THÉÂTRE
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L’art au cœur de la barbarie
20 novembre 2015 | Mise à jour le 28 février 2017
Par
Amélie Meffre
| Photo(s) : DR
Dans « Les hommes », Charlotte Delbo, résistante, déportée à Auschwitz, témoignait de la force des femmes incarcérées au fort de Romainville, qui montent « Un caprice » de Musset pour s'extirper un temps de l'angoisse. La pièce est jouée pour la première fois, courrez-y !
La compagnie Partage s'empare d'une pièce inédite de Charlotte Delbo, écrite en 1978, Les hommes1. C'est l'occasion de découvrir un des écrits de cette grande dame, peu connue du grand public.
Secrétaire de Louis Jouvet, femme de Georges Dudach, résistant communiste fusillé le 23 mai 1942 au Mont-Valérien, Charlotte Delbo fait partie du convoi du 24 janvier 1943 des 230 résistantes envoyées à Auschwitz, dont Danielle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Maï Politzer.
Seules 49 d’entre elles en reviendront après 27 mois d'enfer. De cette expérience de la barbarie, elle en fera une œuvre littéraire hors du commun – récits, poésies et pièces de théâtre – aussi puissante que celle de Primo Levi ou de Robert Antelme.
Dans Les hommes, elle met en scène sept résistantes, détenues au fort de Romainville, qui tentent de s'évader de cette attente interminable en montant Un caprice, de Musset, quand leurs hommes sont menacés de mort ou déjà fusillés.
« L'ÊTRE HUMAIN NE DEVIENT JAMAIS UN ANIMAL »
Ces hommes, incarcérés de l'autre côté du bâtiment, elles ne les croisent que lors de la promenade. Elles se pomponnent alors et affichent leurs plus beaux sourires pour leur donner du courage.
Quand elles reviennent, la mine déconfite, la peur au ventre, elles s'attèlent à la préparation du spectacle. Françoise, le double de Charlotte Delbo, est à la mise en scène ; Madeleine sera l'accessoiriste, cousant des oiseaux avec des foulards colorés sur les couvertures pour le rideau de scène ; une autre, seconde main chez Lanvin, se chargera des costumes…
Avant la représentation, deux d'entre elles seront convoquées pour dire adieu à leurs frère et mari.
La pièce sera jouée, même si on ne la verra pas… Au fil de l’histoire, on découvre la force de vie de ces femmes malgré l'angoisse ou le deuil. À l'image de Charlotte Delbo, qui réussira à jouer Le malade imaginaire avec ces codétenues du camp de Raisko. « C'est là qu'on a vu que l'être humain ne devient jamais un animal. Il résiste par ce qu'il a dans la tête », confiera-t-elle.
Allez voir cette pièce bouleversante, fort bien mise en scène et jouée, qui rend hommage à ces héroïnes de l'ombre et rappelle l'importance et la force de la culture pour résister.
1. QUI RAPPORTERA CES PAROLES ? ET AUTRES ÉCRITS INÉDITS. ÉDITÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS LORS DU CENTENAIRE DE SA NAISSANCE, EN 2013, CHEZ FAYARD. LES HOMMES FAIT PARTIE DU TRIPTYQUE CONSACRÉ À L’EXPÉRIENCE CONCENTRATIONNAIRE À AUSCHWITZ.
Les hommes, de Charlotte Delbo. Mise en scène de Florence Cabaret et Jeanne Signé.
Jusqu'au 29 novembre – L'Épée de bois, Cartoucherie, route du Champ de manœuvre – Paris 12e.
