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ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES

La CGT assigne la Caisse d’Épargne Île-de-France en justice pour discrimination envers les femmes

8 octobre 2020 | Mise à jour le 15 octobre 2020
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
La CGT assigne la Caisse d’Épargne Île-de-France en justice pour discrimination envers les femmes

Stop aux discriminations envers les femmes à la Caisse d’Épargne Île-de-France ». Hélène Coeuret, au centre, pose devant la Caisse d’Épargne Île-de-France avec 2 autres femmes qui ont également engagé cette action, puis avec d’autres personnes solidaires le 7 octobre 2020

Après avoir lancé, l'année dernière, une action de groupe contre la Caisse d'Épargne Île-de-France (CEIDF) pour discrimination envers les femmes, la CGT était mobilisée avec plusieurs militants devant le siège de la banque, le 7 octobre, pour l'assigner en justice.

« Je suis là pour dénoncer la discrimination salariale entre femmes et hommes ainsi que la discrimination au poste, explique Véronique Danet, postée avec d'autres militants devant le siège de la Caisse d'Épargne, dans le quartier d'affaires du 13e arrondissement de Paris, le 7 septembre.

« J'avais tout pour être directrice d'agence et même plus au vu de mes résultats, explique cette directrice adjointe d'une agence à Bagnolet, et salariée de la banque depuis dix-huit ans. Mon directeur de secteur est arrivé cinq ans après moi avec le même cursus mais moins d'ancienneté dans la finance, et lui a été nommé. La seule différence entre nous, c'est que je me suis arrêtée de travailler durant mon congé maternité et que maintenant je gagne environ 1000 euros bruts mensuels en moins. La direction n'a jamais voulu revenir vers nous dans le cadre de cette action de groupe. On veut rendre visible le silence de la Caisse d'Épargne sur le sujet. »

Travail de longue haleine pour montrer l'évidence

La CGT, qui avait lancé l'année dernière une action de groupe contre la Caisse d'Épargne Île-de-France (CEIDF) pour discrimination envers les femmes a travaillé avec quatre cabinets d'avocats sur ce dossier. Passage au crible des bilans sociaux, des rapports de situations comparées, des procès verbaux de CE et de comité social et économique (CSE), des deux accords d'égalité professionnelle de l'entreprise et confrontation avec plusieurs dossiers de salariées…

Selon Maître Clara Gandin, avocate de la confédération, « le constat est flagrant : les femmes au sein de la Caisse d'Épargne sont moins bien traitées que les hommes, en termes de promotions et de rémunérations. Quel que soit l'endroit où une femme commence sa carrière, elle se heurte à un plafond de verre », a-t-elle conclu. Sans retour de l'entreprise sur le sujet, le syndicat a finalement décidé d'assigner en justice la banque le 7 octobre.

« Nous soutenons l'action de groupe menée par le syndicat CGT de la Caisse d'Épargne Île-de-France relative à l'égalité entre les femmes et les hommes car dans cette banque, comme dans la plupart des entreprises de nos secteurs, l'égalité n'est pas une réalité, explique Valérie Lefebvre-Haussmann, secrétaire générale de la fédération CGT Banques et Assurances et membre de la direction confédérale. Les femmes représentent en moyenne 60 % des salariés de nos entreprises et, selon les chiffres de la DARES [direction statistique du ministère du Travail], il y avait en 2015 une différence de salaire entre les femmes et les hommes de 37 % dans la banque et de 29 % dans les assurances. On peut espérer que les choses se soient améliorées, mais il reste des écarts de salaires. Lors de la constitution du dossier de l'action de groupe à la Caisse d'Épargne, on a relevé 18 % de salaire en moins pour les femmes. Et puis, il y a un problème de carrière : les femmes restent plus longtemps dans le même emploi que les hommes et si elles sont promues cadres, elles restent souvent au premier niveau. »

Négocier l'égalité professionnelle pour toutes

« Nous attendons beaucoup de cette action de groupe, poursuit la syndicaliste. Pas seulement pour les 2700 femmes de l'entreprise. Nous espérons qu'elle nous fournisse un point d'appui pour aller réellement négocier l'égalité professionnelle avec des enveloppes plus importantes. Avec celles qui sont aujourd'hui dédiées à l'égalité par les entreprises, il nous faudra entre 80 et 120 ans pour obtenir l'égalité stricte. On en a assez d'attendre. »

Au côté du syndicat CGT de la CEIDF et de la Fédération CGT des banques et assurances, « la confédération est partie prenante dans cette action de groupe, car ce qui se passe à la CEIDF est malheureusement exemplaire de ce qui se passe dans le pays », a estimé Sophie Binet, responsable confédérale des questions d'égalité femmes/hommes à la CGT.

Un index de l'égalité professionnelle pour vitrine

« Au-delà de tout ce qu'on peut porter en entreprise pour de vraies négociations d'accord remettant en cause les écarts de salaire, on est loin du compte, explique Rachel Silvera, économiste, maîtresse de conférences à l'université Paris-Nanterre et co-auteure de la tribune intitulée “L'action de groupe, nouveau moyen de combattre les inégalités entre femmes et hommes au travail”, parue le 5 octobre, sur le blog de Médiapart. »

« Avec l'index [d'égalité professionnelle mis en place par le gouvernement en 2019, NDLR], par exemple, on s'aperçoit que les entreprises ont trouvé un moyen de s'affranchir de la règlementation et de communiquer une très bonne note alors que les écarts n'ont pas bougé. »

Une analyse partagée par Sophie Binet pour qui « c'est une grande opération de dissimulation des écarts de salaires » entre les femmes et les hommes et un « discours en décalage total avec la réalité ».

L'action de groupe, un espoir

Inspirée de la « class action » américaine, et mesure phare de la réforme de la justice lancée par l'ex-garde des Sceaux en 2016, Christiane Taubira, l'action de groupe permet à une organisation syndicale de saisir la justice pour lutter contre les discriminations en entreprise.

Infographie : l'action de groupe

Première en son genre, l'action de groupe lancée par la CGT sur les discrimination envers les femmes au sein de la banque Caisse d'Epargne Ile-de-France ouvrira-t-elle une brèche pour prouver les discriminations systémiques que l'action individuelle ne permet pas toujours de déceler ? Au-delà de la réparation des préjudices pour les femmes concernées, elle permettrait d'ordonner des mesures structurelles à l'échelle de l'entreprise pour faire cesser ces discriminations. Et peut-être de passer un cran dans la prise de conscience de toute une société.

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