15 juin 2024 | Mise à jour le 15 juin 2024
À Paris, Marseille, Nancy, Grenoble… Plus de 200 manifestations étaient organisées samedi 15 juin à l’appel de cinq organisations syndicales (CFDT, CGT, UNSA, FSU et Solidaires) et de plusieurs associations. Le but : dire leur opposition à l’extrême droite à l’approche des élections législatives des 30 juin et 7 juillet et réclamer un sursaut démocratique et social. À Paris, le cortège a rassemblé plus de 250 000 manifestants selon la CGT.
Boulevard du Temple, dans le 11e arrondissement de Paris. Malgré l’ambiance festive, la sono, les merguez et les fumigènes, les manifestants rassemblés ce samedi 15 juin sont inquiets. «L’heure est grave, affirme Géraldine, 47 ans, fonctionnaire territoriale et syndiquée à la CFDT. C’est un moment historique, le danger est réel, il faut se mobiliser. » Depuis dimanche dernier, le temps s’est accéléré. Suite aux résultats historiques du Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 7 juin (31,4% des voix) et à la défaite cuisante de Renaissance (14,6%), Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Une folie : des élections législatives se tiendront dans seulement trois semaines, les 30 juin et 7 juillet, alors que le parti frontiste n’a jamais enregistré un score aussi important.
Depuis, un front populaire rassemblant tous les partis politiques de gauche (La France insoumise, Parti socialiste, Parti communiste français et Europe Écologies les Verts), les organisations syndicales et de nombreuses associations s’est constitué. Les partis de gauche, organisés sous la bannière du Nouveau Front populaire, se sont engagés à présenter une candidature unique dans chaque circonscription, et ils se sont mis d’accord sur un « contrat de législature ». Dans le programme commun figure, notamment, le retour de la retraite à 60 ans, mais aussi la hausse du Smic ou encore l’abrogation de la réforme de l’assurance -chômage. En amont du cortège parisien, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT a salué cette décision : « c‘est très bien que le mouvement social et les revendications des travailleurs soient entendus. » L’organisation syndicale réunira par ailleurs ses instances mardi prochain pour décider de la position qu’elle va prendre « au vu du programme (du Nouveau Front populaire, NDLR) et si les candidatures uniques sont bien au rendez-vous », avait déclaré la veille Sophie Binet au micro de France Info.
« Catastrophe démocratique et sociale »
Depuis lundi, les organisations syndicales rassemblent leur force et organisent une mobilisation intersyndicale contre l’arrivée au pouvoir du RN. Plus de 200 manifestations sont ainsi organisés dans toute la France durant tout le week-end. Des cortèges se tiendront ainsi à Lyon ou Caen le dimanche 16 juin. Ce 15 juin, la manifestation parisienne aura rassemblé plus de 250 000 personnes, selon la CGT et 640 000 dans toute la France. « Si nous ne faisons rien, le scénario orchestré par Marine Le Pen et Emmanuel Macron, à savoir l’arrivée à Matignon de Jordan Bardella (président du RN et tête de liste du parti frontiste aux élections européennes, NDLR) va se réaliser, alerte Sophie Binet. Ce serait une catastrophe démocratique et sociale. Nous avons besoin d’un raz-de-marée populaire dans toute la France, nous devons envoyer un signal d’espoir très fort. » « Nous serons présents tous les jours sur le terrain, aux quatre coins de l’Île-de-France dès lundi, affirme Olivier Clément, secrétaire régional de la CFDT Île-de-France. Nous allons tracter aux abords des gares, sur les lieux de travail… Notre grande adversaire dans cette séquence, c’est l’abstention. »
Aux côtés des organisations syndicales, de nombreuses associations (Ligue des Droits de l’Homme, SOS racisme, le Mouvement contre le Racisme et l’Amitié entre les Peuples, le Syndicat de la magistrature, Oxfam, la Cimade, la fédération nationale des centres sociaux…) appelaient également à rejoindre les rassemblements. Jean-Robert, membre du bureau national de la LDH, a pris part au cortège parisien : « lorsqu’elle arrive au pouvoir, en Europe ou ailleurs, l’extrême-droite s’attaque toujours aux mêmes choses : l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, le droit de manifester, les libertés publiques… Il n’y a pas d’exception. » Pour lui, « partout où les idées du RN sont au pouvoir, c’est la barbarie qui triomphe. »
Le RN, une arnaque pour les travailleurs
Lucie, 18 ans, étudiante en école de cinéma fait le même constat : « beaucoup de gens sont mal informés et ont voté pour le Rassemblement national en pensant que l’on a jamais essayé l’extrême-droite et ils se disent, après tout pourquoi pas ? C’est faux ! l’extrême-droite a eu le pouvoir en France et ce n’est pas un moment glorieux de notre histoire…» La jeune femme manifeste pour la première fois de sa vie, et veut croire que cette mobilisation portera ses fruits : « j’espère que le gouvernement, la presse et la classe politique nous entendront. J’espère aussi que les manifestations permettront aux électeurs de gauche de se rassembler. »
À partir du moment où un parti cherche à diviser les travailleurs entre eux, sur des critères raciaux, d’origine ou de religion, c’est une impasse sociale.
Pour Pierre-Edmond, 39 ans, conducteur de trains et syndiqué chez Solidaires, cette mobilisation peut faire bouger les lignes aux prochaines élections législatives : « être nombreux aujourd’hui peut amener certaines personnes qui auraient voté RN ou qui se seraient abstenus à réfléchir et reconsidérer leur vote. Peut-être vont-ils se renseigner sur le programme du RN et changer d’avis. » D’autant plus que, pour lui, le RN est une imposture sociale : « la base des luttes sociales passe par l’union des travailleurs. À partir du moment où un parti cherche à diviser les travailleurs entre eux, sur des critères raciaux, d’origine ou de religion, c’est une impasse sociale. D’ailleurs, dès qu’il y a une mesure anti-sociale à l’Assemblée nationale, ils la votent ! Le RN est une arnaque pour tous les gens qui vivent de leur travail. »