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Mai-juin 68

Hommage aux victimes de la répression du 11 juin 68 à Peugeot Sochaux

12 juin 2018 | Mise à jour le 12 juin 2018
Par | Photo(s) : DR
Hommage aux victimes de la répression du 11 juin 68 à Peugeot Sochaux

Quelque 300 personnes ont participé, ce 11 juin, à l'hommage rendu chaque année aux deux ouvriers tués et aux 150 victimes de la répression policière de 1968 à l'usine Peugeot de Sochaux.

50 ans plus tard, la cérémonie a une dimension plus émouvante encore avec la présence de la veuve et de la fille de Pierre Beylot venues déposer une gerbe à la mémoire du jeune ouvrier de 24 ans tué d'une balle de 9 mm en plein cœur par un CRS aux portes de l'usine et de Henri Blanchet, victime des tirs de grenades offensives des forces de police. Ce matin du 11 juin 1968, alors que le mouvement de grève persiste et que les négociations de Grenelle se sont achevées avec les avancées que l'on connaît, la direction de Peugeot refuse encore de recevoir les syndicats.

Ce matin du 11 juin 1968 alors que les CRS sont retranchés dans les cours de l'usine, plusieurs milliers de travailleurs manifestent devant la sous-préfecture de Montbéliard pour exiger le retrait des forces de l'ordre. Devant les représentants des syndicats, raconte Bruno Lemerle dans un petit livre (Jeanne et Lucien dans le tourbillon de mai 68), « le représentant de l'État bafouille qu'il ne peut rien faire. Cette intervention a été décidée à Paris entre la famille Peugeot et le ministre de l'Intérieur, M. Marcellin, je n'ai même pas été prévenu ». Devant le refus des autorités, les manifestants prennent le chemin de Sochaux, décidés à reprendre leur usine. La foule enfonce le portail donnant sur la cour de l'ARS (atelier de réparation). Les CRS qui l'occupent se réfugient derrière leur « Command Car », épaulent leurs fusils et pistolets mitrailleurs.

On a tiré à balles réelles sur « ceux de Sochaux »

Les détonations retentissent. Il est 10 heures ce 11 juin 1968… le pouvoir gaulliste vient de faire tirer à balles réelles sur la foule. On relève plusieurs blessés et un mort. Lucien Beylot est mortellement touché par une balle de pistolet mitrailleur. Les radios annoncent les événements et la mort du jeune ouvrier. Des usines voisines et de tout le pays de Montbéliard affluent travailleurs et habitants pour défendre « ceux de Sochaux ». Vers midi, un hélicoptère de la police survole les manifestants tandis que les élus locaux ceints de leurs écharpes tentent de s'interposer pour rétablir le calme. Ils sont refoulés par les CRS à coups de grenades lacrymogènes. Vers 14 heures, raconte encore Bruno Lemerle, « en plus des lacrymogènes, les forces de l'ordre tirent des grenades offensives au bruit assourdissant et au souffle dévastateur. Pour faire un maximum de dégât humain, les CRS les attachent en grappes. Ces redoutables chapelets s'enroulent autour des chevilles des manifestants et en explosant cisaillent le membre prisonnier. » Serge Hardy, ouvrier retoucheur à l'emboutissage et Joël Royer, ouvrier aux Cycles Peugeot ont le pied arraché par ces explosions. Henri Blanchet, soufflé par une grenade tombe en contrebas d'une voie de chemin de fer. Il y laissera la vie.

À l'annonce par la radio de ces nouvelles, les 9000 ouvriers d'Alstom et de Bull qui avaient repris le travail se remettent en grève spontanément et manifestent sous les fenêtres du préfet à Belfort et menacent de venir à Sochaux.

La famille Peugeot finit par reculer

Ce n'est que vers 17 heures dans les locaux de l'inspection du travail que la direction de Peugeot accepte enfin de faire évacuer les forces de l'ordre, de négocier sous condition qu'il n'y ait pas d'occupation des usines. De ces négociations sortiront des acquis importants plus conséquents que ceux de Grenelle : une augmentation des salaires de 12 % et même 14 % pour les ouvriers en production. La direction renonce à augmenter le temps de travail à 47h30 et accepte un retour progressif aux 40 heures sans perte de salaire. Les ouvriers y gagnent aussi le paiement des jours fériés, de congés exceptionnels pour les événements familiaux.

50 ans plus tard, devant la stèle fleurie par la veuve et la fille de Pierre Belot, par la CGT et la CFDT, résonnent dans les haut-parleurs les mots prononcés le 13 juin 1968 par Oreste Pintucci, le secrétaire du syndicat CGT devant le cercueil du jeune ouvrier : « À tous ceux qui demandent pourquoi le drapeau rouge flotte sur les usines occupées, ces quelques semaines de lutte, et surtout cette journée du 11 juin 1968, apportent une réponse. Chaque conquête de la classe ouvrière a couté beaucoup de larmes, de peine, de sang. Si le drapeau est rouge, il l'est du sang de l'ouvrier versé généreusement pour qu'enfin quelque chose change. »