Illusions perdues
Virginie Despentes, prix Renaudot 2010 pour « Apocalypse bébé », nous revient avec « Vernon Subutex », une fresque générationnelle bâtie autour d'un anti-héros et de la mort d'une rock star. Vernon, proche de la cinquantaine, dont le magasin de disques rock « Revolver » a fermé en 2006 – il l'a tenu six jours sur sept pendant plus de vingt ans -, a réussi à survivre jusqu'ici en vendant son fond via eBay et en profitant de l'aide de son ami Alex Bleach, chanteur devenu millionnaire.
A la mort de ce dernier – dont il détient un enregistrement testamentaire que certains convoitent -, radié du RSA, Vernon se retrouve à la rue. « Il n'y a pas que pour lui que les choses s'étaient dégradées rapidement. Jusqu'au début des années 2000, un tas de gens se débrouillaient plutôt bien. On voyait encore des coursiers devenir label managers, des pigistes décrocher un poste de directeur de rubrique télé, même les branleurs finissaient chefs d'un rayon disques à la Fnac… »
GÉNÉRATION 80
Via Facebook, Vernon contacte ses anciennes connaissances, histoire de trouver un toit pour quelques nuits. Et au détour de ses retrouvailles, l'écrivaine nous dresse une galerie de portraits de cette génération des années 1980 – baignée dans le rock, la drogue, l'insouciance – quelque peu perdue. Ancienne star du porno devenue trans, réalisateur de télé haineux, trader compulsif, intérimaire alcoolo qui cogne sa douce…
Les illusions d'antan se sont envolées, chacun a pris de l'âge, de la bedaine et des coups. Certains sont devenus des rapaces, d'autres des proies. Vernon est resté lui-même comme figé dans le temps.
On suit ce premier tome de « Vernon Subutex » de bout en bout sans le lâcher et on attend le deuxième, prévu en mars, avec impatience.
« Vernon Subutex 1» de Virginie Despentes. Ed. Grasset, 397 pages, 19,90 euros.