23 janvier 2025 | Mise à jour le 23 janvier 2025
Le 22 janvier 2024, les gardien.ne.s de troupeaux étaient appelé.es à se réunir devant le siège de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) à Moirans, en Isère, puis le lendemain devant celle de Savoie à Saint-Baldoph. Ils et elles exigent que l’organisation patronale revienne à la table des négociations, alors que celle-ci tente de faire marche arrière sur les avancées obtenues par les berger.es pour améliorer leurs conditions de travail. En toile de fond, se joue une compétition entre syndicats agricoles patronaux à l’occasion des élections des chambres d’agriculture, qui se tiennent jusqu’au 31 janvier.
Travail gratuit, horaires à rallonge, logements indécents, équipements coûteux à leur frais, maigres salaires… Les gardien.ne.s de troupeaux exercent leur métier passion dans des conditions souvent précaires. En Isère, en Savoie et Haute-Savoie, à la suite de mobilisations de ces salariés agricoles, des négociations étaient engagées depuis deux ans, au sein de commission mixte paritaire. En Savoie et Haute-Savoie, ces discussions étaient sur le point d’aboutir sur quelques améliorations, comme l’obtention de six jours de congés payés supplémentaires à la fin de l'estive ou des contrats de 44 heures minimum par semaine pour tous les bergers, aide-bergers et vachers d'alpage. En Isère, département très pastoral dans lequel n’existait jusqu’alors aucun accord, une prime d’équipement de 250 euros par mois pour rembourser l'achat de l’équipement de travail, jusque-là intégralement au frais des salariés, avait été actée par la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA).
Retour à la case départ
Mais, coup de théâtre, de manière unilatérale, les agriculteurs de la FDSEA de Savoie et de Haute-Savoie ont mis fin, le vendredi 13 décembre 2024, aux négociations pour réclamer la «
régionalisation » de ces dernières à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes. «
Cela signifie que l’on repart à zéro et que tout ce qu’on a gagné au niveau départemental est perdu », déplore Emmeline Tabillon, secrétaire générale du syndicat CGT des gardiens de troupeaux (
SGT-CGT).
« Ces négociations se sont ouvertes grâce à notre mobilisation. Or, on va se retrouver à négocier pour des départements comme l’Ain ou le Rhône où il n’y a pas de bergers et où le rapport de force nous est défavorable », dénonce Jeoffrey Moreaux, gardien de troupeaux et militant au SGT-CGT. C’est pour exiger la reprise des négociations que les gardien.ne.s de troupeaux étaient appelés à se réunir devant le siège de la FDSEA à Moirans, en Isère, le 22 janvier, et le lendemain devant celle de Savoie à Saint-Baldoph.
Querelles de patrons
Pour le syndicat des bergers, la manœuvre du principal syndicat patronal du monde agricole doit être analysée au regard du contexte des élections des chambres d’agriculture, qui se tiennent du 15 au 31 janvier. Actuellement, le monde agricole élit les membres des 88 chambres d'agriculture départementales, interdépartementales et territoriales, institutions qui jouent un rôle centrale dans la mise en œuvre de la politique agricole. « La FDSEA est concurrencée sur sa droite par la Coordination rurale. Elle a peur qu’en nous lâchant des miettes, cela leur fasse perdre des voix au profit du syndicat concurrent », analyse Jeoffrey Moreaux, candidat pour l’élection en Isère, tout comme Emmeline Tabillon. Pour que la CGT soit représentative et donc qu’elle puisse siéger dans les négociations, elle doit atteindre au moins 10 % des voix des salariés agricoles.
Les ouvriers agricoles invisibilisés
« C’est très difficile de faire campagne auprès des ouvriers agricoles en général et c’est également le cas pour les gardiens de troupeaux car nous sommes isolés sur notre lieu de travail et que nous sommes en contrats précaires », explique Noé Campredon, berger et candidat dans les Hautes-Alpes pour le SGT-CGT. « Dans les médias, les élections agricoles se concentrent sur les batailles entre les syndicats patronaux, la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles], La Confédération paysanne ou la Coordination rurale. Les salariés agricoles sont complètement invisibilisés », observe Emmeline Tabillon. Ces derniers sont pourtant bien appelés à élire leur représentants, qui siégeront au sein des collèges salariés des chambres. Pour Jeoffrey Moreaux, cette invisibilisation est le fruit des discours du patronat agricole, qui met l’accent sur les défense des « petits »agriculteurs. Dès lors, pour lui, le rôle de la CGT est de « remettre la lutte des classes au cœur des élections agricoles. »