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Mémoire et histoire

3 juin 2016 | Mise à jour le 14 février 2017
Par | Photo(s) : DR
Mémoire et histoire

Perdre sa mémoire, oublier son histoire, pour un individu ou un peuple, c'est perdre son identité. Bruno Loth signe avec Dolorès » une BD sensible, où une femme va devoir renouer le fil rompu d'un passé occulté.

1936 marque le début de la guerre civile espagnole, où les Républicains seront finalement écrasés sous la botte franquiste. Plus de 500 000 d'entre eux (dont 70 000 enfants) tenteront de fuir la dictature naissante, notamment vers la France.

Cette débâcle sera appelée la Retirada (1). Rien qui concerne sa famille, croit Nathalie. Jusqu'au jour où Marie, sa mère, récemment entrée en maison de retraite, se met subitement à ne plus parler qu'espagnol, à faire de terribles cauchemars, et à réclamer qu'on l'appelle Dolorès…

Troublée, inquiète, Nathalie s'enquiert auprès de son entourage et constate qu'en fait, personne ne sait rien de l'enfance de Marie/Dolorès, orpheline placée chez des religieuses près de Montpellier de 7 à 22 ans. Avec le soutien de sa sœur et de sa fille, Nathalie entreprend un voyage en Espagne pour y trouver la clef de la souffrance de sa vieille maman.

Avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse, Bruno Loth (2) réussit avec « Dolorès » à renouer le fil de la mémoire et de l'Histoire. Le parcours de Marie/Dolorès est prétexte à rappeler que l'Espagne n'a toujours pas officiellement reconnu les crimes du franquisme et qu'un tel silence continue à hurler dans le cœur des familles qui en ont été victimes.

Fosses communes où furent hâtivement enfouis les cadavres, enfants volés aux familles républicaines en Espagne, mais aussi en France (3) et donnés à des familles franquistes avec la complicité de l'Église et le silence complice de la famille royale, l'Espagne n'en a pas fini avec une histoire sur laquelle la justice n'est pas passée.

Fort intelligemment, Bruno Loth, dont le dessin très expressif donne une belle clarté au récit, place le voyage de Nathalie pendant la période de l'émergence de Podemos, suggérant en filigrane que cette mémoire sous l'éteignoir, celle des Républicains luttant contre les inégalités et brutalement réprimés, nourrit aussi des combats actuels.

Si l'on se souvient qu'en 1936, Mussolini, fondateur du fascisme, s'était déjà rapproché d'Hitler avec lequel il soutint activement le coup d'État de Franco, il est difficile de ne pas penser, aujourd'hui, dans plusieurs pays d'Europe, à la montée en puissance des partis d'extrême droite…

L'histoire de Dolorès, fictive, mais inspirée de tant de faits réels, prend ainsi toute sa profondeur.

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(1) Pour en savoir plus sur la Retirada : http://www.babelio.com/liste/5222/La-Retirada-Souvenirs-de-lexil

(2) Bruno Loth est aussi l'auteur de la série « Ermo », en six volumes, située aussi pendant la guerre d'Espagne et du récit familial « Apprenti » et « Ouvrier » (t. 1 & 2) relatant l'histoire de son père.

(3) Dont a témoigné notamment le documentaire de Montse Armengou : « Les enfants perdus du franquisme » suivi du livre « Les enfants perdus du franquisme » de Ricard Vinyes, Montse Armengou, Ricard Belis (Aden).

 

Dolorès, de Bruno Loth.

Éditions La boîte à bulles.

Collection Hors-Champ.

80 pages, 18 €.