La CES appelle à faire du Premier Mai une journée de mobilisation unitaire et convergente partout en Europe. En Grèce, et bien au-delà, les politiques d'austérité font des ravages, économiques et sociaux. Ces choix menacent la démocratie. En France, CGT, FSU, Solidaires et Unsa mobilisent dans l'unité.
L'austérité comme seul horizon ? C'est ce que promettent les dirigeants de la plupart des États membres de l'Union européenne (UE), ainsi que la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) au peuple grec, lequel a pourtant voté voici trois mois pour un changement d'orientation économique et politique radical. Mais pour le chef de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, «les Grecs doivent adapter leurs demandes à la réalité». Laquelle ? Celle qui contraint à des remboursements exorbitants de la dette et conditionne toute aide financière au démantèlement de fait des services publics, de la protection sociale, des droits des salariés…
Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a remanié l'équipe de négociation avec les créanciers. Mais Jeroen Dijsselbloem n'hésite pas à ajouter qu'«il ne s'agit pas uniquement des finances, mais également de l'énergie, de la justice, des affaires étrangères…».
GRÈCE : LABORATOIRE EUROPÉEN
Alors que la Grèce a cruellement besoin des 7,2 milliards d'euros promis par l'UE dans le cadre du deuxième plan d'aide au pays, Alexis Tsipras l'a assuré : si les créanciers exigent un accord en contradiction avec les promesses de son gouvernement, il organisera un référendum. Dont ne veut pas entendre parler Jeroen Dijsselbloem, pour qui «cela coûterait de l'argent» mais surtout «créerait une grande incertitude politique». Traduction : le peuple grec pourrait continuer à refuser les diktats des autres dirigeants européens.
En fait, la Grèce fait figure de laboratoire des politiques d'austérité en Europe. Les réformes que les dirigeants européens lui ont imposées, avec l'accord de son précédent gouvernement, l'ont entraînée dans une profonde récession. Le PIB a reculé de plus de 20% en un peu plus de cinq ans, le chômage dépasse 25% (50% parmi les jeunes), et le pays compte plus de 2,8 millions de pauvres sur un peu plus de 10 millions d'habitants…
Pourtant, les dirigeants européens en réclament davantage, et jouent le pourrissement, pour ne pas commencer, en Grèce, à ouvrir une brèche au dialogue et à une pause dans les politiques d'austérité, que d'autres peuples européens pourraient à leur tour réclamer. Cette politique exigée par le patronat, au détriment de la démocratie, fait cependant le lit de l'extrême droite. En Grèce, les néonazis d'Aube dorée attendent leur heure. Et il en va en Grèce comme dans l'ensemble de l'Europe; des orientations analogues, accompagnées de discours désignant l'Étranger comme responsable de la crise, produisant des effets comparables. Les résultats des élections législatives en Finlande mi-avril en témoignent. Si le Parti du centre est arrivé en tête, il est suivi immédiatement par «les Vrais Finlandais», un parti «protestataire» opposé, notamment, à l'intégration européenne et à toute aide à la Grèce. Et au Royaume-Uni, l'abstention semble devenir, à la veille des élections du 7 mai, le premier parti.
PREMIER MAI: APPEL DE LA CES
C'est, du reste, conscient de ces enjeux que le président de la confédération des syndicats allemands DGB, Reiner Hoffmann, ne cesse de souligner son opposition aux exigences de la chancelière Angela Merkel, non seulement vis-à-vis de la Grèce, mais aussi en Allemagne même, dont le modèle tant vanté de ce côté-ci du Rhin fait plutôt figure à Berlin de contre-modèle pour des millions de travailleurs pauvres ou privés d'emploi.
Dans ce contexte, la Confédération européenne des syndicats (CES) a appelé à faire du 1er Mai une journée de mobilisation unitaire et convergente des salariés, privés d'emploi, retraités, dans toute l'Europe.
Plus de 122 millions de personnes sont menacées de pauvreté ou d'exclusion sociale, soit près d'une personne sur quatre en Europe. Nombre d'études soulignent l'injustice sociale et le gâchis économique considérable engendrés par les politiques en œuvre, avec une «génération perdue» de jeunes chômeurs et, comme le souligne la CES, «des inégalités croissantes préjudiciables pour la croissance et la cohésion sociale […] Dans beaucoup de pays européens, les populations subissent des politiques d'austérité et de réformes, réduisant les droits des travailleurs et leur protection sociale».
Au lieu de la mise en concurrence de tous contre tous, qu'il s'agisse des salaires, de la santé, de la protection sociale, de la protection de l'emploi, de la fiscalité, de la représentation des travailleurs, «il faut stopper ces politiques et investir pour des emplois de qualité et une croissance tenant compte des impératifs de développement durable», insiste la CES.
EN FRANCE, UNITÉ PARTIELLE
Affiliées ou non à la CES, les organisations syndicales françaises, CGT, FSU, Solidaires et Unsa ont décidé ensemble d'y répondre et appellent à manifester dans l'unité la plus large. Les derniers chiffres du chômage en renforcent l'exigence. La légère baisse de janvier n'avait pas été confirmée en février, un triste record ayant au contraire été battu.
Les seniors et les chômeurs de longue durée en sont particulièrement victimes, ce que confirment les chiffres de mars. L'Institut national de la statistique estime que le chômage pourrait atteindre 10,2% en métropole et 10,6% avec l'outre-mer d'ici à mi-2015, des niveaux inégalés depuis 1997. Et pourtant, le gouvernement s'obstine, octroyant toujours plus au grand patronat, du pacte de compétitivité à la loi Macron et au nouveau projet de Rebsamen.
Réaffirmant que «la démocratie, la république, la paix, les libertés de pensée et d'expression sont des biens communs qu'elles sont décidées à défendre face à tous les totalitarismes, aux discours haineux, aux tentatives de division et de stigmatisation», CGT, FSU, Solidaires et Unsa appellent à mobiliser pour adresser un signe fort «aux différents gouvernements et aux patronats pour exiger une construction européenne fondée sur le progrès social, s'appuyant sur le renforcement du dialogue social et des droits sociaux».