24 mars 2015 | Mise à jour le 14 mars 2017
La caméra d'Emmanuel Gras et d'Aline Dalbis suit des hommes obligés de venir chaque jour au centre d'accueil d’urgence Saint Jean de Dieu-Forbin, à Marseille. Poignant.
Ils sont trois cents. Des hommes de tous âges, de toutes origines, parfois handicapés, paraissant souvent plusieurs décennies de plus que leur âge réel. Certains expriment leur dégoût de cette survie qu'est la rue, certains sont perdus, d'autres ont ici quelques habitudes, l'un nourrit les pigeons, l'autre prie, tous attendent…
Malgré la promiscuité, la solitude se lit dans les attitudes, sur les visages portant les stigmates de rudes parcours. Au centre d'accueil Saint Jean de Dieu-Forbin à Marseille, trois cents hommes viennent chercher chaque jour un hébergement d'urgence, un repas chaud, une douche.
Ruptures familiales ou professionnelles, blessures personnelles, difficultés psychologiques, les hommes qui viennent «à Forbin» disent tous, par leurs regards, leur comportement et plus rarement par des mots, un immense manque. Parfois, la violence affleure, comme si le conflit était aussi un moyen d'entrer en contact avec l'autre. «Ce sont des morts-vivants qui ne font qu'aller de foyer en foyer. Mais il y a une vie derrière les foyers», exprime l'un d'eux avec une pointe de colère – de peur d'être pris dans cet engrenage ? – à son compagnon, qui répond: «Il ne faut pas les juger»
Les «veilleurs» du centre sont parfois des frères de la congrégation religieuse – qui se ressourcent dans la prière au milieu du tumulte –, parfois d'anciens sans abris. Ils doivent faire respecter des règles strictes, nécessaires pour gérer cette communauté forcée d'hommes qui n'ont souvent que très peu de repères.
Les plus jeunes ont encore des rêves. L'un voudrait travailler à la SPA où il dit être bénévole, un autre veut «faire de la politique» et l'on sent bien que, derrière cette pensée si irréaliste, existe un fort besoin de changer le monde qui l'a exclu.
Présenté en 2014 à Cinéma du réel et au Festival de La Rochelle « 300 hommes » est le deuxième film d'Emmanuel Gras (après « Bovines ») et d'Aline Dalbis, qui avait déjà exploré le monde de l'accueil d'urgence avec « Nadia ». Il témoigne, sans commenter, de la grande pauvreté en France et des quelque 700 000 personnes privées de domicile personnel. Un film âpre, sans fioritures, qui montre plus que bien des discours la faille béante de l'injustice sociale.
« 300 hommes ».
Réalisé par Aline Dalbis et Emmanuel Gras.
1h 22