À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
CULTURE

Lire, écouter, regarder : la sélection de la NVO pour les fêtes

10 décembre 2021 | Mise à jour le 20 décembre 2021
Par , , et
Lire, écouter, regarder : la sélection de la NVO pour les fêtes

Bande dessinée
Un manifeste pour la liberté

«Les forces d'occupation devraient toujours penser à une bonne chose : c'est qu'on fabrique beaucoup plus de résistants, de maquisards et tout ça, par un simple coup de pied au cul que par d'autres choses », nous relate Madeleine Riffaud, narratrice de sa propre histoire superbement mise en cases et en bulles dans le premier de trois albums, dessinés et signés par Dominique Bertail et Jean-David Morvan. Née en 1924, cette fille d'un couple d'instituteurs de Picardie n'aura de cesse, dès lors, de chercher à rencontrer la Résistance, de s'y engager. Elle y mènera des actions d'éclat, sera arrêtée, échappera à la mort, à la déportation. Ce n'est que 50 ans plus tard, sur l'insistance de Raymond Aubrac, qu'elle fera publiquement part de cet engagement pour ne pas faire tomber dans l'oubli ses « copains », morts dans les luttes qui furent les leurs. Cette trilogie rend compte avec talent de cette « vie d'aventures à la Tintin, mais du côté Résistance et anticolonialisme » résume le scénariste Jean-David Morvan. F.D.
Madeleine, Résistante, de Dominique Bertail, Jean-David Morvan et Madeleine Riffaud, Tome 1, La Rose dégoupillée, Éditions Dupuis, 128 pages, 23,50 euros.


Chanson
Joli duo pour célébrer Brassens

Dans le concert des célébrations du centenaire du génial Sétois, l'album de François Morel et Yolande Moreau, Brassens dans le texte, est un petit bijou. Les deux comparses s'emparent de 14 titres qu'ils déclament, chantent et jouent non sans humour. Dans leur reprise succulente de Fernande, Yolande commente les humeurs changeantes et bruyantes du mâle en rut quand, dans Hécatombe, elle se délecte à répéter à l'envi au brigadier : « Dès qu'il s'agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie. » Sa voix se fait plus tonitruante pour nous livrer toute la force de La Complainte des filles de joie. Le duo sait aussi se faire plus tendre pour nous conter La Visite ou, pour rendre hommage à La Chanson pour l'Auvergnat. Grâce à leurs variations bien avisées, les paroles de Brassens se détachent, magistrales, et on se régale. A.M.
Brassens dans le texte, par François Morel et Yolande Moreau, Fontana, 15,99 euros.


Roman
Les folies du père

Sorj Chalandon nous avait déjà cloués avec Profession du père où il racontait son enfance aux côtés d'un père mythomane et fort violent. Le film au titre éponyme de Jean-Pierre Améris, avec un Benoît Poelvoorde époustouflant, est une réussite. Le romancier nous happe cette fois en nous contant les dérives du paternel, résistant, collabo – voire SS –, dont il découvre l'incroyable cheminement alors que s'ouvre le procès de Klaus Barbie. « Mon père avait été SS. J'ai compris ce qu'était un enfant de salaud. Fils d'assassin. Et pourtant, face à lui, je suis resté silencieux. » En même temps qu'il nous relate les rebondissements du procès qu'il couvre comme journaliste, il nous livre le dossier, dégoté aux archives de Lille, du papa arrêté. Les deux événements ne furent pas concomitants dans la réalité et c'est la force du roman de nous plonger dans la noirceur de ces deux personnages comme dans la souffrance des témoins. A.M.
Enfant de salaud, de Sorj Chalandon, éditions Grasset, 332 pages, 20,90 euros.


Bande dessinée
Anatomie de la connerie (presque) ordinaire

Faut pas prendre les cons pour des gens, la BD à sketches du dessinateur et scénariste Emmanuel Rezé en est à son troisième tome. Le principe est toujours le même, des gags d'une page à l'esthétique des années 1960/1970 et un humour noir pour croquer les travers de notre société. Pour ce troisième épisode en trois ans – le succès de cette série obligeant quelque peu, en terme de rythme de parutions… – trois co-scénaristes, Jorge Bernstein, Vincent Haudiquet et Nicolas Rouhaud, ont travaillé sur le dossier. La société de consommation, la vieillesse, la tauromachie, comme notre rapport à la misère sont passés à la moulinette. Le monde du travail n'est pas oublié non plus avec cet employé remisé au placard, obligé de télétravailler… dans sa penderie. La réalité la plus quotidienne croise un absurde confinant parfois à la science-fiction, la satire sociale est bien réussie. B.B.
Faut pas prendre les cons pour des gens, d'Emmanuel Rezé avec Jorge Bernstein, Vincent Haudiquet et Nicolas Rouhaud, Tome 3, Éditions Fluide glacial, 56 pages, 12,90 euros.


Essai
Ralite, ils l'ont tant aimé

«Je n'ai pu me résoudre à rayer son numéro de téléphone de mon répertoire. Je sais bien que Jack Ralite est mort le 12 novembre 2017 à Aubervilliers, mais j'entends toujours sa voix, ses appels du matin (couché tard, il se lève tôt). » Les premières lignes de la préface de Jean-Pierre Léonardini donnent le ton de cet hommage collectif et chaleureux. Journalistes, femmes et hommes de théâtre, élus, chercheurs, ils sont seize à tirer son portrait, pétri de souvenirs, d'admiration et de reconnaissance. Il faut dire que le grand Jack possédait bien des facettes et puis, une intelligence comme la sienne, c'est rare. L'ancien directeur du Festival d'Avignon, Bernard Faivre d'Arcier, le confirme : « […] passez une heure avec lui et vous aviez l'impression d'avoir conversé avec Victor Hugo, Jean Jaurès, Aragon ou René Char… » À propos du travail, dont il fut le ministre, le psychologue Yves Clot rend à Ralite ce qui appartenait à Jack : « […] il pensait qu'il ne fallait pas hésiter à se“salir les mains” dans le monde actuel avec tous – syndicats et dirigeants – pour chercher les meilleurs arbitrages […]. » Au final, le collectif tire une bien belle révérence. A.M.
Jack Ralite, nous l'avons tant aimé, collectif, Editions Le Clos Jouve, 140 pages, 24 euros.


Livre et DVD
Épopée du western italien

Plus qu'une encyclopédie exhaustive, ces 10 000 façons de mourir feront date dans la connaissance de l'histoire du cinéma, plus précisément celle du western italien. Un pavé de plus de 600 pages, cahier photos compris, dans lequel le réalisateur britannique Alex Cox, passionné du genre, analyse une cinquantaine de westerns transalpins des années 1960 à fin 1970. Il rappelle la révolution cinématographique qu'engendrèrent ces réalisateurs, scénaristes, musiciens qui, faisant fi des canons traditionnels nord-américains, proposèrent une vision radicalement différente du Far West. S'aventurant sur des terrains plus politiques ou sociaux, voire anarchiste pour certains. Une épopée que l'on peut prolonger en (re) découvrant deux chefs-d'œuvre du genre : Django, de Sergio Corbucci, sorti en 1966, et qui a inspiré l'oscarisé Django Unchained de Quentin Tarantino, ou El Chuncho, film de 1967 de Damiano Damiani qui marque l'avènement du western « politique », que l'éditeur a la bonne idée de ressortir en Blu-ray et DVD. P.C.

10 000 façons de mourir, point de vue d'un réalisateur sur le western italien, d'Alex Cox, éditions Carlotta, 624 pages, 50 euros. Django de Sergio Corbucci, Carlotta Films. Blu-ray/DVD, 20 euros ; édition prestige limitée, 28 euros. El Chuncho, de Damiano Damiani, Carlotta Films. Blu-ray/DVD, 20 euros.


Bande dessinée
Libération féministe au Kurdistan

Célébrées pour leur bravoure à l'égale de celle des hommes par les Grecs, les Amazones ne sont pas qu'un mythe. Elles auraient appartenu à des tribus nomades ou semi-nomades peuplant l'ancienne Mésopotamie. Une illustre généalogie dont peuvent se revendiquer à l'évidence aujourd'hui les femmes kurdes. Lesquelles, depuis le début des années 2000, ont entamé une véritable révolution dans leur pays : politique, sociale, féministe et écologique. Une égalité qui leur est désormais reconnue les autorités kurdes du Rojava, le pays kurde situé au nord de la Syrie. Pour laquelle elles ont payé, payent encore le prix fort. Notamment lors de la proclamation du califat de l'État islamique à Raqqa, en Syrie. Califat contre lequel elles n'ont pas hésité à prendre les armes et participer plus qu'activement à la résistance, puis à l'élimination de Daesh. Un juste hommage à ce peuple kurde oublié et ses femmes. Et une antithèse cinglante aux visions archaïques de l'État islamique et ses affiliés. Voire, parfois, souvent, bien au-delà. P.C.
Les Filles du Kurdistan, de Clément Baloup et Mylène Sauloy. Éditions Steinkis, 144 pages. 20 euros.


CD
Et vive la chanson française !

Pour les 150 ans de la commune de Paris, ce disque collectif célèbre les chansons et les textes de la période. Initié par Les Ogres de Barback, il réunit une belle brochette de chanteuses et de chanteurs engagés : Michèle Bernard, Melissmell, Francesca Soleville, HK, Mouss & Hakim, François Morel ou Christian Olivier sans ses Têtes Raides… La tonalité générale alterne entre chanson réaliste et moments plus rock, l'accordéon n'étant jamais très loin. On célèbre les chansonniers (Jean-Baptiste Clément, Eugène Pottier), mais aussi les poètes et les écrivains de la Commune. Si l'on retrouve les grandes chansons de cette période comme Le Temps des cerises ou L'internationale, l'ouvrage va bien plus loin. «Demain, prends garde à ta peau, à ton fric, à ton boulot car la vérité viendra, la Commune refleurira », disait Renaud dans Société, tu m'auras pas. Il semble avoir été écouté par quelques-uns… B.B.
La commune refleurira, album collectif, IRFAN (le label), 25, 40 euros.


Bande dessinée
Balzac le gargantuesque

Un Balzac pour Noël ? Sauf à faire plaisir à une tante, un oncle prof de français, l'idée peut paraître saugrenue. Erreur. Car c'est une face cachée, ou méconnue de la plupart d'entre nous, que font sortir de l'ombre les frères Brizzi, dessinateurs français dont le graphisme enlevé, tout en crayonné, s'empare de quatre écrits balzaciens pour les illustrer. Mais pas de Père Goriot ou d'Eugénie Grandet, ni de Cousin Pons ou de Cousine Bette dans ces pages. Non, ce qu'ils ont choisi de nous faire découvrir, avec l'aide d'Honoré transformé en Monsieur Loyal pour nous présenter, introduire en personne ses œuvres, ce sont quatre textes tirés des Cent Contes drolatiques. Il n'y en a que trente en fait, dans lesquels Balzac, rendant un hommage appuyé à Rabelais, revisite avec gouaille le Moyen-Âge, de quoi choquer à son tour le bourgeois de l'époque. Truculent, paillard, anticlérical à souhait. En un mot, jouissif… P.C.
Les Contes drolatiques, de Paul et Gaëtan Brizzi, d'après Honoré de Balzac, Éditions Futuropolis, 128 pages, 21 euros.


Bande dessinée
Japonisme

Habitué du Japon où il est un des rares gaijin, ou étrangers, à avoir travaillé chez un éditeur nippon, le dessinateur italien Igort nous entraîne pour le troisième tome de ses Cahiers japonais à la découverte d'un Japon, bien loin d'un archipel coincé « entre tradition et modernité », pour nous ouvrir les portes d'un genre artistique particulier rappelant par certains aspect celui de l'underground occidental : celui du « monde flottant », c'est ainsi que l'on appelle les quartiers des plaisirs, et de l'ero-guro, l'art « érotique » japonais. Un terme à prendre au sens le plus large, puisque les « monstres », nombreux dans l'univers culturel japonais, sont aussi de la partie. Monde étrange et fascinant que le dessinateur dévoile dans cette « étude », car c'en est une, abondamment et magnifiquement illustrée, digne d'un livre d'art. P.C.
Les Cahiers japonais, Moga, Mobo, Monstres, d'Igort. Tome 3, Éditions Futuropolis, 176 pages, 23 euros.


DVD
Les aventures d'Antoine Doinel remastérisées

1962 ULYSSE PRODUCTIONS

Soixante-deux ans après sa sortie sur les écrans, le film qui a rendu célèbre François Truffaut, Les Quatre cents coups, n'a pas pris une ride. Mieux, bénéficiant d'une restauration en ultra haute définition (4K UHD), c'est avec un sérieux coup de jeune que ce chef-d'œuvre du cinéma français est de nouveau disponible. Il n'est pas le seul. Car c'est toute la saga d'Antoine Doinel qui a été remastérisée. En tout, cinq films de la Nouvelle Vague : Les Quatre cents coups, Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal et L'Amour en fuite, et en bonus Les Mistons – court métrage sorti deux ans avant le début de la saga  ­–, témoignages, archives, essais de casting et bandes-annonces originales… Témoignant du changement sociétal que connut la France jusqu'à la fin des années 1970, ces films permettent aussi de retrouver Antoine et la voix chaleureuse de François Truffaut. P.C.
Les Aventures d'Antoine Doinel (Les Quatre cents coups, Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal, L'Amour en fuite et le court métrage Les Mistons), de François Truffaut. MK2/Carlotta, coffret Blu-ray, 50 euros. En 4K Ultra HD, 75 euros.


Bande dessinée
Les rêveries d'un promeneur solidaire

On connaît d'Étienne Davodeau, sa fibre sociale et sa façon de parler du monde ouvrier dans Un homme est mort ou Les mauvaises gens. Dans Le Droit du sol, Journal d'un vertige, l'auteur, connu pour ses bandes-dessinées documentaires, entreprend un voyage qui le mène à pied, de la grotte préhistorique de Pech Merle dans le Lot, à Bure dans la Meuse, sur le site prévu pour l'enfouissement de déchets nucléaires. Suivant les chemins de grande randonnée, il part à la rencontre d'acteurs de la lutte environnementale comme de militants anti-nucléaires. D'un legs, celui des peintures rupestres, à un autre, celui des déchets nucléaires, il dresse une parabole environnementale très documentée. Les grandes cases sans dialogue montrent l'étendue, les paysages, le rythme, lent, suit la cadence du marcheur. Se dessine aussi en creux le portrait d'une France rurale et péri-urbaine. Davodeau signe avec cette BD un très beau voyage contemplatif et presque métaphysique. Court aussi tout au long de ce récit l'idée de responsabilité collective et de ce qu'on laisse derrière soi. B.B.
Le Droit du sol, Journal d'un vertige, d'Étienne Davodeau, Éditions Futuropolis, 216 pages, 25 euros.