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ÉCOLOGIE

La victoire du pot de terre

17 septembre 2015 | Mise à jour le 2 mars 2017
Par | Photo(s) : Thibaud Moritz/AFP
La victoire du pot de terre

Le 10 septembre, la Cour d'appel de Lyon a condamné la firme Monsanto pour l'intoxication aigüe d'un agriculteur par l'herbicide Lasso. Une première, qui donne espoir à d'autres victimes du géant de l'agrochimie.

Ce jugement est un immense soulagement pour le céréalier charentais, Paul François, victime en 2004 d'un accident alors qu’il vérifie une cuve ayant contenu l'herbicide fabriqué et vendu par Monsanto, produit qu'il utilise depuis une quinzaine d'années. L'agriculteur inhale des vapeurs de monochlorobenzène, l'un des composants du Lasso. S'ensuivent d'importants troubles neurologiques : malaises, vomissements, absences, troubles de l'élocution, puis, lors de ses cinq mois d'hospitalisation, des comas successifs.

Le combat, Paul François le mènera tout d'abord contre la Mutualité sociale agricole (MSA), qui traîne à reconnaître la maladie professionnelle ; puis contre Monsanto. Pourtant, l'herbicide Lasso est déjà interdit à la vente au Canada depuis 1985… mais ne le sera en France qu'en 2007.

UN COMBAT DE LONGUE HALEINE

Cette condamnation arrive au terme d'un long combat judiciaire – qui n'est peut-être pas complètement terminé, Monsanto pouvant se pourvoir en Cassation –, mais semble solide sur le fond. En effet, Paul François et MeLafforgue, son avocat, avaient déjà gagné une première bataille en février 2012, lorsque le TGI de Lyon condamnait Monsanto au motif de « l'absence d'information quant à la composition du produit, à sa dangerosité et aux mesures de protection à prendre ».

Désormais, Paul François ne peut plus exercer son activité qu'à temps partiel ; sa pathologie professionnelle a été reconnue en 2011. À la même époque, avec d'autres agriculteurs, il a créé l'association PhytoVictimes avec laquelle il souligne que « La FNSEA ne veut pas dire que la chimie peut nous empoisonner et nous tuer ». Et encore que « le monde agricole et ses représentants syndicaux – à l'exception notable de la Confédération paysanne et quelques petites organisations agricoles – n'ont pas voulu s'investir dans ce dossier-là. »

SORTIR DU TOUT CHIMIQUE

Paul François, pot de terre qui fait vaciller le pot de fer agrochimique, n'était pourtant pas un tenant de l'agriculture bio. En 2013, il rappelait qu'il avait misé sur « le tout chimique » et que s'il avait commencé à réduire l'usage d'intrants dans les années 1990, « c'était une démarche purement économique ».

Simultanément, il constatait « qu'il n'y avait plus de vie dans le sol » et commençait à introduire de la matière organique (du fumier) dans les sols. « Il a fallu dix ans pour revoir du vivant dans le sol, comme les vers de terre. Cela avait quasiment disparu. »

Aujourd'hui, Paul François déclare qu'« il faut faire tout ce qui est possible pour développer le bio, à commencer par la formation des jeunes. »

Au-delà de la réparation partielle du préjudice subi (et sous réserve de pathologies pouvant se déclarer plus tard), la victoire de Paul François fait entrevoir une lumière au bout du tunnel pour les victimes (agriculteurs, viticulteurs, éleveurs) exposés aux produits phytosanitaires de Monsanto et de l'agrochimie.

 

MONSANTO, UNE LONGUE CARRIÈRE D'EMPOISONNEUR

Rappelons que Monsanto a été, ou est impliqué, dans de très nombreux scandales sanitaires. La firme de Saint-Louis (Missouri) a ainsi été condamnée, en 2013, par la Cour suprême de Corée du Sud, notamment pour les conséquences de l'utilisation d'« agent orange » (produit avec Dow Chemical), défoliant utilisé par les Américains pendant la guerre du Vietnam. L'agent orange est dérivé de l'herbicide 2,4,5-T, dont la dangerosité est connue.

Aujourd'hui encore, cancers et malformations de naissance en sont la conséquence au Vietnam et chez les vétérans américains. Ce qui n'empêche pas Monsanto, en 1975, de lancer l'herbicide Roundup dont le composant principal (le glyphosate) est responsable de malformations fœtales. Suivront le soja, le colza et le coton Roundup Ready, génétiquement modifiés pour résister à l'herbicide Roundup… Mais l'on pourrait aussi citer, au nombre des méfaits de Monsanto, les hormones de croissance bovines, l'aspartame, etc.

Monsanto produit aujourd'hui 90 % des OGM de la planète et entend bien assurer son monopole sur le vivant, entamant des procédures contre des centaines de paysans qui replantent des semences transgéniques brevetées Monsanto, ou qui continuent à produire et échanger leurs semences traditionnelles.

Grâce au Tafta, le grand traité transatlantique, Monsanto, comme d'autres multinationales hégémoniques, pourrait attaquer devant des tribunaux d'arbitrage privé, les moratoires d'États opposés aux OGM, et réclamer d'importantes indemnisations (provenant de fonds publics).

À lire, à voir : Le monde selon Monsanto, livre et film de Marie-Monique Robin (Arte/La Découverte)