Excédés, les surveillants pénitentiaires se mobilisent
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« Les autorités françaises doivent mettre fin au problème de surpopulation dans les prisons et aux conditions de détention dégradantes ». C'est en ces termes que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) résume, dans son communiqué de presse, l'arrêt qu'elle a rendu le 30 janvier dernier.
« Surpopulation », « vétusté des cellules (…) infestées de punaises de lit et de cafards », « matelas posé à même le sol, à 80 cm des toilettes », « espace personnel inférieur à 3 m² », absence d'intimité… Entre 2015 et 2017, trente-deux détenus des centres pénitentiaires de Ducos (Martinique), Faa'a-Nuutania (Polynésie française) et Baie-Mahault (Guadeloupe), ainsi que des maisons d'arrêt de Nîmes (Gard), Nice (Alpes-Maritimes) et Fresnes (Val-de-Marne) avaient saisi individuellement la justice européenne pour dénoncer leurs conditions d'incarcération.
Si les requêtes ont été coordonnées par l'Observatoire international des prisons (OIP), la CDEH a cependant choisi de ne pas faire de sa décision un arrêt-pilote. Toutefois, constatant que « les taux d'occupation des prisons concernées révèlent l'existence d'un problème structurel », la Cour recommande à Paris « d'envisager l'adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention, et établir un recours préventif effectif ».
De plus, elle condamne la France à verser entre 4 000 et 25 000 euros aux différents détenus « pour dommage moral ». « Un arrêt historique » qui « vient rappeler que les politiques pénales et pénitentiaires menées ces vingt dernières années ont échoué » écrit l'OIP. « Plus on construit de prisons, plus on incarcère. Aujourd'hui, faute de peines alternatives, 30 % des personnes détenues le sont pour des peines de moins de deux ans » résumait en avril 2019 Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT Pénitentiaire, alors que la profession était encore mobilisée suite aux graves agressions subies par des surveillants à Condé-sur-Sarthe.
Des faits auxquels la situation dans les prisons n'est pas étrangère. Selon les derniers chiffres fournis par l'administration pénitentiaire, 70 818 personnes étaient incarcérées au 1er octobre 2019 dans les 188 établissements pénitentiaires français pour 61 065 places opérationnelles, soit une densité de 116 %.
Les requérants ont invoqué les articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 8 (droit à la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'homme pour dénoncer, non seulement leurs conditions de détentions inhumaines et dégradantes, mais également l'absence de voies de recours internes pour y remédier.
Sur ce point précis la Cour relève l'inefficacité des procédures engagées devant le juge administratif. En effet celui-ci fait dépendre son intervention « des moyens dont dispose l'administration »… laquelle, fait notamment observer la Cour, oppose « l'ampleur des travaux à réaliser leur coût pour faire obstacle au pouvoir d'injonction du juge des référés » (tel qu'à Fresnes en 2017).
Si la CEDH a déjà pris des décisions similaires à l'encontre d'autres États (l'Italie, la Hongrie ou encore la Roumanie), pour les amener à lutter contre la surpopulation carcérale, la France est l'un des plus mauvais élèves en la matière à l'échelle européenne. Avec un taux de 116 détenus pour 100 places, elle se situe en troisième position juste derrière la Roumanie (120) et la Macédoine du Nord (122) selon une note du Conseil de l'Europe de juin 2019.
Coutumier de rappels à l'ordre qu'il n'a d'ailleurs jamais contestés, l'État ne mène pas vraiment de politique permettant d'améliorer les conditions d'incarcération des détenus. « Prisons : une humiliation pour la République », soulignait même le Sénat en 2000.
L'étau serait-il en train de se resserrer un tant soit peu sur Paris ? Si d'ici à trois mois la France n'a pas contesté la décision, une période de six mois s'ouvrira avant un premier bilan de la CEDH. Bref, l'État devrait rendre des comptes au Conseil de l'Europe. Et peut-être, comme l'écrit la juge O'Leary dans son opinion concordante qui figure à la suite de la décision, cet arrêt jouera-t-il « un rôle important de catalyseur des changements qui doivent être opérés par l'État défendeur », « comme les arrêts pilotes ou “leading cases” ». À suivre.
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