
Dossier 137, un film qui joue sur les contrastes
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Crier leur révolte sur les murs, marquer la ville de leur trace. Ras et Calvin sont deux copains passionnés de graphisme qui arpentent, dans la nuit, l'est de Cali à vélo ou skate board avec leurs bombes de couleur. Ras est issu d'une minorité noire et pauvre, il habite seul avec sa mère catholique qui le pousse à se chercher un avenir entre petits boulots. Calvin vient d'une famille bourgeoise décomposée et vit avec sa grand-mère, vieille dame malade en bout de course qui regrette qu'il sèche les cours et aime trop sa petite amie.
Ancré dans l'évocation du conformisme, de la violence sourde des inégalités sociales en milieu urbain, le deuxième film d'Oscar Ruiz Navia est un portrait intime de l'adolescence, en tant qu'âge des possibles. Le scénario est éclaté, fragmenté, presque chaotique, comme des crachats de peinture jetés sur les murs. La mise en scène, elle, s'autorise tous les tons, allant des séquences réalistes tournées dans la cité à celles beaucoup plus oniriques situées dans la nature.
Le milieu underground, au cœur du film, est présenté dans sa diversité, entre élan de liberté et naïveté. Les hommes politiques, eux, sont tout à leur exercice de mensonges et de promesses, soutenus par des forces de police violentes, qui veillent avec zèle à préserver l'ordre établi. Pas étonnant que la sortie du film en Colombie, à l'automne 2014, ait été polémique. En mettant le doigt sur le déficit démocratique et l'immobilisme de l'ordre social, « Los Hongos » (littéralement, les bactéries) propose, dans un désordre assumé, un «bouillon de culture» salutaire.
Los Hongos, réalisé par Oscar Ruiz Navia. 1h43. Sortie nationale: 27 mai 2015
NVO: Comment est née l'idée de « Los Hongos », votre deuxième film ?
Oscar Ruiz Navia: Pendant que j'étais en tournée pour la présentation de mon premier film, La Barra, ma grand-mère est tombée malade et a été emportée par un cancer en deux mois. De ce traumatisme, je voulais tirer un film sur le cours de la vie. Ça m'a aussi ramené à Cali, à revoir la ville où j'avais grandi avec un autre regard. L'amitié entre ces deux copains issus de milieux différents mais unis par une même passion s'est imposée et l'univers du graphisme s'est imposé comme une bonne forme de dialogue avec les habitants de la ville.
Comment avez-vous procédé?
J'ai mené un travail d'enquête auprès des graffeurs, fait un casting qui a réuni plus de 700 acteurs, et on a travaillé pendant plus de deux ans sur la préparation du film. Je voulais que ce film s'inscrive à la suite de mon premier long-métrage qui mettait en scène un homme de la ville qui allait à la rencontre d'une communauté reculée en pleine nature.
Ici, c'est précisément le contraire, un des deux protagonistes est issu d'une minorité venue d'une contrée lointaine et c'est à travers lui que s'opère la rencontre avec l'espace urbain. Par ailleurs, la mise en scène, l'esthétique de ces deux films sont à l'image de ce que les lieux m'ont inspiré. Le premier est lent, contemplatif, le deuxième est plus rapide, presque chaotique. Je voulais que le spectateur puisse expérimenter cette énergie particulière de la ville. J'ai aussi adopté le mode de traitement du graffiti, avec plusieurs niveaux de traitement et différentes perspectives.
Pourquoi avoir choisi l'adolescence?
Parce qu'elle me permettait de présenter des nuances de la société colombienne et de construire un dialogue entre classes sociales. Je ne voulais pas en rester à un portrait figé des tensions qui existent mais aussi de la possibilité d'une rencontre, d'un dialogue artistique. Je me suis inspiré de ma propre expérience : on peut être de milieu différent et partager les mêmes préoccupations de liberté, de justice sociale ou d'esthétique. Et puis, l'adolescence dans ce mode de vie alternatif regorge de possibles.
Votre représentation du politique est assez critique…
Je voulais montrer l'ambiance de corruption dans laquelle ces jeunes grandissent, mais mon but était aussi de montrer l'énergie qu'ils puisent dans l'art pour y résister et construire autre chose. D'où le titre : «les bactéries», parce que ce sont des éléments vivants qui se développent précisément en milieu de décomposition. Je ne voulais pas en rester à un constat stérile de déconfiture. Au contraire, je voulais entraîner un peu de réflexion et même appeler à l'action de chacun selon sa conscience.


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