La fin de quatre ans de présidence Trump
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Comment les États-Unis ont-ils vécu la crise sanitaire ? Quelles en sont les conséquences économiques et sociales ? Quelques semaines après le meurtre raciste de George Floyd, qui a déclenché de vastes mobilisations, et dans la dernière ligne droite de l'élection présidentielle, Philip Golub (professeur de science politique et de relations internationales à l'Université américaine de Paris) nous livre son analyse.
La gestion de la pandémie par les autorités fédérales et locales a été tantôt chaotique, tantôt catastrophique. En ne mettant pas en place les mesures sanitaires nécessaires contre la prolifération du coronavirus, l'État fédéral n'a pas réussi à protéger la population. L'administration Trump a, au départ, explicitement recommandé de ne pas porter de masques. Refuser de reconnaître l'ampleur de la crise permettait en fait de camoufler l'évidente impréparation face à l'arrivée d'une pandémie annoncée de longue date comme inévitable.
Ce problème, au niveau fédéral, a été amplifié à travers la diversité des mesures prises par les États. Certains, à l'instar de la Californie sous contrôle démocrate, ont ainsi mis en œuvre des mesures plus immédiates et strictes que d'autres, à l'instar des États républicains tels que l'Alabama, la Floride ou bien la Géorgie.
Résultat : plus de 100 000 morts, et une pandémie qui n'est toujours pas sous contrôle. Au-delà des faillites managériales et des problèmes inhérents au fédéralisme, l'ampleur de la catastrophe s'explique en grande partie par le poids des structures sociales inégalitaires de race et de classe. La Covid-19 frappe avant tout les minorités et les pauvres ; les taux de mortalité sont en effet beaucoup plus élevés parmi les populations vulnérables qui, outre leurs conditions de vie, bénéficient d'un accès plus faible au système de soins.
Après une baisse du PIB de 5 % au premier trimestre 2020, on s'attend à une nouvelle chute de l'ordre de 7 à 12 % au deuxième trimestre. Le taux de chômage officiel, passé de 3,8 % en février à 14,4 % en avril, ne prend pas en compte la baisse de la participation effective de la population active au marché du travail. En réalité, on estime que cinq millions d'États-Uniens supplémentaires sont exclus du marché du travail. Le taux de chômage officiel se situe donc plutôt autour des 16 %.
Quant au taux de chômage effectif, il est bien supérieur dès que l'on tient compte du secteur informel qui comprend des millions de travailleurs sans papiers très présents dans les secteurs agricole, des loisirs et du bâtiment, frappés de plein fouet par la crise. Sont aussi exclus de ces chiffres, des millions de personnes qui travaillaient dans la « gigeconomy », l'économie des petits boulots et des plateformes comme Uber ou Deliveroo.
Les États-Unis font face à une crise économique comparable à celle de 1933, lorsque le taux de chômage avait frappé un quart de la population active. Les groupes sociaux les plus touchés sont les femmes, les Hispaniques et les Afro-américains. Le chômage des jeunes est estimé à 20 %. Résultat : le taux de pauvreté devrait atteindre les 17 à 19 %, ce qui représentera une augmentation de plus de 21 millions d'individus en situation de pauvreté.
L'assassinat de cet homme — sorte de lynchage évoquant le passé raciste et esclavagiste du pays — a provoqué une onde de choc, surtout dans les communautés afro-américaines durement frappées par la Covid-19. Il faisait suite à une longue liste de meurtres similaires de jeunes noirs par des forces de police essentiellement blanches, qui continuent d'agir en toute impunité. Les communautés afro-américaines font l'expérience de différentes formes de domination, de répression et de violence de la part des forces de l'ordre.
Le système de justice criminelle reproduit sous d'autres formes la ségrégation institutionnalisée mise en place après la Guerre civile [1861-1865, NDLR], et qui dura légalement jusqu'au milieu des années 1960. Cet assassinat a été l'étincelle d'une révolte qui couvait déjà et avait donné naissance au mouvement Black Lives Matter en 2013.
Ce qui est nouveau, c'est le caractère multiracial et multigénérationnel de la mobilisation, qui touche tout le pays et même au-delà. En plus, elle ne se limite pas à une question identitaire ; on y retrouve des problèmes de race et de classe. La position socio-économique subalterne des minorités se conjugue avec la violence symbolique due au racisme.
Or, ce mouvement exige désormais l'égalité socio-économique et la justice des représentations. Ce qui passe par diverses formes de réparations, comme déboulonner des statues et monuments à la gloire des esclavagistes et colonisateurs, ou rebaptiser les rues et institutions célèbres. Des voix s'élèvent en outre pour que des lois fédérales prévoient de réparer la dépossession des Afro-Américains pendant et après l'esclavage. Des promesses, jamais accomplies, du mouvement des droits civiques des années 1950 et 1960.
La popularité de Trump baisse depuis plusieurs mois. Les sondages montrent que 55,2 % de la population désapprouve l'action du président et de l'administration actuels, contre 50,6 % début 2017. Ils donnent actuellement Biden gagnant au suffrage universel et dans plusieurs États clés pour la constitution d'une majorité de grands électeurs, lesquels, in fine, élisent le président.
Cette tendance s'explique par la gestion de la crise de Trump et ses politiques agressives. Bien qu'il conserve le cœur de sa base électorale, cela pourrait être insuffisant pour gagner l'élection. Annoncé comme devant permettre un retour aux politiques de l'ère Obama, Biden se trouve confronté à une turbulence économique, sociale et idéologique profonde, et à une gauche revigorée au sein du parti démocrate.
La base de Trump semble se rétrécir, mais le cœur de son électorat n'a pas bougé, soit 30 % ou plus d'électeurs, en majorité blancs, masculins, assez âgés et issus des petites classes moyennes rurales ou périurbaines du cœur continental et du sud du pays. Le phénomène « petits blancs » existe, mais c'est surtout dans les couches sociales intermédiaires qui sont ou se sentent menacées par les transformations sociologiques locales et globales qu'il faut chercher ses supporteurs.
Une fois élu, sa base s'est amplifiée avec d'autres électeurs du Parti républicain et, surtout, les notables du parti qui se sont alignés sur lui, même lorsqu'ils étaient en désaccord avec sa politique ou ses manières. Ces derniers se détournent de Trump du fait de la crise, mais pas le cœur de la base qui est mue par la peur sinon par la haine des immigrés, des minorités et du multiculturalisme.
Seuls 10 % des travailleurs et employés sont syndiqués, mais les syndicats pèsent dans le secteur public ou l'automobile. Le taux de syndicalisation des travailleurs du secteur public de 33,6 % est toujours plus de cinq fois supérieur à celui des travailleurs du secteur privé, de 6,2 %.
Il faut aussi noter les concentrations géographiques : plus de la moitié des 14,6 millions de syndiqués aux États-Unis vivent dans sept États seulement (Californie, Pennsylvanie, Washington, New York, Illinois, New Jersey, Ohio), bien que ces États ne représentent qu'un tiers environ des emplois salariés du pays.
Cette sociologie de la représentation syndicale implique que les syndicats ont peu de prise sur les couches sociales que Trump mobilise. Et puis, le Parti républicain mène depuis longtemps une guerre ouverte à l'encontre du syndicalisme, qui se trouve amené à lutter dans certains États pour maintenir les droits élémentaires des salariés.
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