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SYNDICALISME

Rencontre avec Kamadji Demba Karyom, syndicaliste tchadienne

6 mars 2018 | Mise à jour le 6 mars 2018
Par | Photo(s) : Patrick Chesnet
Rencontre avec Kamadji Demba Karyom, syndicaliste tchadienne

Kamadji Demba Karyom

Membre de l’Union des syndicats du Tchad et de la Fédération des syndicats du secteur public (FSPT), la plus importante centrale du pays, Kamadji Demba était pour quelques jours en France pour alerter sur la situation dans son pays. Rencontre.
Les fonctionnaires tchadiens sont, depuis le 26 janvier, en grève sèche illimitée. Pourquoi ?

En 2016, nous avons dû faire trois mois de grève pour pouvoir être payés parce que le gouvernement avait annoncé ne pas avoir d'argent et le Parlement a ensuite voté une loi pour restreindre notre droit de grève. En 2017, des mesures d'austérité se sont traduites par une réduction sévère de nos indemnités et la nouvelle loi de finances 2018, adoptée à huis clos, prévoit une augmentation des carburants, de certaines denrées, de la taxe d'habitation, mais aussi une hausse de l'impôt sur le revenu de plus ou moins 30 %. Du coup, on s'est retrouvé en janvier 2018 avec un salaire amputé de moitié. Comment peut-on vivre avec un demi salaire ? Ce n'est plus du travail, c'est du bénévolat.

Comment en est-on arrivé là ?
Idriss DébyInstallé au pouvoir depuis décembre 1990, il ne doit sa longévité qu'à plusieurs interventions militaires françaises.

Nous vivons dans une dictature clanique et kleptocrate dans laquelle Déby a instauré un système de partage et de redistribution des richesses du pays dont lui et les siens sont les seuls bénéficiaires. L'administration publique est truffée de fonctionnaires fictifs voire décédés, les subventions affectés à l'éducation, de la santé sont détournées. Son grand frère a même ouvert une entreprise pour pouvoir collecter l'impôt et le reverser ensuite dans les comptes du Trésor public ! Ce n'est pas possible.

Quid de la répression ?

Manifester au Tchad reste aujourd'hui strictement interdit pour des raisons de sécurité. Mais nous bravons régulièrement cette interdiction et la répression est systématique. Quand il y a des marches, les arrestations, les gaz lacrymogènes, les matraques, les tirs sont également là. Il faut voir comment se déploient nos forces de défense et de sécurité. Surarmées, suréquipées, elles disposent également d'une protection très efficace qui est celle de la France.

Quel rôle joue la France ?

François TombalbayePremier président du Tchad après l'indépendance du pays, en 1960, il finira assassiné par les militaires en 1975.

Hissène HabréPrédécesseur de Déby, il a été condamné pour crimes contre l'humanité.

La France a toujours été là. Elle est intervenue pour protéger le pouvoir de Tombalbaye, pour soutenir Habré (3) et, aujourd'hui, elle apporte un soutien inconditionnel au dictateur Déby. Pas à cause de sa présence économique, les entreprises françaises sont peu nombreuses, ni des programmes de l'Agence française de développement sur place, qui consistent le plus souvent à rétribuer grassement des experts ou des conseillers français, certains d'une nullité caractérisée. La France met en avant les questions de sécurité liées à Boko Haram et à la position stratégique du Tchad, où est installé le campement de l'opération Barkhane. Elle peut ainsi étendre sa politique militaire au niveau du G5 Sahel et protéger ainsi ses intérêts dans la région. Elle n'a donc pas très envie de voir partir Déby.

Avez-vous des relations avec la CGT ?

En 2016, lors d'une précédente grève, des camarades de la CGT France devaient venir pour une mission de solidarité mais notre gouvernement leur a refusé le visa. Nous sommes cependant toujours en contact et lors de ce voyage, j'ai rencontré le secrétaire départemental de la CGT Montpellier avec qui nous allons profiter de la venue de Bernard Thibault, aujourd'hui au BIT, à leur congrès, en avril, pour construire un lobbying autour de ces questions lors de la Conférence internationale du travail qui aura lieu en juin, à Genève.

Quel message aimeriez-vous faire passer au public français ?

Même si la décision d'envoyer des militaires français au Tchad fait partie du pouvoir discrétionnaire du président de la République française, l'argent qui sert à financer ces missions ne sort pas de ses poches, mais des vôtres. Vous devriez donc savoir à quoi sert votre argent dans mon pays. Payez-vous des impôts pour que votre gouvernement renforce les capacités des forces de défense et sécurité tchadiennes afin qu'elles puissent nous mater lorsque nous manifestons ?