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AGRICULTURE

Paysans et salariés mènent un même combat face à l’ultra-libéralisme

1 mars 2024 | Mise à jour le 1 mars 2024
Par | Photo(s) : Daniel Maunoury
Paysans et salariés mènent un même combat face à l’ultra-libéralisme

Rassemblés pour une table ronde au Salon international de l'agriculture, la Confédération paysanne, la CGT, Solidaires, la FSU et le Modef ont débattu de la convergence des luttes des paysans et des salariés d'autres secteurs à la lumière de ce que révèle la crise agricole.

« La mobilisation du monde agricole met en lumière un scandale. D’un côté de plus en plus de paysans et de paysannes ne vivent plus de leur travail. De l’autre les prix de l’alimentation explosent et les salariés sont toujours plus nombreux à être en difficulté pour manger correctement », constatent les cinq syndicats dans une tribune publiée le 1 février dernier sur le site du quotidien Libération. « Cette crise n'est pas une surprise. Elle révèle que l'on est au bout d'un système », rappelle d'emblée Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Premier constat affligeant : « On était en France 1,6 million de paysans dans les années 80, on était 500 000 en 2010, on est moins de 400 000 aujourd'hui. Et selon une dernière étude, si tout continue comme ça on serait 275 000 paysans dans dix ans », détaille-t-elle.

 

La production agricole est vue comme un business, dans ce système inégalitaire les gros patrons et les actionnaires se gavent

Sur ce sombre tableau se décline une bien triste réalité, celle de l'effondrement des revenus des travailleurs de la terre, source de désespoir, jusqu'au drame. Et pour cause, « la production agricole est vue comme un business, dans ce système inégalitaire les gros patrons et les actionnaires se gavent, en particulier de subventions, pendant que les petits triment et meurent », souligne Julie Ferrua, secrétaire générale de Solidaires. En 2023, «le revenu des agriculteurs a baissé de 10%, les prix de l'alimentation ont augmenté de 10%, par contre, ce qui explose c'est la marge des industries agro-alimentaires, quand en même temps, les salaires baissent face à l'inflation », précise de son côté Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Le producteur s'appauvrit finalement tout autant que le salarié consommateur. « Les causes sont les mêmes : vous êtes confrontés à une financiarisation de l'agriculture du fait que l'on ait organisé la spéculation sur l'alimentation et les matières premières, nous sommes confrontés à une spéculation autour travail et de l'entreprise », ajoute-t-elle. Le système qui broie ainsi la vie des paysans et surtout entretenu par « l'absence de reconnaissance de leur travail, un sentiment fortement exprimé durant le mouvement », note pour sa part Benoit Teste, Secrétaire général de la FSU.

Prix planchers

Les représentants syndicaux n'en sont pas restés à la qualification de ces mécanismes pernicieux, tout aussi importantes sont les pistes de luttes communes. La convergence n'est pas un vain mot, c'est la réalité du terrain. Le représentant du Modef évoque pour sa part la mobilisation intersyndicale « en Haute Vienne, et dans le Gers, pour la bataille des retraites, la question de la sécurité sociale intégrale, car, ensemble, il faire reculer la peur du lendemain ».  Et qu'en est-il des « prix planchers » agricoles, à laquelle s'est finalement rallié l'exécutif ? « C'est une petite porte ouverte, note la Confédération paysanne, mais avant tout, sortons des arrêts de libre-échange. Le Parlement européen à Strasbourg vient de voter des traités d'accord de libre-échange entre l'Union européenne, l'un avec le Kenya, l'autre avec le Chili ».

Ce fut justement le jeu du gouvernement que de pointer du doigt les écologistes, pas l'agro-industrie, de les cibler comme étant la cause de tous les maux de l'agriculture

Cette question-là, résultat de l'alliance paysans, consommateurs, salariés « fait tomber les masques, quand on voit tous les grands patrons de l'agro-alimentaire qui nous explique combien c'est une hérésie, qu'il ne faut pas le faire. Quand les agriculteurs ne peuvent pas vivre de leur travail, cela veut dire une course au gigantisme avec un moins-disant environnemental et moins-disant social pour les travailleurs de l'agriculture », rappelle Sophie Binet.

Faut-il enfin se résoudre à opposer agriculture et protection de l'environnement ? Les débatteurs ont pointé là un piège tendu pour détourner l'attention des vrais enjeux. « Ce fut justement le jeu du gouvernement que de pointer du doigt les écologistes, pas l'agro-industrie, de les cibler comme étant la cause de tous les maux de l'agriculture », dénonce Benoît Teste de la FSU.

Opération de diversion

« Gare à cette impasse vers où peut nous amener la contradiction entre le social et l'environnemental si on ne se donne pas les moyens de la dépasser », met en garde la secrétaire générale de la CGT. « Le capital organise cette contradiction, il y a intérêt. Pour se protéger, il monte une grande opération de diversion. Il y a là un danger car c'est un boulevard pour l'extrême-droite qui exploite cette manipulation en France comme en Europe. Pour éviter et empêcher la mise en contradiction du social et de l'environnemental, il faut commencer par sécuriser la situation sociale, garantir l'emploi et les acquis collectifs ce qui permet d'appréhender de façon tranquille la question environnementale. Mais cela implique de modifier le partage des richesses, c'est pourquoi ils n'en veulent pas », explique-t-elle.