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Gilets jaunes

La mobilité, l’autre revendication du mouvement du 17 novembre

16 novembre 2018 | Mise à jour le 22 novembre 2018
Par | Photo(s) : © Jolyot / Andia
La mobilité, l’autre revendication du mouvement du 17 novembre

Alors que les Français sont majoritairement favorables à la transition énergétique, y compris pour leurs transports, le gouvernement mène une politique contraire et augmente les taxes sur les carburants. Au-delà de leur opposition à cette mesure, les « gilets jaunes » du mouvement du 17 novembre interrogent sur la mobilité et le besoin environnemental de diversifier les modes de déplacement.

Jamais en reste pour marteler l'impérieuse nécessité de respecter les engagements de l'Accord de Paris (COP21 ), le gouvernement fait pourtant des choix politiques qui sacrifient volontiers l'environnement aux impératifs budgétaires. Il en va ainsi de sa décision de relever progressivement la taxe carbone jusqu'en 2022. Cela renchérit le prix du fioul, du gaz… et des carburants, mais « va surtout servir à boucher les trous du budget, note l'association Attac. En 2019, sur les 37 milliards prévus de taxes sur les produits énergétiques seuls 7,2 milliards seront affectés à la transition écologique ».

Le Premier ministre ne s'en est d'ailleurs pas caché sur les ondes de RTL, expliquant qu'il s'agit d'« organiser un système dans lequel on va progressivement faire peser sur le pétrole, et donc sur la pollution, une partie des prélèvements fiscaux plutôt que sur le travail ». Bref, les cotisations sociales baissent, mais les déplacements en voitures coûtent de plus en plus cher. Une véritable entourloupe déguisée en vert.

La hausse des taxes sur les carburants pénalise les personnes contraintes d'utiliser quotidiennement leur voiture

Lancée par le gouvernement Ayrault, la taxe carbone vise à augmenter les coûts des biens polluants pour obliger leurs utilisateurs à d'autres choix énergétiques, des subventions étant prévues pour les accompagner dans cette transition écologique. Les citoyens viennent, eux, de découvrir sa hausse et celle de la fiscalité diesel qui, jusque-là, avaient été masquées par la baisse des prix du pétrole.

Or, comme toute fiscalité indirecte, elle est injuste car elle s'applique à tous de la même façon, quels que soient le revenu et le mode de vie. En l'occurrence, quand la voiture est indispensable aux déplacements quotidiens c'est à une dépense contrainte qu'elle s'applique. Ce qui est la première raison de la mobilisation collective des gilets jaunes le 17 novembre. Hors d'eux, ils revendiquent en fait le droit à leur mobilité, les plus modestes étant les plus impactés.

En périphérie, aucun système de mobilité en dehors de la voiture

Depuis plusieurs décennies, les habitants des cœurs d'agglomérations bénéficient du développement d'innovations de mobilités de plus en plus douces (métros, tramways, pistes cyclables, vélos et maintenant trottinettes en libre-service, voitures partagées…) et voient avec satisfaction la circulation automobile diminuer progressivement dans leur environnement. Au cours de la même période, les périphéries ont perdu, à l'inverse, tout système de mobilité autre que la voiture.

Dans les territoires ruraux, les petites lignes ferroviaires jugées non rentables (Intercités et TER) ou les autocars qui desservaient les bourgs et les villages ont été supprimés. Au-delà de la première couronne des grandes agglomérations, là où la spéculation immobilière a relégué les petites classes moyennes et les ménages les plus modestes, les autobus sont si peu fréquents ou les lignes si mal connectées entre elles que la voiture est devenue le moyen de déplacement le plus efficace.

La désertification des territoires oblige les habitants à de longs trajets en voiture

Outre le fait que les villes de moins de 50 000 habitants sont en train de perdre leur centre-ville – les commerces fermant au profit des centres commerciaux où l'on se rend en voiture –, dans de nombreux territoires les services publics deviennent de plus en plus distants par la volonté de l'État. Les déserts médicaux, judiciaires, scolaires, mais aussi bancaires se multiplient obligeant les Français à se déplacer, trop souvent à plus de dix kilomètres, pour tout. Le Premier ministre aura beau expliquer aux usagers que d'ici à 2022 ils seront tous raccordés au haut débit, cela ne changera rien à l'affaire. La voiture restera indispensable, ne serait-ce que pour aller travailler. Et de plus en plus loin. La durée des trajets pour aller et revenir du travail ne cesse en effet de s'allonger : en 2010 elle est en moyenne de 50 minutes, soit dix minutes de plus qu'en 1998. Trois actifs sur quatre utilisent pour cela leur voiture contre 11 % qui ont recours aux transports en commun (14 % en 1998).

Les Français sont prêts à changer leurs habitudes de transport, mais le gouvernement prend des mesures en deçà des besoins

Alors qu'en 2017 le parc automobile français est vieillissant (9,1 ans en moyenne) et constitué à 60,6 % de diesels (résultat de choix économiques et politiques), 75 % des Français sont prêts à changer leurs habitudes de mobilité pour contribuer à l'amélioration de la qualité de l'air. 67 % d'entre eux seraient même d'accord pour passer à l'électrique… si le coût d'achat était équivalent à celui d'un véhicule thermique. Les autres réserves exprimées sont d'ordre pratique au regard des besoins : l'autonomie et la possibilité de recharger facilement chez soi ou à proximité.

Autant dire que les dernières annonces du Premier ministre concernant les mesures incitatives à l'achat d'un véhicule moins polluant ne font pas la maille : le « chèque énergie » passe à 200 euros en moyenne et la prime à la conversion des véhicules les plus émetteurs de CO2 pourra atteindre 4 000 euros à partir du 1er janvier 2019 « pour les 20 % de ménages les plus modestes ». Mettre à la casse son véhicule diesel d'avant 2006 ou essence d'avant 1997 pour en acheter un électrique ou éligible aux vignettes Crit'Air n'est donc évidemment pas à portée de budget pour ces ménages et pas davantage pour la majorité des autres.

Mobilité : des politiques publiques à l'encontre des enjeux environnementaux

Pour la CGT « il n'y a pas de politique environnementale sérieuse sans plan d'investissement public massif ». Cela va de « l'installation de bornes de recharge dans les campagnes françaises » à « l'entretien et la remise en service de lignes ferroviaires », en passant par le « maintien des services publics de proximité indispensables pour réduire les déplacements ». Bref, les politiques de réduction des dépenses publiques menées depuis plusieurs quinquennats, poursuivies par l'actuel gouvernement, vont à l'encontre des enjeux environnementaux et des engagements de l'accord de Paris.

De plus, s'en tenir à des incitations fiscales ne fait pas une politique économique. Ces mesures sont pour la plupart anti-redistributives au lieu de cibler des objectifs d'intérêt général comme le soutien à la recherche et développement, la lutte contre la précarité énergétique, mais aussi la réorientation des profits des grandes entreprises (automobile, producteurs et fournisseurs d'énergie…) pour les mettre au service de la réponse aux besoins.