1 avril 2015 | Mise à jour le 14 mars 2017
Le mot de réforme cache généralement un projet de nivellement par le bas. Réalisateurs et scénaristes européens se mobilisent contre un projet européen de réforme du droit d'auteur.
En mai, sera discuté au Parlement européen un rapport de la député allemande Julia Reda, préambule à une grande réforme du droit d’auteur qui doit être proposée par Günther Oettinger, commissaire européen à l’économie numérique en septembre 2015.
En France, le secteur culturel – avec en fer de lance le monde du cinéma – s'insurge car il anticipe l'avenir: un marché unique numérique, qui emporterait avec lui une harmonisation par le bas des standards de protection.
Baisse de vingt ans de la durée du droit d'auteur (actuellement de 70 ans en France), généralisation et extension des «exceptions» à ce droit protecteur, disparition de la territorialité des droits (qui se négocieraient au niveau européen, et non plus national), aucun point sur le piratage et, pire encore rien sur le fait que cette création d'un marché unique numérique européen renforcerait les «GAFA» (Google, Apple, Facebook, Amazon).
Pour Bertrand Tavernier, signataire de l'appel des réalisateurs et cinéastes européens : «Cela aboutira à renforcer […] les géants du Net qui bénéficient d’une hyper bienveillance de la Commission puisqu’on accepte qu’ils payent des impôts au rabais et qu’ils contournent toutes les règles de soutien au financement et à l’exposition des œuvres européennes. »
Cet appel insiste sur les dangers qu'un tel projet fait courir à la diversité de la création, notamment en France où la politique de soutien à l'audiovisuel et au cinéma – aussi imparfaite qu'elle soit – permet que l'on puisse encore produire des films. Rappelons-le, le secteur culturel est aussi un secteur d'emploi, avec de très nombreuses petites structures déjà frappées de plein fouet par les restrictions budgétaires et une précarisation de plus en plus importante de leurs travailleurs.
Loin d'être un appel de privilégiés qui souhaiteraient préserver leur pré carré, le texte, qu'on peut retrouver in extenso sur le site de la Société des auteurs audiovisuels appel SAA est à la fois ouvert et soucieux d'un avenir qui prend en compte tous les aspects de la création : «Nous sommes des Européens qui aimons Internet et les opportunités qu'il offre pour créer et rendre plus facilement disponibles les œuvres. La révolution numérique, c'est le début d'une nouvelle histoire qui sera belle et heureuse si elle n'est pas confisquée par quelques entreprises numériques en situation de monopole en Europe, si elle ne permet plus les pratiques d'optimisation, pour ne pas dire d'évasion fiscale qu'elle facilite aujourd'hui et si elle ne tourne pas le dos à l'histoire européenne et à sa vocation de terre de création.»