À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
INDUSTRIE

L’ aérospatiale française en perte d’altitude ?

22 juin 2015 | Mise à jour le 7 mars 2017
Par | Photo(s) : Eric Piermont/AFP
L’ aérospatiale française en perte d’altitude ?

«Le salon du Bourget permet de présenter l'excellence française», a déclaré François Hollande en ouvrant la manifestation, qui offre effectivement chaque année «une véritable vitrine industrielle, de savoir-faire humain, de maîtrise technologique et technique» selon les mots, cette fois, de la CGT.

Le plus grand rendez-vous aérospatial au monde a d'ailleurs connu un franc succès avec 351 000 visiteurs tout au long de la semaine dernière, en hausse de 11% sur l'édition précédente.

Contrairement à d'autres, ce secteur semble avoir de beaux jours devant lui: avec un chiffre d'affaires total de 50,7 milliards d'euros, la filière aéronautique en France dispose d'un carnet de commande global qui représente cinq à six années de production. Pour Airbus par exemple, en 2014 le carnet de commandes s'établit à plus de quatorze fois le chiffre d'affaires, en augmentation de 86,67% depuis 2007 en nombre d'avions.

SOUS LES CHIFFRES, LA RÉALITÉ

Pour autant, ces chiffres cachent une réalité beaucoup moins prometteuse. Hier stratège, l'État s'est dangereusement désengagé de cette industrie au profit de groupes privés et de fonds de pensions : 74% d'Airbus sont aujourd'hui détenus par des fonds de pensions américains et Mittal, de sinistre notoriété, siège au conseil d'administration du groupe. La recherche revendiquée d'un taux de rentabilité à deux chiffres témoigne de ce que les visionnaires ont laissé place aux actionnaires.
Des dividendes en hausse aussi vertigineuse que constante (+ 33% pour EADS entre 2011 et 2012, + 60% pour Airbus entre 2013 et 2014, 40% du résultat net chez Safran l'an dernier comme chaque année depuis 2007), sont servis aux actionnaires au détriment des salaires, de l'emploi, de la recherche et développement et de la formation. 23 000 emplois ont été détruits en quinze ans dans ce secteur.

Le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a annoncé le recrutement de 10 000 personnes en 2014, omettant de préciser que sur la même année, 8 000 départs ont été enregistrés. 18% de recrutements l'ont été en contrats à durée déterminée. La pression sur les sous-traitants, les délocalisations (Tunisie, Maroc, Pologne, Roumanie, Mexique notamment) s'intensifient, dans le seul but de réduire la rémunération du travail.

L'AVENIR HYPOTHÉQUÉ

Les investissements dans la recherche-développement fondent dans les grands groupes du secteur qui ont pourtant reçu près de 300 millions d'euros d'aides publiques en 2013 (238,52 au titre du crédit-impôt-recherche et 48,52 au titre du CICE). Le groupe Airbus a également bénéficié d'aides européennes, ce qui ne l'empêche pas d'hypothéquer l'avenir en gelant des programmes sources de sauts technologiques, comme l'ATR 90. Et 10 000 ingénieurs sont aujourd'hui sur la sellette dans le groupe.

Chez Airbus comme chez Dassault ou Thales, on note une multiplication des burn-out et des arrêts de travail de longue durée du fait de la dégradation des conditions de travail et de son intensification.

«L'histoire de l'industrie aérospatiale française, sa performance et son rang mondial sont directement liés à un fort contenu social et salarial. L'innovation, la création, la qualité et la fiabilité des produits l'exigent», souligne la CGT qui demande 150 000 embauches dans la filière en France dans les cinq ans pour répondre aux besoins actuels et assurer l'avenir.

UN ENJEU STRATÉGIQUE

Conforter «l'avance technologique et industrielle» de l'aéronautique française est un «enjeu stratégique», a déclaré le premier ministre en visitant le salon du Bourget. Sauf à ce que le propos soit pure incantation, il est urgent d'imposer «une politique d'investissements portée vers l'avenir qui associe emploi qualifié et bien rémunéré, innovation technologique, recherche et développement en lien étroit avec la modernisation de l'outil de production», indique pour sa part la CGT qui a décidé de lancer une campagne nationale en ce sens, qui passe notamment par des actions convergentes dans la filière.