S’associer ou pas aux gilets jaunes contre la sur-taxation des prix du carburant, appeler ou pas à participer à ce mouvement de colère qui n’a pas attendu les « corps intermédiaires » pour s’autodéterminer ? Autant de questions en débat dans la CGT qui ont permis à la centrale de réaffirmer ses axes revendicatifs sur les salaires et le pouvoir d’achat.
« En être, ou ne pas être? » C’est à peu près en ces termes que la mobilisation des gilets jaunes a été médiatisée depuis quelques semaines. Un gros dilemme, nous dit-on, pour les syndicats pris en flagrant délit de non-assistance à citoyens en colère. Dilemme cornélien puisque les gilets jaunes dénoncent les conséquences économiques et sociales dont les syndicats -en particulier la CGT- pointent eux, les causes (politique fiscale, salaires…)
« Que la colère exprimée par les « gilets jaunes » soit légitime, cela ne se discute même pas« , affirme d'emblée Fabrice Angei, membre de la direction confédérale de la CGT. Et d’insister sur le caractère éminemment social et politique de la question portée par ce mouvement. « Le pouvoir d’achat, ce n’est rien d’autre que le pouvoir de vivre, et mieux encore, de pouvoir vivre de son travail« . Or, pour la CGT, la problématique du pouvoir d’achat, telle qu’elle est posée par les gilets jaunes, va bien au-delà de la sur-taxation des carburants. Et ne saurait être vue par le seul petit bout .. du tuyau de la pompe à essence, au risque d’occulter les vrais problèmes, notamment la politique de modération salariale qui gèle les salaires comme les pensions de retraite dont la CGT ne cesse de revendiquer la nécessaire revalorisation.
Remettre les salaires au centre du débat
« Le salaire, ce n’est pas seulement le revenu net qui donne du pouvoir d’achat immédiat. Le vrai salaire dont nous revendiquons l’augmentation générale, c’est le salaire brut, donc, le pouvoir d’achat tiré du salaire net auquel s’ajoute le « pouvoir d’achat différé », celui qu’on va toucher quand on est malade, au chômage, en invalidité ou à la retraite, voilà pourquoi nous contestons la suppression des cotisations sociales qui, sous couvert d’augmenter le salaire net de quelques euros – donc le pouvoir d’achat immédiat – masque en réalité un abaissement bien plus important du salaire brut et donc, du pouvoir d’achat différé« , fait valoir Fabrice Angei. C’est aussi pour cette raison – l’insuffisance politique de la revendication des gilets jaunes – que la CGT a fait le choix de ne pas appeler ses forces militantes à rejoindre leur mouvement de protestation fondé sur ce simple argument du pouvoir d’achat diminué à la pompe.
Soumise à la délibération de l’ensemble de ses organisations syndicales réunies en Comité consultatif national (CCN) les 13 et 14 novembre à Montreuil, la question « En être ou ne pas être » a débouché sur une salutaire clarification de l'embrouillamini médiatique suscité par l’irruption foutraque des gilets jaunes dans le paysage social: « Leurs contenus revendicatifs sont brouillons, politiquement mal argumentés, réduits à la portion congrue du « pouvoir d’achat » et ils sont si peu ou mal organisés que leur légitime colère fait paradoxalement les choux gras des partis d’extrême droite que la CGT combat depuis toujours« , relate Fabrice Angei.
La CGT contre les discours anti-impôts
Sans compter ce risque, bien analysé par le CCN du 13 novembre, que ce mouvement débouche sur des revendications contreproductives du style « Stop Impôts ». Incompatible avec cette revendication phare de la CGT d’une fiscalité juste qui permette de financer les services publics et la protection sociale qui sont – plus que du pouvoir d’achat- le bien commun de tous. « Nous ne contestons pas la colère de celles et ceux qui subissent aujourd’hui l’augmentation du prix des carburants, mais ce que nous voulons dénoncer, c’est la politique fiscale injuste et aberrante de ce gouvernement qui dit s’engager vers la transition écologique alors qu’en réalité, il ne s’engage qu’à financer des cadeaux fiscaux pour les premiers de cordée« .
En réponse à la menace du « Bololo* » des gilets jaunes le 17 novembre, dont les médias prédisent qu’il risque de marginaliser les syndicats non-solidaires du mouvement, la CGT a fait le choix de sortir par le haut, en soumettant sa décision au débat. Bonne pioche: Il en résulte, d’une part, un plan de mobilisation devant aboutir, début 2019, à une « Journée sans profits pour le patronat » et d’autre part, une pétition de la CGT qui réaffirme ses grand axes revendicatifs en matière de salaire, de pouvoir d’achat, de justice sociale et fiscale, de protection sociale, de droit à la mobilité et d'emplois de qualité permettant à tous d’en vivre dignement.
Bololo : Expression citée par le premier ministre, Edouard Philippe, pour critiquer les gilets jaunes qui veulent bloquer les routes à cause de la hausse des carburants.