À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
SECRET DES AFFAIRES

Les lanceurs d’alerte sur la sellette

2 août 2018 | Mise à jour le 17 juillet 2018
Par | Photo(s) : Hin
Les lanceurs d’alerte sur la sellette

Alors que la Commission européenne annonce un projet de directive sur la protection des lanceurs d'alerte, le Parlement français s'apprête à voter une proposition de loi qui risque de les fragiliser et de mettre en péril la liberté d'informer.

Transposition dans le droit national de la très décriée directive européenne sur le secret des affaires de juin 2016, le texte porté par LREM a été adopté par le Sénat le 18 avril dernier en procédure accélérée et provoque une levée de boucliers. Il est dénoncé par les collectifs « Informer n'est pas un délit » et « Stop secrets d'affaires » – coalition de journalistes, de lanceurs d'alerte, de syndicats, d'ONG et de représentants de citoyens – ainsi que par une pétition qui a rassemblé plus de 500 000 signatures en moins d'un mois. Ils estiment qu'avec la future loi, « le secret devient la règle, et les libertés [deviennent] des exceptions ». Une lettre ouverte a été adressée au président de la République.

Inversion de la charge 
de la preuve

De son nom complet : « Sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguée contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites. »

Les parlementaires LREM qui ont poussé à l'adoption de la proposition de loi sur le secret des affaires prétendent vouloir lutter contre « l'espionnage économique, le pillage industriel et la concurrence déloyale ». Quitte à mettre en cause le droit des citoyens à l'information… Car si une directive est un texte minimum commun à tous les États membres, lesquels ne peuvent que l'améliorer, le député LREM Raphaël Gauvin, rapporteur de la proposition de loi, aggrave la situation du lanceur d'alerte.
Alors que la directive de 2016 met celui-ci à l'abri de toute poursuite pour violation du secret des affaires si, en révélant une « faute, une malversation ou une activité illégale », il a « agi pour protéger l'intérêt général », la transposition française bouleverse la donne. En ajoutant que le lanceur d'alerte devra prouver sa « bonne foi », la proposition de loi inverse la charge de la preuve. Christophe-André Frassa, rapporteur au Sénat, s'est quant à lui évertué à élargir le champ des informations concernées par le secret des affaires. À la notion de « valeur commerciale », il préfère celle, plus floue, de « valeur économique ».

Intérêt général

Autre flou : le périmètre des individus exonérés du secret des affaires. Si c'est le cas des journalistes et les syndicalistes, rien n'empêchera par exemple les multinationales de porter plainte contre eux. Le juge pourra se prononcer pour la relaxe au nom de la liberté d'expression tout comme il pourra retenir le « dénigrement commercial ».
De quoi produire une abondante jurisprudence sur laquelle le député Gauvin semble compter pour fixer le droit. Le texte ne dit rien sur les militants associatifs ; quant aux actes qui, sans être illégaux sont immoraux, ils ne sont pas concernés (comme les LuxLeaks). Autant de zones d'ombre qui laissent entrevoir le poids des lobbies économiques dans la transposition LREM de la directive secret des affaires. Le texte devrait achever sa course parlementaire à la mi-mai en commission mixte paritaire où tout peut encore être réécrit.

C'est pourquoi la coalition d'opposants au texte adresse une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour lui demander « de défendre le droit à l'information et l'intérêt général en restreignant le champ d'application du secret des affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels ». Finalement, le premier signe d'ouverture est venu de la Commission européenne, le 23 avril, avec la très attendue directive organisant la protection du lanceur d'alerte. La mobilisation de la société civile européenne aurait-elle fini par payer ?