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18E CONGRÈS UGICT

La CGT des ingénieurs, cadres et techniciens en congrès

20 mars 2018 | Mise à jour le 22 mars 2018
Par | Photo(s) : Nicolas Marques
La CGT des ingénieurs, cadres et techniciens en congrès

Dans la perspective du congrès de l'Ugict-CGT du 20 au 23 mars, la secrétaire générale, Marie-José Kotlicki, est revenue dans le mensuel NVO sur la situation particulière des ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise. Propos recueillis par Maryse Lelarge.

NVO – La Nouvelle Vie Ouvrière, le magazine des militants de la CGT, actualité sociale et juridiqueVous parlez des ingénieurs, cadres, techniciens, agents de maîtrise (Ictam) comme « de salariés hautement qualifiés à responsabilités sociales, économiques et sociétales étendues ». Qu'est-ce qui les distingue des autres ?

Les missions qu'ils exercent ont un impact significatif, que ce soit sur la situation des autres salariés, la dynamique d'entreprise, à travers la construction de projets industriels par exemple, ou l'environnement, à travers des choix technologiques. Ils sont d'ailleurs justiciables à ce titre. Ils ont aussi un rapport particulier au travail, l'exerçant souvent dans l'isolement, sous des formes atypiques comme le télétravail ou le nomadisme. Ils sont d'autant plus attachés au sens du travail que leur éthique professionnelle est régulièrement percutée par les directives des entreprises : 57 % des cadres en font état. Le devoir de loyauté leur interdit de contester publiquement les choix des directions, dans le privé comme dans le public.

Quelles sont les nouvelles menaces qui pèsent sur ces catégories ?

Outre le forfait jours, qui pourrait leur être imposé par la suppression du volontariat en vigueur – depuis la création de ce dispositif –, avec des conséquences extrêmement graves en matière de temps de travail, l'intégralité de leur contrat individuel de travail est menacée dans le cadre des ordonnances Macron. Un nouvel accord collectif au niveau de la branche ou de l'entreprise suffirait, en effet, à annuler toute clause fixant les conditions de leur mobilité, le paiement des heures supplémentaires pour ceux qui ne sont pas au forfait jours, les règles attachées à l'ancienneté, et même les conditions de préavis pour licenciement.

Quel est l'impact de la révolution numérique pour ces salariés ?

Premiers utilisateurs des outils numériques, avec des risques d'épuisement professionnel en forte augmentation, les Ictam seront directement impliqués dans l'organisation de la numérisation de l'entreprise. Concepteurs des logiciels et de leur contenu, ce qui peut ouvrir sur le meilleur comme sur le pire en termes de conditions de travail et d'activité, ils devront appliquer cette nouvelle numérisation sans qu'il y ait eu aucune consultation des salariés et de leurs organisations syndicales. Ils en seront personnellement responsables, ce qui crée chez eux un vrai malaise, d'autant que sans une réduction du temps de travail à 32 heures hebdomadaires, et sans plans audacieux de formation, cette révolution entraînera des suppressions d'emplois qualifiés sur toute la chaîne logistique.

L'Ugict-CGT développe un syndicalisme spécifique qu'elle veut aussi offensif. En quoi ?

Ces salariés, en particulier les cadres, sont censés résoudre les problèmes et non pas en poser. D'où leur rapport particulier au syndicalisme. Pour être attractifs, il nous faut donc articuler rapports individuels et collectifs. C'est le sens des propositions, formulées par l'Ugict et reprises depuis par la CGT, de droits individuels, garantis collectivement et transférables. Le devoir de loyauté ne laisse pas d'autre choix à un cadre en désaccord avec une directive que de se soumettre ou de se démettre. Pour exercer réellement son « droit individuel à désaccord », il doit être protégé collectivement d'un licenciement dans le privé, ou d'une mise au placard dans le public.

Le syndicalisme offensif que nous voulons développer entend lui restituer cette parole et les moyens de faire valoir son éthique professionnelle. Avec les droits d'alerte et de retrait sans sanction que nous proposons, un salarié de l'encadrement de la SNCF, par exemple, pourrait ordonner l'arrêt de toute circulation des trains sur un tronçon de voie pour défaut de sécurité. Il pourrait cesser de travailler pour cause de danger imminent, sans risquer d'être licencié ou muté puisque les instances représentatives du personnel seraient immédiatement saisies du problème pour mener une enquête et établir un avis. Une décision individuelle deviendrait, du même coup, un enjeu collectif, ce qui permettrait de résoudre le mal à sa racine, dans l'intérêt de tous. Ce syndicalisme est offensif, car il part du vécu professionnel de l'encadrement pour changer son quotidien au travail.

En quoi consiste le nouveau statut de l'encadrement que propose l'Ugict ?

Il s'agit de permettre aux salariés de l'encadrement d'exercer leur professionnalisme et leurs responsabilités sociales, sans devoir abandonner leur éthique professionnelle et citoyenne. Ce nouveau statut constitue un socle de droits transversaux. Outre celui d'alerte, avec ou sans retrait, ces droits concernent la reconnaissance et le paiement des qualifications, assortis d'un droit effectif à la formation pour assurer l'actualisation de ces compétences, la maîtrise du temps et de la charge de travail – par un décompte horaire – le respect des limites légales du temps de travail et, enfin, la protection sociale des Ictam. Ceux-ci doivent bénéficier d'une retraite assurant le maintien de leur niveau de vie et non pas du filet minima envisagé aujourd'hui, qui va les pousser vers l'assurantiel beaucoup moins protecteur que le système solidaire par répartition.

Les salariés de l'encadrement sont ceux qui cotisent le plus au régime de retraite, comme d'ailleurs à l'assurance chômage, et leur sortie marquerait la fin de la Sécurité sociale pour l'ensem­ble des salariés. La suppression du plafond de cotisations à l'assurance chômage, qui concerne les cadres dirigeants, en revanche, rapporterait 800 millions d'euros et résoudrait d'un coup le déficit actuel.

Ce nouveau statut pour les Ictam serait donc bénéfique aussi pour les autres catégories ?

De fait, le droit d'alerte permettrait la protection de l'ensemble des salariés. Un cadre qui, sans être cantonné aux seuls résultats, pourrait résoudre les problèmes professionnels d'un collectif de travail retrouverait sa légitimité et les rapports sociaux en seraient moins tendus. De même, la reconnaissance des qualifications dans les seuils d'entrée des grilles tirera vers le haut l'ensemble des salariés. La conquête de droits spécifiques sera bénéfique à tous. Ces nouveaux droits, permettant aux Ictam d'être contributifs et socialement responsables, répondent à leurs aspirations mais aussi aux besoins de tous les salariés.

Le taux de syndicalisation à l'Ugict est moindre qu'à la CGT…

Cette question constitue l'axe central de notre 18e congrès. La syndicalisation et le déploiement dans l'encadrement sont une nécessité absolue pour construire le rapport de force et relever le défi de la représentativité. Si la CGT a perdu sa première place dans le privé, c'est en particulier parce qu'elle n'a pas été en capacité de présenter suffisamment de candidats dans les deuxième et troisième collèges. Parce que les ingénieurs, cadres et techniciens sont au cœur de l'expérimentation des destructions de garanties collectives, leur syndicalisation est un enjeu stratégique. Nous avons décidé de concentrer nos efforts sur dix-sept territoires qui rassemblent à eux seuls 61 % des cadres et plus de 50 % des professions intermédiaires. Nous allons notamment créer des commissions départementales dans les UD à forte concentration d'Ictam et des syndicats de territoires pour accueillir les plus isolés.

Nous amplifierons notre activité de syndicalisation en direction des femmes, de plus en plus nombreuses dans l'encadrement, des jeunes diplômés et des travailleurs indépendants, en particulier les auto-entrepreneurs pour faire reculer l'ubérisation. Nous voulons aussi, comme nous le faisons déjà contre les discriminations et les violences faites aux femmes, développer notre action syndicale sur les fronts social et sociétal, parce que cette démarche est porteuse de progrès et de transformation de la société.

Entretien paru dans la NVO no 3567 de mars 2018