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Le CE est bien un non-professionnel

26 octobre 2016 | Mise à jour le 27 décembre 2016
Par | Photo(s) : Fotolia/Jérôme Rommé
Le CE est bien un non-professionnel

Un CE peut se prévaloir des dispositions protégeant les non-professionnels contre la tacite reconduction des contrats de prestation de service. Une décision inverse à celle prise il y a quelques mois et conforme à la finalité non lucrative des comités d'entreprises.

Pour l'achat des biens nécessaires à l'exercice de ses activités, le comité d'entreprise est fréquemment en rapport avec des fournisseurs et des prestataires de services, et parfois très sollicité par des représentants. Mais il arrive très souvent que le comité soit mécontent de la prestation fournie par le prestataire et veuille s'en débarrasser. Quelle n'est pas sa surprise lorsque celui-ci, en se prévalant d'une clause de renouvellement tacite, lui fait savoir que la résiliation du contrat n'est pas valable car intervenue hors délais. Ce qui a pour effet de repousser à l'année suivante, voire davantage, la possibilité pour le comité de résilier le contrat. Et si, néanmoins, le comité résilie le contrat hors délai, il s'expose à une demande d'indemnisation de la part du prestataire.

La loi protège les non-professionnels

Confronté à une telle situation, le comité d'entreprise peut se croire légitimement protégé par la loi. En effet, il est généralement admis que le comité puisse être assimilé à un non-professionnel au sens de l'article L. 136-1 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 3 janvier 2008 applicable en l'espèce (aujourd'hui L. 215-1 et L. 215-3 depuis l'ordonnance du 14 mars 2016). Si tel est le cas, le prestataire de service a l'obligation d'informer le comité de la possibilité de ne pas reconduire le contrat au plus tôt trois mois avant le terme du contrat et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction tacite. À défaut d'information, le comité peut résilier à tout moment le contrat conclu, à compter de la date de reconduction.
Une majorité de tribunaux s'était prononcée en ce sens (Appel Lyon, 6e ch., 15 nov. 2012, no 11/05966, Sarl PBW Group c/ Comité d'entreprise SOGETI Régions ; Appel Besançon, 2e ch. civ., 13 nov. 2013, no 12/02221, SAS Dallmayr c/ Comite d'entreprise SIS Vendôme ; TI Boulogne-Billancourt, 3 juill. 2015, no 11.14-000468, SA SLG c/CE de la SAS Dubbing brothers International. Voir toutefois en sens contraire Appel Reims, ch. civ., Sect. 1, 6 nov. 2012, no 11/00621, Comité d'entreprise de la Polyclinique Saint- André).Et la 1re chambre civile de la Cour de cassation avait jugé qu'un syndicat de copropriétaires, même s’il est représenté par un syndic professionnel pour conclure et négocier les contrats de la copropriété, est un non-professionnel et bénéficie des dispositions protectrices de l'article L. 136-1 du Code de la consommation (Cass. civ. 1re , 25 nov. 2015, n° 14-20760). Par analogie, on pouvait estimer qu'il en allait de même pour un comité d'entreprise.

La chambre commerciale au secours des prestataires

Dans un arrêt rendu le 16 février 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation avait cru pouvoir tirer immédiatement les conséquences de la nouvelle définition du consommateur donnée par la loi Hamon du 17 mars 2014, entendu désormais comme «toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole».Pour la chambre commerciale, un comité d’entreprise ne pouvait pas revendiquer l'application des dispositions du Code de la consommation protégeant les non-professionnels contre la tacite reconduction automatique des contrats de prestation de services dans la mesure où celles-ci ne concernent que les consommateurs personnes physiques et, en ce qui concerne les non-professionnels, sont inapplicables aux contrats qui ont un rapport direct avec leur activité professionnelle (Cass. com. 16 fév. 2016, n° 14-25146,  Sté SLG c/ comité d’entreprise Eurovia Méditerranée).Le comité d’entreprise exerçant une activité professionnelle, selon les juges, et le contrat en cause présentant un rapport direct avec cette activité, le comité n'était donc pas en l'espèce un non-professionnel.
Cet argument pour le moins étonnant avait appelé de notre part plusieurs critiques (lire notre précédent article) dans la mesure où le comité d'entreprise est une personne morale dépourvue d'activité lucrative, celle-ci se définissant par rapport à une gestion désintéressée et par l'absence de concurrence. Un comité d'entreprise ne peut donc être assimilé à une société commerciale et il n'exerce pas d'activité professionnelle, que la chambre commerciale se gardait bien d'ailleurs de définir.

La 1re chambre civile se prononce en sens inverse

Dans un arrêt du 15 juin 2016, la  première chambre civile de la Cour de cassation vient de juger en sens inverse que, lorsque le comité d'entreprise exerce sa mission légale qui est d'assurer, de contrôler ou de participer à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise, au bénéfice des salariés ou de leur famille, il agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (Cass. civ. 1re, 15 juin 2016, n° 15-17369, Sté Kalidéa).Le comité d'entreprise est donc bien, pour la première chambre civile, un non-professionnel pouvant prétendre au bénéfice des règles protectices du Code de la consommation.
La première chambre civile a ainsi anticipé sur la parution au Journal officiel de l'ordonnance du 14 mars 2016 qui définit désormais le non-professionnel comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Sur les activités sociales et culturelles du comité d'entreprise, voir M. Cohen et L. Milet, Le droit des comités d'entreprise et des comités de groupe, 12e éd., LGDJ 2016,
disponible dans notre boutique.

Lorsque le comité d'entreprise passe un contrat avec un prestataire de services, il  conclut certes un contrat commercial dont il contrôle la bonne exécution. Mais cela ne lui confère pas pour autant la qualité de « professionnel » car la finalité de l'opération est à mettre en rapport avec l’exercice de sa mission légale, et non pas avec la réalisation d’une activité à but lucratif.Un tel raisonnement est transposable selon nous à tous les non-professionnels dont l'activité est désintéressée. On pense aux syndicats, mais aussi aux associations, dans la dimension caritative de leurs activités, quand bien même ces organismes seraient amenés à conclure des contrats commerciaux dans le cadre de cette activité, que ce soit pour leur fonctionnement ou pour concrétiser la finalité de leur mission.