20 mars 2020 | Mise à jour le 20 mars 2020
Avec la crise du coronavirus, de nombreux intérimaires terminent leur mission brutalement, pendant que d’autres y vont « la boule au ventre » dans les secteurs alimentaires et de la logistique, qui continuent de tourner et manquent de bras.
« Ce qui nous remonte depuis trois jours, c’est que les gens y vont la boule au ventre », de peur de contracter le virus, explique à l’AFP André Fadda, de la CGT-Intérim, qui reçoit de multiples mails et appels depuis la semaine dernière.
Ainsi, raconte-t-il, dans une entreprise du secteur de l’industrie basée à Douai (Nord), après qu’une personne a été placée en confinement pour une suspicion de coronavirus, les salariés sont rentrés chez eux également mais… pas les intérimaires.
« Chez Geodis à Genevilliers, c’est la CGT qui a distribué des masques aux intérimaires! », affirme-t-il.
La « protection des travailleurs en activité » — intérimaires ou pas — reste « le gros point noir », s’est ému cette semaine Laurent Berger, numéro un de la CFDT.
Et le gouvernement depuis mercredi a été contraint, au vu des droits de retrait qui se multiplient, de faire des appels au civisme pour que les salariés des activités essentiels aillent travailler.
Devant la crainte d’une paralysie complète de l’économie française, Emmanuel Macron a renchéri jeudi, exhortant entreprises et salariés à poursuivre leurs activités « dans le respect des règles de sécurité sanitaire ».
A Saint-Nazaire, « 90 filles qui faisaient le nettoyage » ont refusé de monter dans un paquebot prêt à être livré, estimant qu’elles n’étaient pas assez protégées, raconte encore M. Fadda.
Dans l’automobile ou l’aéroportuaire, les missions s’arrêtent brutalement. Quand elle sont d’un journée ou d’une semaine, elles sont stoppées net. Pour les missions de plusieurs mois, interrompues à mi-chemin, normalement l’intérimaire doit toucher la rémunération. Pour la CGT, les entreprises ne peuvent pas mettre en avant la « force majeure » pour s’en séparer.
– Quelques cas de « chantage » –
Les « CDI » intérimaires, qui perçoivent un revenu minimal entre deux missions, peuvent aussi percevoir le chômage partiel si c’est « mieux disant », selon M. Fadda. Mais, il a observé quelques cas de « chantage » ou de « pratiques frauduleuses ».
« Dans certaines agences, il est demandé aux CDI intérimaires de démissionner ou d’accepter une rupture conventionnelle », affirme-t-il. D’autres agences expliquent à des intérimaires que s’ils « osent exercer leur droit de retrait, ils ne seront pas rappelés pour des missions ».
Les chiffres communiqués jeudi par le patronat de l’intérim donnent le vertige : -75% et 550.000 emplois (en équivalent temps plein) en moins en prévision pour la deuxième quinzaine de mars par rapport à la première.
« Les quelques secteurs comme le commerce de détail et la distribution, où l’intérim joue son rôle de remplacement des salariés absents, malades ou retenus à domicile pour assurer la garde des enfants, représentent une très faible part du volume de l’intérim », explique cette fédération.
Mais la demande grossit néanmoins dans la logistique et le secteur alimentaire, et aussi dans la santé. Le travail du dimanche dans les entrepôts a été autorisé le week-end dernier par le gouvernement.
Les CDD sont logés à la même enseigne.
« Dans des circonstances exceptionnelles, un CDD peut être raccourci », a expliqué jeudi la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Les saisonniers des stations de ski auront eux droit au chômage partiel jusqu’au 15 avril.
Côté intermittents du spectacle — le Syndicat français des artistes interprètes (SFA) a estimé mercredi à plus de de 15.000 le nombre d’artistes interprètes privés de travail et de revenus — une solution provisoire a été trouvée. La période de confinement sera « neutralisée » pour le calcul des droits à l’assurance chômage et pour ceux qui sont en fin de droits.
Autre problème par ricochet : si le 2e volet de la réforme de l’assurance chômage a été reporté, les mesures entrées en vigueur en novembre risquent d’en pénaliser certains. En effet, pour avoir accès à l’indemnisation, il faut avoir travaillé six mois dans les 24 derniers mois (et non plus quatre mois dans les 28 derniers mois).