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Elections européennes

Dissolution de l'Assemblée nationale : le cynisme fou d'Emmanuel Macron

11 juin 2024 | Mise à jour le 21 juin 2024
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Dissolution de l'Assemblée nationale  : le cynisme fou d'Emmanuel Macron

Allocution d'Emmanuel Macron le 9 juin 2024, à l'issue des résultats des élections européennes donnant le Rassemblement national largement vainqueur. ( Photo: Arnaud FINISTRE / AFP)

Suite à la défaite de la liste du parti présidentiel emmenée par Valérie Hayer (Renaissance) aux élections européennes, Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet 2024. Une situation inédite depuis 1997 et un coup de poker hautement risqué mais assumé par le président de la République.

C’est une double déflagration. La victoire du Rassemblement national (31,4%) aux élections européennes de ce dimanche 9 juin 2024, loin devant le parti présidentiel (14,6%) et la liste emmenée par Raphaël Glucksmann pour le Parti socialiste – Place Publique (13,8%) a été accompagnée d’un autre coup de tonnerre : l’annonce par Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale. Si le score du parti frontiste était annoncé de longue date par divers instituts de sondage, la décision du président de la République d’organiser de nouvelles élections législatives a surpris jusque dans les rangs macronistes.

La dissolution de l’Assemblée nationale, prévue par l’article 12 de la constitution de 1958, n’avait pas été prononcée depuis 1997. À l’époque, Jacques Chirac avait souhaité renforcer sa majorité en convoquant de nouvelles élections législatives ; l’élection avait abouti à une nouvelle cohabitation et à la nomination du socialiste Lionel Jospin à Matignon. Avec cette décision, l’ensemble des travaux actuellement à l’étude au Parlement sont stoppés (loi sur la fin de vie, projet de fusion de l’audiovisuel public, projet de loi constitutionnelle réformant le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie…), et si le nouveau gouvernement souhaite les représenter, le processus parlementaire repartira de zéro. Comble du cynisme,  le gouvernement ne renonce par pour autant à son projet de réformer l’assurance-chômage en durcissant les conditions d’indemnisation des personnes privées d'emploi.

Stratégie machiavelique

Depuis les élections législatives de 2022, le parti d’Emmanuel Macron ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, ce qui le met dans une situation plus inconfortable que lors de la dernière mandature. « Les Républicains brandissaient la menace d’une motion de censure à la rentrée sur la question du budget, et donc le gouvernement aurait pu tomber en octobre. Il est possible qu’Emmanuel Macron ait décidé de devancer cette éventuelle motion de censure en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale, explique Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Par cette dissolution, Emmanuel Macron demande aux Français de lui envoyer une majorité présidentielle conforme à ses vues, c’est-à-dire une majorité absolue. » Mais le parti macroniste, qui a péniblement réussi à obtenir 14,6% aux derniers scrutins, peut-il réellement espérer renverser la vapeur ? La stratégie présidentielle semble non seulement perdante, mais totalement irresponsable, alors que le scrutin européen a donné Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national, vainqueur, loin devant ses opposants. À moins que les calculs d’Emmanuel Macron ne soient encore plus machiavéliques.

Dans un article de Politis publié en 2023, un cadre du parti présidentiel assume une stratégie visant à placer au pouvoir le Rassemblement national pour mieux les décrédibiliser, une fois la preuve de son incompétence avérée. « Ce qui nous arrangerait, c'est une dissolution et un score suffisamment haut pour le RN, pour qu'on puisse mettre Le Pen à Matignon. Qu'on montre qu'elle est incompétente, comme ça on la décrédibilise pour 2027. Et elle devient inopérante. Donc plus de problème » expliquait alors un conseiller national d’Emmanuel Macron, cité par l’article. Aveuglement ou cynisme, la manoeuvre n’en est pas moins criminelle. 

Front populaire

L’article 12 de la constitution prévoit que « les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ». En convoquant des élections dans tout juste trois semaines, Emmanuel Macron jette les partis politiques dans un marathon dantesque pour décider de leur stratégie et de leur investiture. La France insoumise, le Parti socialiste, le Parti communiste français et Europe Ecologie-Les Verts ont décidé lundi soir de former un front populaire contre Emmanuel Macron et contre l'extrême droite. Ces partis devraient donc présenter des candidats uniques aux législatives, sur le modèle de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) en 2022.  Mais ce front populaire n’est pas sans soulever un certain nombre de questions : « En 2022, le leadership était à La France insoumise suite aux 22 % de Jean-Luc Mélenchon. La situation n'est plus la même aujourd'hui et pas seulement parce que la liste Glucksman est arrivée en tête (finalement de peu) hier. Qui peut mener les négociations ? », analyse Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université de Lille et chercheur au CERAPS

De leur côté, les organisations syndicales mènent également la bataille. La CGT a réuni en urgence son bureau confédéral ce lundi 10 juin. « C’est avec une énorme colère que la CGT accueille ces résultats alors qu’elle alerte, en vain, depuis des années, a fait savoir la confédération par communiqué. Emmanuel Macron en porte la première responsabilité. Il n’a cessé de banaliser le Rassemblement national, en reprenant ses thèses, et mène avec le patronat une politique sociale violente qui accrédite l’idée que la seule alternative serait l’extrême droite. » De même l’intersyndicale des huit confédérations s’est réunie lundi soir et dans un communiqué, elle appelle à « manifester le plus largement possible ce week-end 15 et 16 juin pour porter la nécessité d’alternatives de progrès pour le monde du travail. »  Les organisations syndicales demandent par ailleurs au gouvernement de suspendre sa réforme de l’assurance-chômage.Une conférence de presse organisée par l’intersyndicale CGT-CFDT-FO-CGE CGE-CFTC était d’ailleurs prévue à ce sujet ce jour à 17 h à Paris.