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FORMATION PROFESSIONNELLE

Formation Professionelle : maxi-ambitions, mini-moyens

20 janvier 2015 | Mise à jour le 4 avril 2017
Par | Photo(s) : CHRISTIAN GAUVRY/AFP
Des droits en progrès, mais des financements obligatoires insuffisants. Etat des lieux et pistes pour obtenir un droit réel des salariés à la formation professionnelle.

Le compte personnel de formation (CPF) et le conseil en évolution professionnelle sont entrés en vigueur le 1er janvier 2015. Quelles sont ces appellations techniques ? Rien de révolutionnaire, juste les deux dispositifs phares de la nouvelle réforme de la formation professionnelle.

Fruit de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013 – non signé par la CGT, côté salariés, ni par la CGPME, côté employeurs (voir l'entretien p. 26) –, la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale date du 5 mars 2014. Sur le papier, elle prétend « orienter les financements vers les salariés qui en ont le plus besoin ( bas niveaux de qualification, demandeurs d'emploi, salariés des TPE), obliger les entreprises à former plutôt qu'à payer et donner plus de place au dialogue social et à l'initiative du salarié pour construire les parcours de formation ».

LE DÉSENGAGEMENT DES ENTREPRISES

Mais, contrairement aux réformes de 2003 et 2009, qui avaient acté de nouveaux droits pour les salariés et des financements supplémentaires, cette nouvelle réforme pose les bases d'un désengagement des entreprises avec « une baisse de plus de 2 milliards d'euros de contribution des employeurs au financement de la formation professionnelle », relève, chiffres à l'appui, Paul ­Desaigues, conseiller formation professionnelle à la CGT. Et de chiffrer à près de 30 % la réduction des obligations  des employeurs.

« Cette réforme, abonde Laurent Milet, rédacteur en chef de la Revue pratique de droit social, dont le n° 833-834 entièrement consacré au sujet, est arrimée à la logique de course à la compétitivité par la réduction du coût du travail dans le cadre du pacte de responsabilité, dont le leitmotiv est le rétablissement des marges des entreprises par de nouvelles exonérations de contributions patronales. » Et de résumer l'essence des nouvelles dispositions dans l'intitulé de son éditorial : « Un droit virtuel à la formation ».

“ CETTE RÉFORME EST ARRIMÉE À LA LOGIQUE DE COURSE À LA COMPÉTITIVITÉ PAR LA RÉDUCTION DU COÛT DU TRAVAIL… ”

Laurent Milet, rédacteur en chef de la Revue pratique de droit social

En clair, sur le papier tout apparaît plus possible que jamais, mais concrètement le financement n'a jamais été aussi peu obligatoire. Bien sûr, certains aspects intéressent (voir les témoignages p. 28 et 29), comme celui du compte personnel de formation (CPF), figure de proue de cette réforme, qui remplace le droit individuel à la formation (DIF). Attaché à la personne et non plus au contrat de travail, le CPF est transférable et permet à tout salarié à temps complet d'acquérir tout au long de sa vie professionnelle – dès 16 ans et jusqu'à sa retraite – deux heures par mois jusqu'au cumul de 120 heures, puis une heure par mois jusqu'à 150 heures au maximum.


« Chaque salarié, dans l'emploi ou privé d'emploi, est depuis le 1er janvier 2015 titulaire d'un CPF doté des heures de DIF disponibles au 31 décembre 2014,
résume Paul Desaigues. Mais les financements légaux sont à ce point indigents que pour beaucoup, son usage risque de n'être qu'une arlésienne. » Avec 0,2 % de la masse salariale consacré au CPF – hors abondement volontaire des entreprises –, c'est environ 1,2 milliard d'euros qui lui serait dédié 1. Or, en prenant un taux prudent de 5 % de salariés utilisant ce dispositif, il coûterait déjà entre 5 et 6 milliards 2…

Les institutions représentatives du personnel (IRP) sont officiellement propulsées en première ligne, mais restent consultatives. Les élus des CE seront invités à porter les demandes des salariés et les organisations syndicales seront amenées à négocier les augmentations de contribution au plan de formation de la part de l'employeur ou par accords de branche, mais toute contribution supplémentaire restera conventionnelle.

Les seules obligations pour l'entreprise sont celle dite « de formation d'adaptation au poste ou liée à l'évolution ou au maintien dans l'emploi », mais quid des moyens financiers prévus à cet effet puisque l'obligation de financement de 0,9 %, au titre du plan de formation de l'entreprise, a été supprimée. C'est dire si la bataille syndicale et le rapport de force seront décisifs pour revendiquer l'orientation du plan de formation et l'obtention de financements supplémentaires.

LES ASSISES DE LA CGT

La CGT n'a cessé de critiquer le déséquilibre de cette réforme dès les premières séances de négociation. Aujourd'hui, de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer le décalage entre les ambitions affichées et les financements en baisse. C'est dans ce contexte et dans une logique combative que la CGT a organisé, les 11 et 12 décembre derniers, les assises nationales de la formation professionnelle, avec pour thème : « Un an après la fin de la négociation formation professionnelle, quelle démarche CGT pour une réforme utile aux salariés ? »

L'objectif était d'informer les 300 participants, d'analyser avec eux les enjeux et d'établir des revendications communes. « Notre environnement idéologique et sociétal est de plus en plus individualisé et la CGT reconnaît qu'il faut des droits individuels, explique Djamel Teskouk, conseiller formation professionnelle à la CGT. Mais ce droit que constitue le CPF est un droit d'initiative du salarié qui ne peut devenir effectif que s'il s'appuie sur des garanties collectives. C'est pourquoi il faut construire une démarche collective pour s'en saisir. »

1. Ces chiffres (1,2 milliard d'euros et 5 %), cités par les économistes Pierre Cahuc et Marc Ferracci dans la note qu'ils ont produite pour le Conseil d'analyse économique, confirment la pénurie de moyens alloués.

2. Le calcul serait le suivant : 5 % de 20 millions de salariés = 1 million. Coût fourchette basse d'un CPF : sans rémunération = 1 500 € ; avec rémunération = 4 500 €. Besoin de financements = 4,5 milliards a minima. Si on se réfère à tous les actifs, les chiffres fluctuent entre 24 et 40 millions d'actifs.

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Perspectives

Entretien avec Catherine Perret,
membre de la CE confédérale de la CGT
en charge de la formation initiale et continue.

CONFORTER LES ATTENTES
ET GAGNER DES FINANCEMENTS CONVENTIONNELS

 

La CGT n'a pas signé l'accord national interprofessionnel qui a notamment présidé à la loi sur la réforme de la formation professionnelle entrée en vigueur le 1er janvier 2015…

En effet. Rappelons que ces négociations s'inscrivaient dans le contexte, toujours actuel, de l'offensive du patronat, relayée par le gouvernement, en faveur de la baisse du coût du travail. Elles faisaient suite à celles dites « de sécurisation de l'emploi » que nous n'avions pas signée – [FO également, NLDR] – car contraire aux intérêts des salariés. Ce contexte ne nous laissait que peu d'espoir de gagner des droits supplémentaires pour les salariés ni d'avancées vers la perspective de sécurité sociale professionnelle revendiquée par la CGT.

Malgré cela, nous y avons participé avec la volonté de faire valoir nos propositions. Mais dès le début de ces négociations le gouvernement, par la voix du ministre en charge de la formation professionnelle, donnait le feu vert à la principale exigence du Medef : la suppression de l'obligation légale de financement du Plan de formation professionnelle par les entreprises. En contrepartie partielle de cet abandon, il y avait certes des dispositifs intéressants qui vont dans le sens de ce que propose la CGT : des droits individuels garantis collectivement. Mais ces nouveaux droits et dispositifs comme le Compte Personnel de Formation, le Conseil en Évolution Professionnelle ou même l'entretien de formation professionnelle sans ces garanties collectives et sans les financements nécessaires ne peuvent être réellement efficaces et accessibles.

 

La réforme votée, il va falloir s'en emparer. Comment compte faire la CGT ? Les militants de la CGT, dans les comités régionaux, dans les OPCA vont être amenés à peser sur l'affectation des fonds, dans les entreprises les élus CE seront invités à donner leur avis…

Durant toute l'année 2014, nous avons influé sur la rédaction de la loi et des décrets, faisant avancer nos analyses et nos propositions dans les différentes phases de la concertation quadripartite. Ce seront autant de points d'appui pour nos élus CGT dans les négociations de branches, dans les consultations des CE d'entreprises ou dans les instances régionales, désormais décisives sur ce registre.

Dans les faits, la loi instaure la baisse des financements, il y a donc à gagner une compensation de la baisse par des financements conventionnels. Nos élus dans les négociations de branches s'y attellent et sont confrontés dès les premières négociations à un désinvestissement fort de la part du patronat (obnubilé par la baisse du coût du travail). Le deuxième enjeu sera de réussir à faire monter les attentes car – comme on l'a répété plusieurs fois lors des assises de la formation professionnelle des 11 et 12 décembre qui ont réuni plus de 200 participants – il ne faut pas considérer la formation professionnelle comme un sujet technique isolé, mais bien au contraire commencer par faire réagir les salariés sur leur travail, la qualité du travail, son organisation, son sens, sa reconquête.

Et à partir de là, faire émerger les besoins en formation pour répondre à l'évolution de leur métier, à leur volonté d'évoluer professionnellement ou même de s'émanciper de leur travail. Cette démarche vise à révéler les demandes de droit à la formation et à rouvrir le débat dans les entreprises sur l'insuffisance des investissements réels face aux attentes et aux besoins de salariés. Le militant de terrain est en première ligne : c'est à lui que revient d'expliquer aux salariés en quoi la formation peut servir à reconquérir son travail et combien la construction d'un rapport de force est nécessaire pour obtenir des acquis. La confédération publie « Ma formation en poche » pour susciter le dialogue avec les salariés sur le terrain de l'entreprise. Ensuite, la bataille se joue aussi dans la consultation du plan de formation qui a lieu deux fois par an.

 

Cette réforme compte donc aussi des aspects positifs ?

N'idéalisons pas la situation : nous réclamions une délibération sociale du plan de formation que nous n'avons pas obtenu. Les textes en sont restés à la consultation des élus du CE, ce qui maintient le manque de pouvoir réel d'intervention des représentants des salariés. Mais cette consultation a été mise en relation avec la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (la GPEC).

C'est un point d'appui pour faire émerger les besoins de formation en entreprise avec un entretien individuel en formation professionnelle rendu obligatoire par la loi pour toutes les entreprises. Les militants de la CGT pourront travailler collectivement au développement des entretiens de formations individuels pour porter des demandes de formations qualifiantes et/ou diplômantes qui entraîneraient une reconnaissance notamment par une augmentation de salaire et une évolution de poste au retour de formation. Tous ces enjeux nous attendent dès ce début d'année.