OpenLux : le Luxembourg au cœur d’un nouveau scandale fiscal
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Six mois de prison avec sursis et 1 500 € d'amende pour Antoine Deltour, et 1 000 € d'amende pour Raphaël Halet, c'est ce qu'a tranché en appel la justice luxembourgeoise, allégeant leurs condamnations en première instance (respectivement douze et neuf mois de prison avec sursis, amendes similaires).
« La Plateforme paradis fiscaux et judiciaires dont fait partie Anticor est scandalisée par cette décision qui déclare coupables des citoyens ayant agi pour l'intérêt général et ce, même si les peines sont moins lourdes que celles prononcées en première instance. Il apparaît plus que jamais urgent d'offrir une véritable protection aux lanceurs et lanceuses d'alerte et de lutter contre l'opacité qui entoure les pratiques des multinationales. » (communiqué d'Anticor).
À l'origine du scandale, 28 000 pages d'accords fiscaux secrets passés entre le fisc luxembourgeois et 340 multinationales (Apple, Amazon, Axa, Ikea, Pepsi, Verizon, AIG, Heinz, etc.). Ces accords provenaient tous du cabinet de conseil et d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC) où travaillaient qu'Antoine Deltour et Raphaël Halet. Les documents, soustraits à PwC entre 2010 et 2012, avaient ensuite été transmis au journaliste Edouard Perrin, membre du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui les a diffusés en novembre 2014.
Il est connu que nombre d'autres cabinets de conseil et d'audit de par le monde usent de ce même dispositif d'optimisation fiscale pour leurs clients, ce qu'a confirmé, par exemple, l'enquête sur les Panama papers.
Ces accords légaux « d'optimisation fiscale », passés entre 2002 et 2010, permettent aux firmes de minimiser leurs impôts et représentent des milliards d’euros de recettes fiscales perdues pour les États où ces entreprises réalisent leurs bénéfices. Le mécanisme du tax ruling permet en effet à une entreprise de demander en amont quelle sera sa taxation par l’administration fiscale d’un pays et de réaliser ainsi des milliards d’euros d’économies grâce à la création d’une filiale, d’une holding ou grâce au déplacement d’un siège social sur le territoire d'un paradis fiscal, ici, luxembourgeois.
À l'évidence, Jean-Claude Juncker, qui fut ministre des Finances du Grand Duché (de 1989 à 2009) et premier ministre (de 1995 à 2013), ne pouvait ignorer ces pratiques et participait à leur organisation. L’affaire LuxLeaks tombait fort mal pour celui qui était alors récemment investi à la présidence de la Commission européenne.
Les taxes non perçues manquent cruellement aux budgets d'États prônant l'austérité pour leurs citoyens…
Voilà un jugement mi-chèvre mi-chou puisque la protection des lanceurs d'alerte s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme marque un recul avec ces condamnations.
Accusé de violation du secret des affaires et de blanchiment d'informations volées, Antoine Deltour a été, pour ces mêmes révélations, décoré du prix du Citoyen européen par le Parlement européen. Ce que soulignait l'Ugict-CGT, pointant « l’hypocrisie » de ces condamnations et la nécessité de « renforcer les dispositions protégeant les lanceurs d’alerte ».
Pour le journaliste Edouard Perrin, l'appel général du parquet après son acquittement en première instance gênait aux entournures et il fut donc « suggéré » aux juges de se conformer à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme sur la liberté d'expression…
Raphaël Halet et Antoine Deltour, avec leurs avocats et soutiens, pourraient aussi envisager un éventuel pourvoi en cassation. Mais cette affaire, après bien d'autres, confirme l'impérieuse nécessité d'un statut international prévoyant une protection étendue des lanceurs d'alerte, et ce dans toutes les sphères de la société.
Les révélations du LuxLeaks ont d'ores et déjà poussé à une homogénéisation de l'imposition des multinationales dans l'OCDE. Rappelons qu'avant juillet 2017, Les eurodéputés doivent se prononcer sur une révision de la Directive comptable qui permettrait d'obliger les entreprises multinationales à rendre publiques des informations concernant leurs activités et les impôts qu'elles paient dans certains pays. Une première étape, mais dont l'efficacité ne pourra être réelle qu'avec une réglementation internationale.
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L’annonce du ministre des Finances de ne pas accorder d’aides publiques aux entreprises basées ou ayant des filiales dans des paradis fiscaux ne convainc pas. Lire la suite