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IMPRIMERIE

Produit haut de gamme, salariés low cost

30 juillet 2015 | Mise à jour le 6 mars 2017
Par | Photo(s) : DR
La filialisation de la papeterie de la Banque de France (BDF), à Vic-le-Comte, effective au 1er octobre, entraîne la création d'un statut des salariés au rabais. Ce que la CGT a commencé à dénoncer avec une grève de dix jours.

La moitié des agents en grève pendant dix jours pour refuser le nouveau statut des futurs embauchés à partir du 1eroctobre. L'ambiance est tendue à la papeterie de Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme). Et ce n'est pas n'importe quelle usine de papier. Elle, c'est le papier à billet. Le papier fiduciaire qui sera ensuite imprimé et transformé en billets de banque, non loin de là, à l'imprimerie de Chamalières (Puy-de-Dôme). Autant dire « technicité », « secret », « sécurité ». Les 250 salariés actuels en savent quelque chose. « Il y a une fierté, une responsabilité, un honneur, à servir la garantie de cette figure régalienne, c'est indéniable », explique Anthony Perucca, élu CGT au comité d'entreprise (CE) et secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

FILIALISATION

Le site est en plein tournant. Après avoir rejeté, pendant des années, la revendication CGT d'un pôle public fiduciaire européen, qui comprenait la papeterie et l'imprimerie, la direction de la Banque de France vient de le créer en optant pour une filialisation – par le biais de la création d'une société par action simplifiée (SAS) – dont le capital est destiné, à moyen terme, à s'ouvrir à d'autres banques centrales membres de l'Eurosystème. En l'occurrence à celles de l'Italie, de l'Autriche, du Portugal, de l'Irlande et de la Grèce.

Un dispositif censé garantir un carnet de commandes à la papeterie et qui a justifié un investissement de 100 millions d'euros, dont l'achat récent d'une grande machine à papier. « La direction accuse la masse salariale et les acquis sociaux d'engendrer les pertes de la papeterie depuis des années, note le syndicaliste. Or, c'est bien le manque d'investissement et l'obsolescence de l'outil de production qui était en cause. Nous avons évité la fermeture, c'est une victoire ». Le hic, « c'est que la direction le fait payer au personnel en créant un nouveau statut ».

DES EMBAUCHES, MAIS PAS AU STATUT

À partir du 1er octobre, date de la création de la filiale, « les nouveaux embauchés – qui seront rapidement nombreux du fait des prochains départs en retraite, explique Fabienne Rouchy, secrétaire générale de la CGT Banque de France –, seraient recrutés dans le cadre d'un contrat de droit privé soumis à la convention collective “des papiers, cartons et celluloses”, une des plus régressives, alors que leurs collègues (…) continueraient à bénéficier du statut Banque de France et seraient mis à disposition de la filiale, l'Européenne de papier fiduciaire, Europafi ». Résultat : entre 20 et 25 % de rémunération en moins, pas d'accès aux prestations sociales du CE de la BDF, mais des prestations dérisoires compte tenu de la faiblesse des ressources que la filiale prévoit d'attribuer au nouveau CE, environ 12 jours de congé en moins, etc.

Selon les données des syndicats, à travail égal, le nouveau statut accuserait globalement près de 30 % de baisse de pouvoir d'achat. « Ça va être très compliqué à vivre pour les agents. Ça va être le chaos dans les relations de travail, de management, prévient Anthony Perucca. On est déjà dans une situation de risques psychosociaux réguliers, ça va être multiplié par dix…, ajoute-t-il, dénonçant le mépris opposé par la direction. Sous des discours de pérennisation du site – ce qui reste vrai – l'idéologie poursuivie par la BDF, c'est la casse du social ».

Pour preuve supplémentaire, le statut des nouveaux embauchés rompt avec les droits des agents de la Banque de France en matière de déroulement de carrière, de retraite, de représentation du personnel (plus d'élu de la papeterie au comité central d'entreprise, notamment). « Les gouverneurs des banques centrales européennes veulent faire fabriquer un produit haut de gamme par des salariés low cost en faisant cohabiter, sur les mêmes chaînes de production, des salariés traités de façon inégalitaire », résume Fabienne Rouchy.

LES VALEURS DU SERVICE PUBLIC

Majoritaire à la papeterie de Vic-le-Comte et à l'imprimerie de Chamalières, la CGT mène le combat pour la pérennisation de ces sites industriels et la défense de leurs salariés depuis des années. Et ne lâchera pas comme ça les valeurs fondatrices de service public dont la remise en cause sous-tend ce conflit. « Un conflit qui peut durer longtemps et qui est susceptible de mettre en péril, non seulement ce qui reste de dialogue social au sein de l'entreprise, mais aussi le peu de confiance que les agents de la Banque conservent à l'égard de leur direction », préviennent les syndicalistes. Affaire à suivre…