Solidaires, FSU, Unef, Gisti), la CGT a engagé un recours en référé auprès du Conseil d'État contre les décrets adoptés début décembre par le gouvernement, qui visent à étendre le champ des fichiers de police. De quoi s'agit-il et pourquoi cette démarche ?
NVO La Nouvelle Vie Ouvrière le magazine des militants de la CGT Céline Verzeletti liberté de manifester violences policières

Céline Verzeletti

Céline Verzeletti : Ces décrets, qui élargissent le champ des données collectées par les fichiers de police, constituent une nouvelle atteinte grave à nos libertés. Ils permettent de généraliser la surveillance de masse, avec une présomption de culpabilité contraire aux droits fondamentaux pour celles et ceux qui seraient fichés. Ils portent atteinte, notamment, au droit syndical, l'assimilant à un risque pour la sécurité du pays, visant les militantes et militants, rendant aussi possibles de nouvelles discriminations professionnelles.

Ces décrets s'inscrivent dans un contexte où, dès qu'il le peut, ce gouvernement multiplie les mesures liberticides. C'est le cas de la loi dite de « sécurité globale » dont plusieurs articles portent atteinte aux libertés individuelles et collectives, en particulier à la liberté d'information, et qui suscite une importante mobilisation. C'est le cas du nouveau schéma de maintien de l'ordre. C'est le cas du projet de loi initialement qualifiée de loi « contre le séparatisme ». C'est aussi le cas de l'article qui avait été ajouté par le Sénat à la loi de programmation de la Recherche, prévoyant de sanctionner un délit d'entrave dans les universités, et que le Conseil Constitutionnel a censuré.

Le gouvernement décide de ficher les opinions politiques et syndicales

Il s'agit aussi de la prolongation de l'état d'urgence mis en place en 2015 à la suite des attentats terroristes. En réalité, ce qui était présenté comme des mesures d'exception perdurent et deviennent le droit commun. Il en est de même de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire. Ce gouvernement légifère dès qu'il en a l'occasion dans un sens répressif, avec des mesures qui ne cessent de porter atteinte aux libertés.

Cette politique accompagne en fait la crise sociale, économique, écologique qui résulte des choix libéraux du gouvernement. Il s'agit d'étouffer la contestation, de faire peur, de priver les citoyennes et citoyens des moyens démocratiques d'expression et d'organisation, d'entraver la possibilité de la grève, de peser sur le droit d'exercer une activité politique ou syndicale et sur la bataille sociale…

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Le gouvernement a bien vu qu'en dépit du contexte sanitaire, cette politique sécuritaire suscite d'importantes mobilisations citoyennes, avec une participation qui va bien au-delà de ceux qui participent de façon plus habituelle aux grèves ou aux manifestations. Ce n'est pas un hasard si ces décrets ont été pris en catimini, sans débat parlementaire, sans publicité. Cela montre qu'il n'a pas les coudées aussi franches qu'il voudrait le croire, ce qui ne l'empêche pas de persister.

C'est pourquoi nous avons engagé ce recours collectif.

Le conseil d'État vient de rendre une décision de rejet de ce recours, qui constituait une procédure en urgence. Quelle analyse en faites-vous ?

Le Conseil d'État a en effet rejeté le caractère d'urgence de notre recours. Il a cependant déclaré que la mention des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses, d'une appartenance syndicale ou encore des « données de santé révélant une dangerosité particulière » ne sont pas des catégories de données susceptibles d'être fichées.

C'est important, mais tout à fait insuffisant. D'autant plus qu'il a ajouté que des activités pouvant porter atteinte à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État peuvent être quant à elles fichées et ce même si elles font mention des opinions politiques, philosophiques, religieuses et là encore de l'appartenance syndicale ou des données de santé en question.

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Quelles suites comptez-vous donner à ce jugement ?

Un recours sur le fond doit être maintenant examiné et nous avons espoir de gagner, tout en considérant qu'en fait le Conseil d'État aurait dû suspendre ces décrets en attendant ce jugement sur le fond. Nous veillerons également au rôle que la Cnil doit jouer.

Mais la bataille pour le respect des libertés démocratiques, si elle se joue en partie sur le terrain du Droit, doit aussi être menée par l'ensemble des citoyennes et des citoyens. C'est bien ce qui se joue dans la rue en particulier contre la loi dite de « sécurité globale », avec de nouveaux rendez-vous dès ce mois de janvier.

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