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COMMERCE

Les ordonnances : un tsunami dans le commerce et la grande distribution

19 janvier 2018 | Mise à jour le 19 janvier 2018
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Les ordonnances : un tsunami dans le commerce et la grande distribution

Rassemblement devant le siège de Carrefour à Massy en Essonne pour demander le retrait du plan de licenciement du groupe. Massy le 7 décembre 2017

Pimkie, Carrefour, Conforama, Cora… Des luttes éclatent dans les grandes enseignes, qui multiplient les annonces sur les restructurations et les suppressions d'emplois. Grâce aux ordonnances, les licenciements et les droits sociaux sont désormais en solde toute l'année.

« Nous avons à peine eu le temps de prendre connaissance du contenu des ordonnances que déjà le patronat du commerce les met en œuvre chez Pimkie ou à Carrefour. Une telle anticipation ne s'improvise pas. Cela prouve que non seulement le gouvernement les a écrites pour eux, mais peut-être bien aussi avec eux », déplore Amel Kefti, secrétaire fédérale de la CGT commerce et services. La syndicaliste estime que le secteur du commerce a toujours été un laboratoire pour la déréglementation et la précarisation de l'emploi, il n'est donc pas étonnant que le secteur se montre à l'avant-garde de l'expérimentation de toutes les facettes qu'offrent aujourd'hui les ordonnances. La chasse est ouverte pour licencier à bas coût, s'exonérer des obligations des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ou trouver le moyen de se débarrasser des salariés ayant acquis des droits et des salaires corrects.

Pimkie, à l'avant-garde de la rupture conventionnelle collective

Ce n'est donc pas par hasard si Pimkie est l’une des premières enseignes à avoir voulu inaugurer la rupture conventionnelle collective (RCC). « C'était dans les tuyaux chez Pimkie avant la publication des ordonnances. Avec un PSE, il y a des mesures d'accompagnement, des possibilités d'obtenir un CSP [contrat de sécurisation professionnelle], des primes supralégales, éventuellement des reclassements. On peut demander des explications sur les aspects économiques. Mais avec la RCC rien de tout cela. Ils n'ont même pas caché leur intention de faire partir certains salariés pour les remplacer ensuite par d'autres ayant plus de compétences. Une situation interdite dans un PSE », ajoute Amel.

Pour l'heure, l'action  unitaire et le refus de signer des organisations syndicales a permis de transformer la RCC de Pimkie en plan de départs volontaires (PDV). Deux cent huit emplois sont concernés (31 dans les bureaux et  41 en logistique à  Neuville-en-Ferrain [Nord], 53 emplois dans les bureaux de la Fashion Factory à Villeneuve-d'Ascq [Nord] et 83 emplois avec la fermeture de 37 magasins sur toute la France).  La CGT estime que ces suppressions d'emplois sont totalement injustifiées, et que ce sont les difficultés à l'international que l'on fait peser sur les sites français. Des négociations sont toujours en cours et une pétition en ligne a été lancée.

Carrefour ne positive pas en toute franchise

C'est aussi une innovation sociale dévastatrice que Carrefour veut mettre en œuvre au travers de la mise en franchise de plusieurs de ses magasins. La possibilité offerte aux multinationales de ne gérer leur marque qu'au travers des indépendants était jusqu'à présent  connue pour être pratiquée dans la restauration rapide. Elle permet au grand groupe de se décharger de la partie sociale et de la gestion du commerce pour se contenter d'encaisser les bénéfices.

Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a annoncé son intention de développer la franchise mise en location-gérance, notamment dans le Nord. Fatiha Chalal, de la CGT Carrefour, y voit une évolution extrêmement négative pour les salariés : « Les magasins deviendront des entités indépendantes. C'est-à-dire qu'il n'y a plus de communauté de travail et que cela peut  entraîner une perte de tous les acquis qui ont été négociés. » L'enseigne Carrefour Market a, de ce point de vue, servi de cheval de Troie avec qui depuis quelques années des établissements supplémentaires mis en location-gérance.

« On y constate une dégradation des conditions de travail avec une surcharge de travail chez les salariés franchisés. Pour certains, c'est une perte d'acquis sociaux. Face à la fatigue et à la pression, il en résulte que les salariés partent naturellement de ces enseignes parce qu'ils en ont marre. Et ce sans indemnités… », déplore Fatiha. Le PDG de Carrefour devrait préciser ses intentions lors d'une conférence de presse annoncée le 23 janvier.

À cette occasion, il devrait officialiser ses intentions sur les passages en franchise et probablement aussi sur des fermetures de magasins, et ce alors que la santé financière du groupe est florissante. « Notons qu'avant une cession, les ordonnances autorisent maintenant à licencier du personnel pour rendre le bébé attractif », s'insurge encore Fatiha. Rien n'est précisé, mais il y a une certitude : il y aura de la casse sociale. La CGT Carrefour avance le chiffre de 11 000 salariés qui pourraient passer en location-gérance et 3500 pertes d'emplois.

Aujourd'hui, les ordonnances donnent un panel de dispositifs pour se débarrasser du personnel

Des menaces pèsent sur l'emploi dans d'autres enseignes

Les Galeries Lafayette annoncent un accord de cession de 22 magasins (qui toucherait mille salariés) sans que le nom du repreneur soit connu. Chez Cora, un projet de disparition du service après-vente impacterait 543 salariés. Enfin, chez Conforama (où 9 000 emplois sont concernés) l'actionnaire principal Steinhoff est confronté à des problèmes d'irrégularités fiscales. « Tant que l'affaire Steinhoff n'est pas dénouée, nous restons dans l'incertitude… », déplore Patricia Alonso, de la CGT Conforama.

Plusieurs mobilisations ont marqué ces dernières semaines dans les différents groupes cités.  Les plus importantes ont eu lieu dans des magasins des enseignes Pimkie et Carrefour. Après l’annonce des projets de Carrefour par le PDG, la CGT du groupe prévoit de se réunir à Montreuil, le 24 janvier, date où elle organisera une conférence de presse pour faire part de ses intentions. D'ores et déjà, la CGT commerce invite les salariés de la branche à se mobiliser et à se préparer à l'action.