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Gilets jaunes

Ateliers des Janves :
 « Ici, on est CGT et gilets jaunes »

28 janvier 2019 | Mise à jour le 28 janvier 2019
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Aux Ateliers des Janves, l'action de la CGT a été décisive pour obtenir amélioration des conditions de travail, maintien de l'usine, hausse des salaires. Hors de l'entreprise, les gilets jaunes réclament plus de pouvoir d'achat et se méfient des syndicats. Défiance ? Convergence ? Reportage au cœur des Ardennes, où des syndicalistes de l'entreprise sont aux côtés des gilets jaunes.

À Charleville-Mézières, le campement initialement planté devant la préfecture des Ardennes a été déplacé à une centaine de mètres de là. Mais, ce matin de fin décembre, plusieurs « gilets jaunes » s'affairent. À quel­ques jours du réveillon, on nettoie, on range, on veille à garder le foyer allumé dans un gros bidon.

« On ne lâchera rien, lance cette mère de famille mobilisée depuis la première heure. On viendra passer Noël ici, on se relaiera. Pas le choix, on ne peut pas continuer à vivre comme ça. Mon mari est fonctionnaire, il gagne 1 400 euros par mois et moi, j'y perdrais en travaillant, avec les frais de garde et de cantine des enfants. » Elle compte sur la solidarité constante des habitants mais rejette en bloc celle des syndicats : « Ils défendent leur petit cocon, c'est magouille et compagnie. » Avant de se rattraper dans la foulée par un : « Il y a des endroits où il y a des gens bien, c'est peut-être une image aussi… »

Une « image » que nombre de militants s'efforcent de casser malgré la défiance revendiquée des gilets jaunes envers toute forme d'organisation. « On est en contact constant avec les gilets jaunes dans tout le département depuis la première heure », explique Norbert Malicet, gilet jaune sur le dos, au milieu du campement. Avec plusieurs col­lègues des Ateliers de Janves, il ­participe aux mobilisations, le samedi.

Une jonction évidente pour les syndiqués

« Aujourd'hui, ne pas s'associer aux gilets jaunes alors qu'on a des revendications communes et légitimes, c'est une connerie, lâche-t-il tout de go. Les augmentations de salaires et du niveau de vie des salariés sont des revendications que la CGT porte, mais on ne les obtient pas parce qu'on est considérés comme des moutons : quand on programme une manifestation, il faut l'organiser à l'avance, la soumettre au préfet qui décide par où on doit passer, sinon on n'a pas le droit. L'encadrement institutionnel nous maîtrise et même nous méprise », analyse le syndicaliste, délégué CGT.

Ce cadre serait-il une limite à la mobilisation et à l'action collective ? Une chose est sûre pour Norbert, « aujourd'hui, la force de mobilisation est là, dans la société civile, sans étiquette. Gilets jaunes ou gilets rouges, qu'importe, les syndicats devraient être main dans la main avec eux pour forcer le gouvernement à tordre le bras au patronat. Dans la métallurgie ardennaise, les grilles de salaires débutent en dessous du Smic ! ».

Séparés au lieu 
d'être réunis

Au cœur de ce pays de labeur, symbole de la désindustrialisation et de la montée du vote Front national parmi les ouvriers, Bogny-sur-Meuse, petite ville à une dizaine de kilomètres au nord de Charleville-Mézières, conserve encore une activité industrielle. Dans le quartier de Braux, les Ateliers des Janves font face à l'usine de maroquinerie Hermès, révélatrice de l'évolution de l'emploi dans la région.

Le 22 novembre dernier, le tribunal de commerce de Paris validait l'offre de reprise du groupe ardennais, numéro 1 de la bielle en France, par Walor, le plus gros fabricant européen de pièces automobiles. La CGT, premier syndicat, avait mené bataille en faveur de ce rachat par une entreprise familiale française, la plus fiable aux yeux des 320 salariés. « C'est une bonne nouvelle, expliquait Norbert Malicet. Notre repreneur conserve tous les emplois et nos acquis actuels, qui ont même été améliorés. »

La sauvegarde des emplois était prioritaire mais le niveau du pouvoir d'achat a également été central dans la négociation avec le repreneur. Pour obtenir l'équivalent d'une revalorisation des salaires de près de 10 %, les salariés ont dû accepter une augmentation du temps de travail à 39 heures.

Un constat de division, antérieur aux mouvements des Gilets jaunes

Résultat de cette bataille : la CGT, qui avait remporté 95 % des voix aux élections professionnelles de 2015, accueille de nouveaux adhérents. « Je me suis syndiqué pour dire non à la loi travail, raconte Fabien Pinçon, 35 ans, agent d'outillage, 1 500 euros mensuels, adhérent CGT depuis un an. J'ai participé à toutes les mobilisations. On se battait pour ne pas perdre nos acquis… Ils étaient où, les gilets jaunes ? C'est bien le problème : tout le monde est séparé au lieu d'être réuni. »

Mettant de côté son ressentiment, il a participé à plusieurs mobilisations de gilets jaunes comme Anthony Laubary, 35 ans, outilleur, également syndiqué CGT. « Je me reconnais en eux parce qu'on veut la même chose : vivre dignement de notre travail. Point barre. Or, nos salaires ne sont pas dignes. Notre niveau de vie baisse. Mes parents ouvriers vivaient mieux. Quand j'étais petit, avec 150 euros, on avait un Caddy rempli, ce n'est plus le cas aujourd'hui… Ça coincera fatalement. »

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