16 juin 2025 | Mise à jour le 16 juin 2025
Le groupe Skena compte se séparer de 126 des 143 salariés de son usine de Saint-Amand-les-Eaux (Nord), qui fabrique des coffrages métalliques. Dans le même temps, l’actionnaire principal négocie la cession du groupe à deux fonds d’investissement.
Depuis 1955, les coffrages métalliques fabriqués ici se retrouvent sur des chantiers partout en France mais aussi à l’étranger. On y coule du béton, notamment pour monter des murs. Familiale à l’origine, l’usine Outinord, à Saint-Amand-les-Eaux (Nord), appartient depuis 2021 au groupe Skena, qui possède une autre usine, Sateco, qui produit également des coffrages métalliques, dans la Vienne. Début avril, Outinord a fêté ses 70 ans et, deux semaines plus tard, les 143 salariés apprenaient qu’ils étaient sous le coup d’un plan de l26 licenciements.
« Je connais Outinord depuis 60 ans… » David Liégeois, secrétaire CGT du comité social et économique
A Saint-Amand, l’équipe se réduirait donc désormais à moins de vingt personnes, dont une poignée de commerciaux et un bureau d’études. Quant aux coffrages Outinord, dont la marque et les brevets resteraient dans le groupe, ils seraient désormais fabriqués chez Sateco. « Nous avons tous – depuis quarante ans pour certains d’entre nous – contribué à la réussite de cette entreprise. On est monté jusqu’à 600 salariés », souligne David Liégeois, embauché il y a trente-six ans et secrétaire CGT du comité social et économique (CSE). « Son père a travaillé ici, lâche-t-il en désignant un collègue, le mien aussi. Je connais Outinord depuis 60 ans… »
Jeu de chaises musicales
« Le marché du bâtiment est cyclique, remarque Tiphanie Bauduin, qui travaille au service qualité. On a vu une baisse de l’activité, il ne faut pas le nier, mais on ne s’attendait pas à une fermeture de la production, même si on avait tous en tête qu’il y aurait sûrement un PSE [plan de sauvegarde de l'emploi, NDLR]. » Tiphaine Bauduin explique que depuis plusieurs années, les salariés subissent « un véritable jeu de chaises musicales », en récupérant les missions et la charge de travail de leurs collègues qui quittent l’entreprise – retraites, démissions, ruptures conventionnelles… – sans être remplacés.
Deux commandes, pour un total de 1,5 million d’euros, doivent être bouclées dans quelques semaines. Au service communication de Skena, on assure qu’ensuite, le carnet est vide : « Skena, qui subit de plein fouet la crise de la construction, est obligé de se réorganiser. » Le lourd tribut payé par le site nordiste s’expliquerait, selon la même source, notamment par le fait que « Sateco a été modernisé avant son rachat par Skena, ce qui n’est pas la cas d’Outinord ». La double peine, en somme.
Rendez-vous au tribunal de Valenciennes
Les salariés ont reçu le soutien de Fabien Roussel, maire de la ville et secrétaire national du Parti communiste français. Leur lutte passera notamment par les prétoires, pour obliger Skena à remettre les informations et document dont le CSE estime manquer. « C’est une procédure en urgence, devant le tribunal judiciaire de Valenciennes », précise l’avocat des salariés, Me Alexandre Barège, qui dénonce « le sacrifice d’un fleuron de l’industrie au nom d’une logique de financiarisation ».
Un sentiment fortement renforcé depuis que les élus du personnel ont appris en réunion de CSE, fin mai, que parallèlement, l’actionnaire principal de Skena, le fonds Equistone, négociait la cession de ses actions à deux autres fonds, LGT Private Debt et Axa Investment Managers. Les deux mêmes fonds qui avaient avancé à Skena 84 millions d’euros au moment du rachat de Sateco. Au service communication de Skena, on assure que devant l’impossibilité d’honorer les échéances et le refus des banques de remettre au pot, la solution retenue est « un convertissement de dette en actions ».
« Nous demandons l’identité des actionnaires » Ludovic Bouvier, secrétaire CGT de la Métallurgie pour le Hainaut
Un calendrier qui rend perplexe Ludovic Bouvier, secrétaire CGT de la Métallurgie pour le Hainaut, l’Artois et le Cambrésis : « C’est une histoire de holdings financières, rien d’autre. Nous demandons l’identité des actionnaires. » Certains noms apparaitraient-ils à différents étages du montage financier ? Combien de dividendes ont été versés ? Une autre revente se prépare-t-elle déjà ? « Le ton va changer dans les prochaines semaines », promet-il.