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PALESTINE

Mettre fin au massacre

24 juillet 2014 | Mise à jour le 25 avril 2017
Par
Mettre fin au massacre

Le gouvernement israélien poursuit son offensive militaire contre la population palestinienne, en particulier dans la bande de Gaza assiégée depuis plusieurs années, au prix de centaines de vies humaines, et en violation des lois et conventions internationales protégeant les vies civiles. La NVO a rencontré 
Hael el-Fahum, ambassadeur de Palestine en France, 
qui a répondu à nos questions.
Hael el-Fahum 

est ambassadeur
de Palestine en France.

 

 

nvo – Quelle est la situation concrète, sur place, en Palestine et en particulier dans la bande de Gaza ?

Hael el-Fahum La situation est terrible dans toute la Palestine. Dans la bande de Gaza, en tout premier lieu, assiégée par les forces d'occupation israé­liennes depuis des années. Mais également en Cisjordanie et en particulier à Jérusalem-Est. Dans le petit territoire qu'est la bande de Gaza, où la population survit dans un espace parmi les plus densément peuplés au monde, deux semaines de bombardements et de pilonnage de l'armée israélienne, deux semaines d'une offensive aérienne et maritime, suivie d'une offensive terrestre, ont déjà provoqué la mort de près de 600 personnes, plus de 3 300 sont blessées, et le bilan ne cesse de s'alourdir jour après jour. Je n'ose prévoir ce qu'il en sera au moment où vous publierez. Des dizaines et des dizaines d'enfants ont été assassinés. Tous voient chaque journée et chaque nuit transformées en cauchemar.

À Chajaya, à l'est de la ville de Gaza, c'est un déluge de haine et de feu qui s'est abattu dimanche 20 juillet sur la population. Provoquant un véritable massacre. Plus de cent Palestiniens y ont été tués. Plus de deux cents autres, blessés en quelques heures de bombardements, désespèrent de pouvoir se faire soigner. Et les raids ont pris d'autres sites pour cibles. Ce dimanche funeste, au moins cent quarante Palestiniens ont été tués. Des milliers d'habitants ont été contraints de fuir les pilonnages israéliens, grossissant le flux des plus de 100 000 personnes cherchant un refuge provisoire dans des locaux des Nations unies. Christopher Gunness, porte-parole de l'Unrwa, l'office des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, a précisé, le 21 juillet, que le nombre de personnes qui y cherchent refuge est deux fois supérieur à celui de l'offensive de 2008-2009. Il a annoncé l'ouverture de 69 abris supplémentaires dans l'enclave palestinienne. Des enfants sont installés sur le sol dans les couloirs, faute de lits.

À nouveau, lundi 21 juillet, nous avons dénombré la mort d'au moins cinquante-cinq Palestiniens, parmi lesquels seize enfants, et les courageuses équipes de secouristes ont aidé à retrouver quelque soixante-dix corps ensevelis sous les décombres des maisons dévastées. Toute la journée, la population a subi des dizaines de raids aériens. Parmi les cibles, un immeuble résidentiel : ce raid a fait onze morts dont cinq enfants. De nouveau, également, les chars ont visé un hôpital, tuant quatre autres personnes.

 

Et en Cisjordanie ?

La Cisjordanie, et notamment Jérusalem-Est, a elle aussi connu une nouvelle offensive des troupes d'occupation à la suite, voici un peu plus d'un mois, de l'enlèvement et du meurtre de trois jeunes colons israéliens. Je tiens à rappeler que nous avons vivement condamné ce meurtre. Que les autorités d'occupation ont immédiatement accusé le Hamas, sans enquête ni preuve. Que ce meurtre s'est déroulé en zone dite « zone C », c'est-à-dire sous entier contrôle militaire israélien, puisque selon les accords d'Oslo conclus voici plus de vingt ans, le territoire palestinien occupé a été divisé, pour une durée qui ne devait pas excéder cinq ans, en trois types de zones : A sous contrôle palestinien, B sous contrôle conjoint palestinien et israélien, et C sous total contrôle israélien, avant ce qui devait être la restitution totale de nos territoires occupés depuis 1967. De même, les locaux de nos services de sécurité ont subi l'assaut des forces israéliennes. Ce meurtre a pourtant servi de tragique prétexte à un immense ratissage dans toute la Cisjordanie, faisant encore une fois couler le sang, et à des arrestations massives, en particulier d'enfants et d'élus, des destructions de maisons… Un adolescent pales­tinien a été enlevé par des « extré­mistes » israéliens, torturé, brûlé vif. En Cisjordanie, nos familles doivent tous les jours, depuis des années, affronter les destructions de maisons, des tirs à balles réelles, des morts ou des blessés, des arrestations, des confiscations de terres, la construction de nouvelles colonies, les exactions meurtrières et impunies de colons…

Je dois souligner la solidarité qui se manifeste au sein de tout notre peuple avec la population de la bande de Gaza. La Cisjordanie occupée, mais également Nazareth, ville palestinienne de Galilée, dans le nord d'Israël, étaient paralysées ce lundi 21 par une grève générale de protestation contre les bombardements israéliens sur la bande de Gaza.

Mais le gouvernement israélien met en cause directement le Hamas et déclare vouloir en finir avec les tirs de roquettes de Gaza vers son territoire.
Il faut être sérieux. D'une part, l'armée israélienne, la plus puissante de la Méditerranée, l'une des plus puissantes au monde, dispose de drones qui survolent la terre de Palestine et y contrôlent le moindre espace, le moindre geste, le moindre mouvement. Comment expliquer alors une offensive qui frappe indistinctement les enfants, les hommes, les femmes, les jeunes, les personnes âgées, les bâtiments publics, les hôpitaux, les écoles, les maisons, les ambulances ?

D'autre part, il faut revenir à la chronologie des événements, qui met en lumière les véritables motivations des dirigeants israéliens. Comment en effet ne pas faire le lien entre leur nouvelle offensive militaire, et l'échec de neuf mois d'une nouvelle « négociation directe » entre occupés et occupants, les premiers demandant la reconnaissance du droit international dont il s'agit de négocier les modalités d'application, les seconds refusant en bloc ce droit international ? Comment ne pas faire le lien entre cette offensive et l'explosion de la colonisation israélienne et des destructions de maisons palestiniennes durant ces neuf mois, succédant à la même politique ces dernières années, en violation des conventions de Genève, et pour empêcher l'édification de l'État de Palestine ? Comment ne pas faire le lien avec le refus israélien de libérer les prisonniers politiques palestiniens, véri­tables otages des exigences de la puissance occupante ? Les États-Unis eux-mêmes ont critiqué les dirigeants israéliens pour leur responsabilité dans ce nouvel échec de la négociation.

Mais également, comment ne pas faire le lien entre cette offensive massive et meurtrière et l'unité palestinienne retrouvée, aboutissant à la mise en place d'un gouvernement d'unité nationale ? Les dirigeants israéliens ont toujours cherché à diviser notre peuple. Face à l'agression de l'occupation, toutes les forces politiques palestiniennes se sont retrouvées, au grand soulagement d'une population qui le réclame. Quasiment tous les États ont salué l'accord de réconciliation pales­tinienne. Cet accord a abouti à la mise en place d'un gouvernement de technocrates, censé préparer de nouvelles élections en Palestine occupée, et qui s'engage à respecter tous les accords signés par l'OLP. Comment renoncer à un programme politique, économique, social, culturel… pour notre peuple ? Et nous faisons tout cela en dépit de l'occupation, de la colonisation, de la répression contre la résistance, en particulier de la résistance populaire non violente. Le gouvernement israélien, l'un des plus à l'extrême droite de l'histoire de ce pays, un gouvernement qui refuse à la fois de reconnaître l'État de Palestine dans ses frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, qui nie l'identité politique du peuple palestinien, qui refuse de mettre un terme à la colonisation et au contraire l'intensifie, qui refuse le droit international comme fondement de la négociation sur tous les « dossiers » du conflit, les frontières, la terre, l'eau, les colonies, le réseau de murs d'annexion, les réfugiés… qui refuse de renoncer à la violence contre notre peuple… ce gouvernement israélien s'est retrouvé dans un relatif isolement diplomatique. Son scénario de guerre était prêt. Pour échapper à ses responsabilités et mettre en accusation les victimes. Mais également pour tenter de radicaliser la résistance et pour tenter de diviser de nouveau le peuple palestinien.

 

Vous dites aussi qu'il n'y a pas de solution militaire…

Je considère en effet qu'il n'y aura pas de solution par la force. Il n'y a pas de solution militaire à ce conflit colonial. Croire parvenir à une « victoire » par l'éradication de l'autre relève du fantasme, à la fois assassin et suicidaire. La stratégie militaire choisie une fois encore par les dirigeants d'Israël est dramatique pour les deux sociétés, palestinienne et israélienne. Et elle ne peut qu'entraîner toute la région dans la haine et la guerre. La seule solution est politique. Les paramètres en sont connus. Ce sont ceux qu'a définis le droit international.

Je me permets de le répéter : il ne s'agit pas de négocier le droit international, mais ses modalités d'application. C'est ce que réclame le peuple palestinien.
Nous déplorons une nouvelle fois des centaines de morts, des destructions massives en Palestine occupée. Il n'y a aucune commune mesure avec le fait que, depuis le début de l'offensive terrestre, vingt-sept soldats israéliens ont été tués. Mais les deux sociétés ont besoin de paix et non de ce nouvel engrenage. Le problème, ce n'est pas la Palestine, c'est l'occupation. Elle est la première des violences, qui dure depuis des décennies, des générations. Elle est à la source de toutes les violences. Seule la paix garantira la sécurité de tous. Elle passe par la fin de l'occupation et par la mise en œuvre, enfin, de nos droits nationaux.

 

Le président palestinien Mahmoud ­Abbas a demandé à l'ONU de placer l'État de Palestine sous la « protection internationale » des Nations unies…

Oui, notre président a remis une lettre au coordinateur de l'ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient, Robert Serry, une lettre adressée au secrétaire général de Nations unies, Ban Ki-moon, demandant de « placer officiellement l'État de Palestine sous le régime de protection internationale de l'ONU ». Nous réclamons aussi la mise en place immédiate d'une commission d'enquête. Il y a urgence. Urgence pour notre peuple. Urgence pour sauver des vies humaines. Urgence humanitaire. Il faut mettre fin à ce carnage et préserver la vie humaine et la vie de tout un peuple. Le peuple palestinien a une histoire, une culture, et les dirigeants israéliens croient voir dans la capacité palestinienne de résilience et d'ouverture à l'Autre une faiblesse. Ils se trompent. Ils espèrent nous pousser à développer des blocs de haine pour justifier de nouveaux massacres. Mais une telle stratégie ne peut avoir que des retombées gravissimes pour les deux sociétés, et pour la société israélienne elle-même. Oui, il faut protéger le peuple palestinien. Il faut faire respecter les conventions de Genève violées par les dirigeants et l'armée israéliens. Le président Mahmoud Abbas a demandé à la Suisse, dépositaire de la 4e Convention de Genève de 1949 sur la protection des civils en temps de guerre, de réunir les Hautes Parties contractantes à cette convention [les États parties, Ndlr] pour qu'Israël respecte la vie et la sécurité des civils dont il est responsable en tant que puissance occupante. Nous entendons intervenir dans toutes les enceintes internationales dont notre statut d'État observateur, reconnu comme tel aux Nations unies, nous permet d'être membre. Vous noterez que les dirigeants israéliens qui multiplient les faits accomplis unilatéraux sur le terrain qualifient nos démarches auprès de la communauté internationale de « terrorisme diplomatique ».

 

Que demandez-vous à cette « communauté internationale », et également au mouvement de solidarité en France ?

Je souhaite d'abord remercier toutes celles et tous ceux qui tiennent dans toute la France à exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien. Ce conflit que nous subissons depuis beaucoup trop longtemps est un conflit colonial. Et je tiens à le souligner : contrairement aux discours de certains, ce n'est pas un conflit confessionnel. Et il n'y a pas d'un côté des croyants de telle religion défendant le droit des uns et de l'autre des croyants de telle autre religion défendant la politique des autres, par prétendue projection identitaire.

Je tiens également à souligner qu'être anti­sémite, c'est aussi être anti-palestinien. En manifestant votre solidarité avec notre peuple, nous savons que vous défendez le droit, la justice, l'espoir d'une paix qui serait enfin imaginable. Des valeurs et des objectifs qui nous sont communs.
Il faut continuer à demander d'intervenir pour la fin du massacre, le respect des vies humaines. Pas seulement une simple « retenue ». Il faut continuer à demander la fin du siège imposé à la population de la bande de Gaza, la libération des prisonniers politiques palestiniens. Mais il faut aussi mettre un terme à l'impunité dont jouit la politique coloniale israélienne ; à cette arrogance subventionnée par de grandes puissances mondiales. Et il faut enfin une solution durable qui passe par la fin de l'occupation, la reconnaissance de notre État indépendant, la mise en œuvre de l'ensemble de nos droits nationaux. La négociation dite « directe » a montré ses limites, soumettant nos droits au rapport de force et au bon vouloir de l'occupant qui les refuse. Je le répète : seul le droit international peut fonder une paix durable. Dans l'intérêt de tous.