Les travailleurs sans-papiers devant le Sénat
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Gérald Darmanin ambitionne de tirer un trait sur le droit du sol à Mayotte. « Il ne sera plus possible de devenir français si l'on n'est pas soi-même enfant de parent français », a-t-il claironné, dimanche 11 février, lors d'un déplacement dans cet archipel de l'océan indien, territoire de misère et d'insécurité. Le ministre de l'Intérieur estime que c'est le meilleur moyen de lutter contre l'immigration illégale, en provenance, notamment, des îles Comores voisines. Et d'annoncer une révision constitutionnelle pour finaliser ce projet décidé, selon lui, par le chef de l'État.
Le droit du sol est un principe juridique qui permet l'acquisition de la nationalité française par la naissance sur le territoire national. Lorsque les deux parents sont de nationalité étrangère et nés étranger, l'enfant né en France peut devenir français à partir de ses 13 ans s'il y vit depuis au moins cinq ans, ou à ses 18 ans à condition d'y avoir résidé au moins cinq ans depuis ses 11 ans. Le droit du sol coexiste avec le droit du sang, la naturalisation, et le mariage, qui permettent également de devenir français. Il est enraciné dans la législation française depuis 1515, date d'un arrêté du Parlement de Paris. Il a subi quelques adaptations au fil des années, mais sans jamais être remis en question. « C'est un des principes fondateurs de notre démocratie, de ce qu'est aujourd'hui la France, une terre d'accueil », souligne Gérard Ré, secrétaire confédéral en charge des questions migratoires à la CGT. Et à Mayotte, précisément, ce principe a déjà subi une première restriction en 2018, la loi asile et immigration imposant depuis lors qu'au moins un des deux parents soit en situation régulière depuis plus de trois mois à la naissance de l'enfant. « Obtenir la nationalité française dans ce département est déjà ardu, depuis l'adoption de ce texte, notamment pour les enfants nés de parents comoriens », rappelle pour sa part la Cimade.
La loi de 2018 n'a eu aucun impact sur les flux migratoires à Mayotte, l'abolition du droit sol n'en aura pas non plus à l'évidence. La « pompe aspirante » dont parlent la droite dure et l'extrême-droite est un mythe. Dans la réalité « les femmes qui arrivent sur l'archipel pendant leur grossesse sont une minorité », révèle l'Agence régionale de santé (ARS) qui estime ces arrivées à 11% en 2023. L'annonce de Gérald Darmanin risque surtout « d'aggraver la situation en privant davantage d'enfants de leurs droits fondamentaux, les condamnant à une existence sans perspectives ni possibilités d'intégration », souligne la Cimade.
Les enjeux sont aussi d'un autre ordre, selon Gérard Ré. « La vraie question est avant tout l'abandon de l'État en termes de services publics, l'absence de réponses aux besoins des populations au plan sanitaire, éducatif. L'Archipel a besoin d'investissements et de développement social. S'attaquer au droit du sol n'est sûrement pas la bonne réponse », explique-t-il. Plutôt que d'aller dans ce sens, Darmanin a surtout « envoyé un message à l'électorat de l'extrême-droite pour dire, regardez, on sait être ferme », note le syndicaliste. Sans surprise, dans ce camp-là on a saisi la balle au bond pour réclamer l'abolition du droit du sol sur tout le territoire français et pas seulement à Mayotte. Le ministre de l'Intérieur n'est pas mécontent de cette surenchère. Elle va « alimenter les débats d'ici 2027 et dans un premier temps lors de la campagne pour les Européennes, car la question migratoire va être au centre des discussions », prévoit Gérard Ré. La mesure de Darmanin n'a jamais été envisagée, y compris pendant le régime de Vichy. Une brèche est ouverte.
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