27 octobre 2022 | Mise à jour le 3 novembre 2022
Entrés en grève du 19 au 25 octobre pour soutenir un collègue licencié sans ménagement, suite à une altercation, les 300 salariés de l'usine Placoplatre Saint-Gobain de Vaujours (93) ont repris le travail après avoir obtenu satisfaction de leurs principales revendications, notamment l'ouverture de négociations sur les salaires et les conditions de travail.
Une sanction disciplinaire d'un salarié, suite à une altercation entre salariés, a mis le feu aux poudres, . Toutes ces étapes de règlement d'un conflit interne ont été franchies. Dans un but bien précis selon l'avis du délégué syndical CGT et secrétaire du CSE de Placoplatre Saint-Gobain Vaujours, Emmanuel Ibanez : « En choisissant de licencier sec un salarié qui n'avait aucun antécédent en 20 ans de carrière et sans même respecter les formes de la procédure de licenciement, que nous contestons aux prud'hommes, la direction a surtout voulu éteindre toute les contestations et le mécontentement qui vont s'intensifiant depuis plus d'un an au sein de l'entreprise».
La mise au pas, qui ne passe pas
Mauvaise pioche, donc, pour la direction de Placoplatre qui, par sa stratégie de « mise au pas » n'a fait qu'attiser la colère jusque là contenue des 300 salariés de l'usine de Vaujours. Colère qui prend sa source dans une organisation du travail en flux de plus en plus tendus, laquelle se traduit par une détérioration progressive mais très tangible des conditions de travail. Exemples en vrac : le sous-effectif chronique, le non-remplacement ou seulement partiel des départs en retraite (18 recrutements contre 33 départs en 2022) ; la politique du dégraissage visant à réduire à 4 les équipes jusqu'ici composées de 5 salariés dans chaque service ; le projet de suppression du recours à l'intérim qui représente 10 % de l'effectif constant ; les changements de régimes de production, avec passage de 5×8 à 4×8 qui engendrent des pertes de salaires et obèrent les projections de production.
« Depuis l'arrivée de la nouvelle équipe de direction, on a pu constater un changement de tonalité dans le dialogue social, qui se fait de plus en plus âpre vis-à-vis des syndicats, ne tient plus aucun compte des attentes des salariés et tend à l'autoritarisme et à la répression de toute expression », détaille, inquiet, Emmanuel Ibanez .
Depuis l'arrivée de la nouvelle équipe de direction, on a pu constater un changement de tonalité dans le dialogue social Emmanuel Ibanez
Une entreprise florissante
Il y a de quoi s'interroger sur le soudain durcissement des rapports sociaux au moment même où l'entreprise réalise ses meilleurs résultats sur la période 2021-2022 (+ 500 millions d'euros de chiffre d'affaires et reversement de 30 millions d'euros de redevance au groupe Saint-Gobain).
«Anticipation », suggère le délégué syndical en évoquant la hausse des coûts de production, de l'ordre de 25% pour la période 2022-2023, liée à la crise énergétique qui fait s'envoler les prix des matières premières et qui selon lui conduit la direction à anticiper des pertes à venir. Et quoi de plus efficace qu'un classique plan de réduction des effectifs ?
Sauf que voilà, les salariés, eux aussi, ont anticipé cette stratégie de « cost killing », et de qui va de pair avec l'intensification de la charge de travail dans des conditions si dégradées qu'elles en deviennent intenables.
D'où leur mise en grève massive le 19 octobre. Pour soutenir un collègue limogé sans ménagement, certes. Mais aussi pour démontrer à la direction, grève et arrêt total de la production à l'appui, que la capacité de mobilisation et la culture de la solidarité chez Placoplatre Saint-Gobain restent intactes et puissantes.
Message visiblement reçu par la direction qui a proposé un calendrier de négociations sur les salaires, les conditions et l'organisation du travail, le renouvellement des effectifs, etc. Et qui s'est engagée à tenir des NAO anticipées, dès janvier 2023, dans l'optique de compenser l'inflation sur les exercices 2022 et 2023.