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THÉÂTRE

Le dessous des armes

20 septembre 2016 | Mise à jour le 8 février 2017
Par | Photo(s) : Erwan Temple/Un Pas de
Le dessous des armes

En cette Journée internationale de la paix, la dernière pièce de Nicolas Lambert, « Le maniement des larmes », sur les politiques d'armement en France résonne cruellement. Une enquête théâtrale percutante à ne pas louper.

« Monsieur le Colonel, je souhaite visiter la Libye, et je serai très heureux si vous effectuez vous-même une visite en France. […] Je souhaite donner une nouvelle dimension à nos relations. Par exemple par rapport à l'énergie nucléaire et dans le domaine de la défense. » Nicolas Lambert, en président Sarkozy fraîchement élu, aussi nerveux que nature, s'entretient au téléphone avec Mouammar Kadhafi, à qui il donne du « monsieur le Guide ».

Cet échange issu des archives libyennes et dévoilé par Mediapart en 2012 est l'un des nombreux documents dont s'est nourri Nicolas Lambert pour écrire Le maniement des larmes, dernière pièce de sa trilogie « Bleu-Blanc-Rouge : l'a-démocratie ». Les deux précédentes portaient sur le pétrole (Elf, la pompe Afrique) et le nucléaire (Avenir radieux, une fission française), celle-ci nous plonge dans les coulisses des ventes d'armes et le financement des campagnes présidentielles.

AU CŒUR DES AFFAIRES

Reprenant des bribes de conversations, issues d'enquêtes judiciaires, d'extraits de conférences de presse, de journaux radiophoniques, d'auditions devant l'Assemblée nationale ou de témoignages publiés, Nicolas Lambert nous livre les coulisses de la politique d'armement en France, à travers quelques affaires d'État.

De l'attentat de Karachi au Pakistan en 2002 – qui tua 14 personnes dont 11 employés de la Direction des constructions navales de Cherbourg – à la mort de Kadhafi en 2011, sont convoqués sur scène responsables politiques (Edouard Balladur, Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, Nicolas Sarkozy, Michel Rocard…), journalistes, agents du renseignement et hommes de l'ombre tels Thierry Gaubert, conseiller de Nicolas Sarkozy, ou Ziad Takieddine, homme d'affaires franco-libanais, intermédiaire dans des contrats d'armement.

Alors que sur un écran en fond de scène s'affiche le contexte (lieu, date, personnalité), Nicolas Lambert endosse avec brio tous les personnages, alternant déclarations publiques et conversations privées, dans une mise en scène sacrément rythmée. Du coup, on plonge aisément, parfois avec amusement, dans un sujet des plus graves. On suit la panique des uns et des autres au fur et à mesure du dévoilement des affaires, des perquisitions, mais aussi les mensonges et les revirements, à l'image d'un Nicolas Sarkozy face à Kadhafi, libérateur devenu tyran.

Au-delà des « petites » affaires entre amis, on prend la mesure de l'opacité des ventes d'armes et de l'absurdité de la politique d'armement, à travers les extraits du livre L'État trafiquant, de Jean-Pierre Lenoir, ancien responsable des services secrets, ou de l'intervention de Michel Rocard devant l'Assemblée nationale en 2014.

Comment la France fait financer ses programmes d'armement par des clients étrangers sans que le Parlement n'ait son mot à dire ? Sur quoi repose aujourd'hui l'arme de persuasion nucléaire ? Le maniement des larmes soulève une multitude de questions et amène à une prise de conscience précieuse.

 

Le maniement des larmes, de et par Nicolas Lambert.

Jusqu'au 4 décembre, au Théâtre de Belleville. 94 rue du Faubourg-du-Temple – Paris 11e.

 

N'hésitez pas à acheter le texte de la pièce en sortant, agrémenté de compléments d'information, édité chez l'Échappée. 128 pages, 10 euros.

 

À noter

Les deux premiers volets de la trilogie « Bleu-Blanc-Rouge : l'a-démocratie », Elf, la pompe Afrique et Avenir radieux, une fission française, seront joués du 7 au 30 décembre, également au Théâtre de Belleville.