Ca ne se passera pas comme ça, chez McDo
Plusieurs dizaines de salariés de McDonald’s, venus de plusieurs lieux de France, étaient mobilisés devant le restaurant de la gare du Nord, à Paris, pour réclamer un taux... Lire la suite
« On ne lâche rien », « McDo, escroc, faut partager le magot ». Mêmes slogans, mêmes revendications, même tonalité festive et pugnace que lors de l'action du 23 mars à la gare du Nord à Paris. Mais en plus, ce fast-food-là est tout un symbole : « Ce McDonald, le seul qui arbore encore le grand M jaune en forme d'arche, est le plus important d'Europe par son chiffre d'affaires », explique Amel Ketfi, responsable de la branche « restauration rapide » de la CGT commerce et services.
En fait, c'est aussi à l'image du roi du burger que la CGT veut s'attaquer : « McDonald aime se proclamer deuxième employeur mondial du secteur privé ; qui permettrait, notamment aux jeunes et aux étudiants de travailler, mais c'est avant tout la première machine à broyer les droits sociaux des travailleurs » poursuit Amel Ketfi.
Les témoignages de salariés de la restauration rapide, toutes enseignes confondues, qui se sont succédé devant l'arche en « M », ont une fois de plus illustré « l'enfer du décor » de la politique sociale pratiquée par McDonald, qui fait école dans toutes les enseignes de la restauration rapide.
Horaires de travail fractionnés, temps partiels, travail de nuit et le dimanche imposés (sans majoration), répression syndicale à tous crins, licenciements jugés abusifs, maltraitance, appauvrissement des salariés par l'évasion fiscale, rémunération au Smic horaire jamais réévaluée : « Chez KFC, nous n'avons même pas de grille salariale, ce n'est pas normal, mais si on demande, ils nous dissocient et nous disloquent », témoigne un salarié. « Le mépris est tel que pendant les réunions de NAO [Négociations annuelles obligatoires], la DRH ne nous regarde même pas en face », assure un autre, de chez Quick France.
Imani Mmadi, salarié de McDo Lyon, témoigne des propos racistes et de la répression syndicale dont il a fait l'objet. Il se révolte notamment de ce que la question du nombre de personnes noires travaillant dans ce McDo aurait été présentée comme un frein à la consommation des Français.
« Moi, je ne peux pas accepter d'entendre cela. Alors j'ai créé une section syndicale CGT pour que nous soyons respectés, et que le patron applique le droit du travail. Là, il m'a dit que jamais la CGT ne viendrait lui expliquer la loi ».
Pression ? Volonté de se débarrasser d'un salarié qui dérange ? « Un jour, il a fait intervenir la police pour m'expulser du restaurant, puis il m'a licencié contre l'avis de l'inspecteur du travail en me disant qu'il en finirait avec moi et avec la CGT ». L'affaire, on s'en doute, n'est pas finie…
Venu soutenir l'action des salariés du commerce et des services à la veille du congrès confédéral, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a pris à son tour la parole. « Je suis fier d'être avec vous aujourd'hui, ici, parce que c'est la vraie vie, celle des salariés qui souffrent de toutes les discriminations, de tous les abus, de toutes les répressions, et malgré cela, vous donnez l'image d'une CGT combative qui refuse, debout, tout ce que vous dénoncez », a-t-il souligné.
« Et la CGT, c'est ça, c'est vous, c'est nous, c'est une CGT des jeunes comme des anciens, qui veut les mêmes droits pour toutes et tous, les mêmes conditions salariales et sociales, car c'est ce que revendique la CGT ». Et de soutenir ces salariés et militantes qui refusent aussi la répression syndicale, dénonçant un patronat « qui parle de “dialogue social”, mais refuse de nous écouter ».
Ovation générale et tonnerre d'applaudissements pour ces propos, sous le regard médusé d'une cadre de la communication de McDo France venue informer les journalistes présents d'un grand scoop : « Savez-vous que ces manifestants ne sont pas salariés de ce restaurant ? », s'est enquis la jeune femme, visiblement mal renseignée sur la campagne lancée par la CGT commerce et services.
Et qui n'avait aucun commentaire à faire ni rien à penser du message affiché sur la banderole des manifestants : « Stop à la destruction sociale, Stop à l'optimisation fiscale ». Et de préciser : « C'est la direction de McDonald monde qui traite ce sujet, nous, nous n'avons pas de marge de manœuvre ».
Le système McDo, c'est ce qu'Amel Ketfi entend bien mettre en lumière pour éclairer le sens de la campagne syndicale mondiale : « Nous voulons agir sur tous les volets du système McDonald. Comme l'évasion fiscale, pour contraindre l'ensemble des pays à une législation contre ce que j'appelle une éviction fiscale et dont McDonald n'est que la face cachée. Mais nous nous attaquons aussi à la structuration juridique de McDonald et à son système de “franchises” qui permet à ses “petits entrepreneurs indépendants” de s'affranchir de toute norme sociale », tout en faisant pression sur eux dans un lien de subordination qui cache son nom.
Appelant les salariés à manifester le 28 avril pour la énième session de lutte contre la loi El Khomri, Philippe Martinez a mis en exergue le lien évident entre la mobilisation des salariés de la restauration rapide et celle, plus générale, contre la loi « travail » qui mobilise dans les entreprises et enflamme les rues des principales villes de France.
« Cette loi, c'est la loi de la jungle, qui va permettre à chaque patron de faire sa loi dans son entreprise ; c'est une loi qui va généraliser à toutes les catégories de salariés ce que vous, vous vivez dans vos entreprises et que vous dénoncez ici, aujourd'hui ».
De cette loi de la jungle à l'affaire des « Panama Papers », la connexion s'établit : celle d'une cohérence idéologique et concrète. Car il s'agit pour les détenteurs du grand capital de gagner toujours plus et de s'affranchir de toute réglementation.
« D'où vient cet argent stocké au Panama ? Il vient de votre travail, et ce sont des milliers de milliards d'euros qui doivent revenir à la collectivité, il faut que partout où l'on crée des richesses, chacun paie des impôts à la collectivité, comme vous et moi nous les payons », a conclu Philippe Martinez.
Galvanisés par ces déclarations, les militants et manifestants ont clôturé leur action du jour en envahissant le restaurant, au moment du « coup de feu », l'heure de la plus forte affluence. Les touristes du monde adeptes du « burger » de midi se souviendront longtemps de cette séquence où, accompagné de sa sono mégawatt, la CGT s'est adressée à eux.
Et n'a pas oublié les paroles de l'Internationale, chantée à gorge déployée. Une autre manière de rougir les frites, alternative à la sauce ketchup.
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Réunis au sein du collectif CGT de la restauration rapide, les salariés des McDonald’s et autres KFC s’organisent pour obtenir les mêmes droits dans tous les restaurants... Lire la suite