22 août 2024 | Mise à jour le 22 août 2024
Le sous-traitant, dernière entreprise de la filière automobile de Seine-Saint-Denis (93), est occupé depuis cinq mois. Une moitié du personnel refuse le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) proposé par la direction et a engagé une procédure juridique. Une tentative de récupération des pièces pour le donneur d'ordre a failli tourner au drame.
Lundi 12 août, sur le site de MA France, à Aulnay-sous-Bois. La visite du représentant du liquidateur qui souhaitait récupérer les pièces de l'usine pour le compte du donneur d'ordre Stellantis a provoqué un geste de désespoir chez un salarié. Ses camarades ont pu intervenir à temps pour l'en empêcher. Adel, délégué syndical central CGT de MA France raconte. « Nous étions une vingtaine de salariés à nous opposer au départ des pièces. Nous avons positionné des voitures. A ce moment, un salarié s'est aspergé d'essence, nous l'avons empêché de s'immoler. Le liquidateur a alors indiqué renoncer à pénétrer dans le bâtiment pour discuter. »
Le geste en dit long sur le ressenti de nombre d'ouvriers face à l'absence de dialogue sur les reclassements ou même des conditions de départs décentes. Souvent âgés, peu qualifiés ou issus de l'immigration, les victimes des fermetures en cascade dans la sous-traitance automobile sont légion. Des fermetures telle que celle de MA France ou les plans de suppressions d'emplois comme chez Valeo génèrent des désastres humains. La vacance actuelle du pouvoir n'aide en rien dans cette situation, estime Sophie Binet : « Sur nos luttes, nous n'avons aucun interlocuteur, c’est les pleins pouvoirs patronaux, parce qu’il n’y a pas de gouvernement. »
Rejet du PSE
MA France est officiellement en liquidation depuis le 13 mai 2024. Propriété de l'italien CLN Motors, ce sous-traitant de Stellantis a proposé une indemnisation de 15 000 euros aux personnes dont ils voulaient se séparer. Sur 280 salariés, environ la moitié des salariés a accepté ces conditions, l'autre moitié est vent debout pour rejeter ce plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) supposé. « Nous sommes 200 salariés à avoir refusé l'accord, précise Adel. Nous demandons des reclassements conformes à nos expériences et une indemnisation de 70 000 euros bruts. Pour l'heure, aucune proposition de reclassement n'a été faite à part quatre postes – pour 280 personnes -, en décalage avec nos compétences et à plusieurs centaines de kilomètres d'ici ! » Avec l'union départementale CGT 93 et la fédération CGT de la Métallurgie (FTM-CGT), une procédure juridique a été engagée en ce sens. Mais elle sera longue et, en attendant, les salariés occupant le site ont décidé de veiller à ne pas laisser partir les pièces et les machines. « Il y a eu des tentatives de profiter de la période des Jeux olympiques, puis d'une faible présence sur le site du fait des congés pour essayer de s'emparer des pièces, mais les salariés ont réussi à garder leur outil », constate Aziz Bouabdellah, dirigeant de la FTM-CGT. « A force de faire traîner, on arrive à une situation très tendue avec des salariés qui peuvent en arriver au pire. »
La lutte s'enracine
Les négociations engagées avec le ministre démissionnaire chargé de l'Industrie, Roland Lescure, ont été arrêtées après les législatives tandis que rien ne semble avancer avec le liquidateur judiciaire. « Nous demandons à Stellantis et CLN de reprendre les négociations tant pour les reclassements que pour les indemnisations. Mais force est de constater que tout est bloqué et qu'on joue avec les nerfs des salariés. » A Aulnay-sous-Bois, l'occupation du site se poursuit. Ce 22 août 2024 marque la 128e journée d'occupation du site. Adel assure que les salariés ne baissent pas la garde : « Chaque jour, nous recevons la visite de sympathisants et de nombreux camarades venus nous soutenir. »