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AUTRICHE

L’extrême droite s’installe au cœur de l’Europe

27 avril 2016 | Mise à jour le 15 février 2017
Par | Photo(s) : Omar Marques/AFP
L’extrême droite s’installe au cœur de l’Europe

Pour la première fois depuis 1945, l'extrême droite arrive en tête au premier tour de la présidentielle en Autriche, sur fond de crise économique et de haine contre les réfugiés. Analyse.

C'est inédit, depuis la victoire contre le nazisme en 1945. L'extrême droite est arrivée largement en tête en Autriche au premier tour de l'élection présidentielle dimanche 24 mars, au cœur de l'Europe. Norbert Hofer, du parti d'extrême droite Freiheitliche Partei Österreichs (FPÖ), a obtenu plus de 36 % des voix, devant l'écologiste Alexander Van der Bellen, qui a obtenu 20,4 % des suffrages.

Il laisse loin derrière le « centre gauche » (SPÖ, Parti social-démocrate) et le « centre droit » (ÖVP, Parti populaire) qui, depuis des décennies, président alternativement l'Autriche et gouvernent le pays jusqu'à s'associer dans le cadre de « grandes coalitions ».

Mais ces deux partis n'ont totalisé dimanche à eux deux que 22 % des suffrages.

NÉONAZIS ET RAVALEMENT DE FAÇADE

Norbert Hofer, 45 ans, vice-président du Parlement, a entamé, à l'instar de nombre d'organisations d'extrême droite en Europe, une entreprise de dédiabolisation de son parti, fondé quelques années après la guerre par d'anciens nazis.

L'Autriche n'a du reste pas réalisé le travail d'histoire et de réflexion sur l'histoire, en particulier sur le nazisme, qu'ont entrepris ou amorcé d'autres pays européens. Au contraire même, s'est développé en Autriche le mythe de la « patrie victime », glorifiant toutes les victimes de la guerre, à la plus grande joie de l'extrême droite et des anciens nazis.

C'est ainsi que des figures marquantes du FPÖ ont pu en toute impunité multiplier les « dérapages » sur le nazisme ou les provocations explicitement racistes, en particulier contre « les nègres ».

Plus jeune que nombre de responsables politiques et propre sur lui, Norbert Hofer n'en est pas moins le candidat d'un parti qui réclame l'abolition de la loi de 1947 sanctionnant d'une lourde de peine de prison l'apologie du nazisme, la négation de ses crimes de génocide, ou la reconstitution d'un parti nazi. Et lui-même se fait le chantre de l'armement individuel des « bons citoyens autrichiens » contre la menace que représenterait l'immigration sur chacun et sur l'identité nationale…

CHÔMAGE : LES RÉFUGIÉS BOUCS ÉMISSAIRES

Mais c'est sur les thèmes chers à l'extrême droite européenne que le FPÖ a fait campagne. Face aux politiques d'austérité qui ont accru le chômage, ce sont les travailleurs immigrés qu'il a accusés, les transformant en boucs émissaires. Le taux de chômage atteignait en effet un peu plus de 9 % de la population fin 2015, en comptant les demandeurs d'emploi travaillant à temps partiel ou en formation.

Norbert Hofer a eu tôt fait d'accuser à la fois l'entité « Europe » comme si les politiques européennes n'étaient pas le fait de consensus entre les dirigeants des 28 États membres, mais surtout les réfugiés fuyant la guerre en Irak ou en Syrie et cherchant asile en Europe.
En fait, 90 000 réfugiés ont demandé asile au pays (8,6 millions d'habitants) en 2015.

Le gouvernement de coalition actuel lui-même en a fait les boucs émissaires de sa politique. Il a notamment fait ériger une barrière frontalière pour empêcher les survivants du Proche-Orient d'entrer sur le sol du pays. En février, il a organisé à Vienne une réunion avec les représentants des États des Balkans (hors Grèce) pour interrompre la « route des Balkans » suivie par les demandeurs d'asile. Surfant sur cette politique, le FPÖ a choisi d'aller plus loin, dénonçant le laxisme gouvernemental et citant en exemple la politique ultra répressive du premier ministre hongrois Viktor Orban contre les réfugiés.

Tentant de faire oublier l'antisémitisme traditionnel de l'extrême droite autrichienne, n'hésitant pas à donner des gages à Tel-Aviv, le FPÖ a trouvé dans l'islam une cible qu'il espère plus consensuelle, là encore comme nombre de partis d'extrême droite européens.

VOTE TOUTES CATÉGORIES

C'est dans ce contexte, et faute d'alternative crédible à gauche dans le pays contrairement à ce qui s'est joué ou se dessine dans plusieurs autres pays d'Europe, que le rejet de la politique de l'actuel gouvernement autrichien s'est traduit par un vote qui place l'extrême droite en tête sans ambigüité. La participation est pourtant en hausse par rapport à l'élection présidentielle de 2 010, atteignant 68 %.

Toutes les catégories sociales ont placé le FPÖ en tête, et c'est le cas de 72 % des employés et des ouvriers autrichiens ayant voté. C'est aussi le cas de toutes les catégories d'âge. Mais les sondages à la sortie des urnes indiquent que les lycéens et étudiants ont préféré d'autres candidats, notamment écologistes.

Rien n'est encore joué pour le second tour, le 22 mai prochain. Si Norbert Hofer est élu, cependant, il a annoncé vouloir dissoudre l'Assemblée, et s'attacher en premier lieu à la répression contre les réfugiés.
Marine Le Pen, ses nièce et affidées, se sont quant à eux félicités de ce résultat du premier tour en Autriche.

Est-ce pour tenter de se consoler des mobilisations qui se développent en France, dans le cadre du rejet du projet de loi « travail » et pour l'égalité des droits ?