À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
Santé au travail

Nouveaux cas de suicides parmi les personnels soignants

25 janvier 2018 | Mise à jour le 25 janvier 2018
Par | Photo(s) : Samuel Ashfield / Cosmos
Nouveaux cas de suicides parmi les personnels soignants

Plusieurs cas de suicides sont à déplorer parmi les personnels des hôpitaux et établissements de soins. Comme le montrent plusieurs expertises CHSCT, la contradiction s'aiguise entre la logique gestionnaire et l'éthique professionnelle de personnels épuisés et dépourvus de moyens.

Le 8 janvier 2018, une aide-soignante du service de médecine nucléaire du CHU de Toulouse met fin à ses jours. Ce n'est pas la première fois que cela se produit dans l'établissement. En 2016, deux infirmiers, une aide-soignante et une aide-puéricultrice étaient passées à l'acte. Le 9 janvier 2018, une salariée en contrat aidé de l'Ehpad de Cunlhat (Puy-de-Dôme) se suicide à son domicile. La veille, elle avait appris que son emploi était supprimé (en Auvergne sur les 300 contrats aidés de ce secteur 200 sont supprimés). Le 10 janvier 2018, un infirmier du service psychiatrique de Denain (59) se pend. La CGT dévoilera lors d'une conférence de presse que le mois précédent, c'est une infirmière de ce même hôpital qui a été sauvée in extremis.
« Il y a une enquête et nous demandons une expertise CHSCT » explique un responsable du syndicat de l'hôpital qui fait état du malaise des personnels, de la pression exercée par le management et du manque de temps, mais se garde toutefois d'accuser quiconque en particulier : « Quand on a trois minutes pour laver quelqu'un, la maltraitance est institutionnelle » explique le syndicaliste. Maltraitance de patients, et maltraitance, dès lors, des professionnels et de leurs missions….
Les représentants CGT au CHSCT de l'hôpital de Denain ont voté une expertise « pour faire la lumière sur les causes du mal-être ». Le 16 janvier 2018, Le Parisien rend aussi public l'affaire de ce jeune neuropsychologue de 30 ans de l'hôpital d'Argenteuil (95) qui s'est donné la mort à son domicile. Le syndicat CGT de l'hôpital, qui a déjà été confronté à la tentative de suicide d'une infirmière l'année dernière, entend aussi lancer une enquête. Et poser en grand la question de l'organisation du travail comme des moyens pour travailler dans le respect des patients.

Les effets de la T2A en question

Marc Gautreau, expert CHSCT chez Aliavox, a déjà eu l'occasion de réaliser plusieurs expertises en milieu hospitalier. Il ne se dit pas étonné de la situation : « le seul élément nouveau est que cela touche maintenant les médecins, car depuis la loi Bachelot c'est toute la gouvernance des établissements qui est passée entre les mains de l'administration et de la gestion. » Pour l'expert, une bonne part des situations de mal-être dans les hôpitaux s'explique par la mise en place de la T2A (la tarification à l'activité) : « Rationaliser les coûts n'est pas condamnable en soi, mais il faut tenir compte qu'il existe un minimum et que l'affluence dans les hôpitaux ne cesse de grandir. On accroît de plus en plus la charge de travail des personnels, tandis que l'on diminue leur marge de manœuvre et leur capacité à modifier leur mode opératoire. A un moment, on atteint les limites. »
Une situation qui ne peut conduire qu'à des aberrations lorsque les critères d'évaluation des hôpitaux ne sont plus la qualité des soins mais la DMS (durée moyenne de séjour). Pour l'expert : « Tout ceci est source de conflit éthique chez les personnels. »
Pression administrative et financière, équipements défectueux et sous-effectifs génèrent de l'épuisement et une montée de l'absentéisme qui se répercute sur les personnels restants. « Les directions estiment souvent que le problème vient de l'absentéisme. En réalité, ils voient le problème à l'envers. C'est la charge de travail qui crée l'épuisement et l'absentéisme ! »
L'expert CHSCT a ainsi identifié plusieurs problèmes : la contradiction éthique, l'épuisement, le manque de reconnaissance et le manque de moyens. Selon lui, c'est bien ce travail intenable avec l'intériorisation des contraintes qui peut conduire à des suicides.
Or, parmi les attaques contre les CHSCT issues des ordonnances figure désormais le recours rendu plus difficile à l'expertise – précédemment à la charge de l'employeur – et sa prise en charge à hauteur de 20% par le CSE. L'acharnement que gouvernement et patronat mettent à détruire ces outils au service des salariés ne doit rien au hasard.