Barnier à Matignon, le mépris du vote des électeurs
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La mobilisation contre le projet de loi visant à supprimer les élections prud'homales continue. De Marseille à l'Île-de-France, en passant par le Rhône ou le Nord-Pas-de-Calais, les actions imaginées par les unions départementales, locales ou les conseillers prud'homaux commencent à porter leurs fruits. Avec, pour point d'orgue, le 15 avril, où la CGT portera sa pétition à l'Assemblée nationale.
Il y a mille façons de défendre les prud'hommes.
On peut le faire en signant la pétition « Les élections prud'homales : je signe pour », lancée en décembre 2013 par la CGT, dans le cadre de sa campagne nationale de mobilisation contre le projet de loi visant à modifier le mode de désignation de ces conseillers. Mais aussi en multipliant les actions de terrain – qui favorisent la diffusion de cette pétition et donc son impact vis-à-vis des pouvoirs publics – comme le font, depuis le début de l'année, un nombre croissant d'unions départementales et de conseillers prud'homaux.
Le 17 janvier dernier, l'ex-président de la cour prud'homale de Marseille, André Valentin, a ainsi profité de la cérémonie de passage de flambeau présidentiel – cérémonie qu'on appelle « l'audience solennelle » et qui marque l'entrée dans la nouvelle année – pour rappeler son attachement à l'élection des conseillers prud'homaux et le danger que constituerait le remplacement de cette élection au suffrage universel par une « simple » désignation des conseillers. « Nous avons déployé une banderole en pleine salle d'audience et lu une motion qui disait notre opposition à cette réforme, en interpellant le procureur de la République, la première présidente de la cour d'appel… et tout le gratin local présent ce jour-là dans la salle. » En signe de protestation, l'ensemble des organisations syndicales opposées à la réforme ont ensuite quitté les lieux lorsque le procureur de la République a pris la parole, et elles ont battu le pavé devant la juridiction en faisant signer aux passants la pétition de la CGT.
Manifestations et interventions
Entamée par ce happening, la mobilisation à Marseille ne s'est pas essoufflée depuis : « Lors de la journée de mobilisation nationale du 6 février, nous avons de nouveau fait circuler la pétition, explique André Valentin. Et même si les médias traditionnels rechignent à s'emparer du sujet, nous continuerons à nous battre ! »
Une détermination partagée par l'union départementale du Rhône, qui a réussi à faire cosigner sa déclaration pour le maintien des élections prud'homales par les organisations FO, CGC et SUD Solidaires. Cette union départementale peut aussi s'enorgueillir d'avoir été approchée par l'organisation patronale Économie sociale, qui envisage d'associer sa voix à celle de la CGT, par le biais d'une déclaration commune s'opposant à la réforme.
Si chaque union locale, sur la ville de Lyon, dispose de son stock de tracts et de pétitions à faire signer aux habitants, cette mobilisation de terrain s'accompagne d'interventions auprès des politiques qui seront bientôt censés se pencher sur la question. Bernard Augier, membre du comité exécutif de l'UD et actuel président du conseil des prud'hommes de Lyon, a ainsi rencontré « un sénateur communiste et un député UMP afin d'interpeller tous les partis politiques sur les dangers de cette réforme ».
Je suis assez fière d'avoir expliqué à des étudiants,
qui l'ignoraient,
ce que sont les prud'hommes !
Aux quatre coins de la France les opérations de sensibilisation imaginées par les différentes unions départementales visent aussi à informer les Français, qui sont très nombreux à ignorer les tenants et les aboutissants du projet de loi portant sur la suppression des élections prud'homales. « Le 25 mars dernier, nous avons passé cinq heures devant la cour prud'homale de Versailles à expliquer aux passants les dangers de cette réforme, raconte Véronique Housson, conseillère prud'homme CGT. Nous avons fait signer la pétition et mis cette journée à profit pour faire de la pédagogie, en ne perdant jamais de vue que chaque personne que nous parvenions à sensibiliser porterait ensuite notre message auprès de ses proches, de ses collègues de travail, etc. Je suis assez fière d'avoir fait signer des avocats ! Mais aussi d'avoir expliqué à des étudiants – qui l'ignoraient – ce que sont les prud'hommes ! Ce type de mobilisation permet de prendre la température du terrain… et de mesurer l'urgence à communiquer autour de cette juridiction, quand les Français sont de plus en plus nombreux à ignorer son rôle. »
Le vent serait-il en train de tourner ?
Le 1er avril dernier, une opération similaire a été menée par des militants CGT devant la cour d'appel de Douai, à l'initiative des unions départementales du Nord et du Pas-de-Calais. Tandis qu'à Paris, des représentants des unions régionales d'Île-de-France CGT, FO, FSU et Solidaires se regroupaient devant le ministère du Travail, pour crier haut et fort leur opposition commune à cette réforme. Comme l'explique Jean-Pierre Gabrielle, responsable du pôle droits, liberté et activités juridiques de la CGT, « cette mobilisation commune vient rappeler que, contrairement à ce que voudrait faire croire le gouvernement, la CGT n'est pas seule à mener le combat pour le maintien des élections prud'homales ».
Car c'est concrètement ce qu'exige aujourd'hui la CGT, alors que l'Assemblée nationale – dont les travaux reprennent le 8 avril – n'a toujours pas inscrit l'examen du projet de loi à l'ordre du jour : « Au lieu de poursuivre dans la voie, erronée, de cette réforme, nous attendons du gouvernement qu'il mette tout en place pour que les élections prud'homales de 2015 puissent avoir lieu dans les meilleures conditions. »
Un tel espoir paraît aujourd'hui fondé, quand on sait que le Sénat lui-même a refusé que le texte soit voté en février, au motif que la désignation par les organisations syndicales des conseillers prud'hommes supprimait le droit d'un citoyen lambda à se présenter à ce mandat et était donc discriminatoire. Le vent serait-il en train de tourner ?
Ce qui est sûr, c'est que Jean-Denis Combrexelle a été remplacé à la tête de la direction générale du travail par Yves Struillou, qui ne semble pas partager les vues de son prédécesseur quant à l'absolue nécessité de cette réforme. « Nous sommes dans une dynamique où la mobilisation commence à payer », conclut Jean-Pierre Gabrielle, en incitant les troupes à continuer le combat. Et en rappelant que le 15 avril prochain, l'ensemble des pétitions (32 000 signatures aujourd'hui) devrait être déposé par la confédération à l'Assemblée. D'où l'urgence de continuer, partout, à faire signer et à mobiliser !
Signer la pétition
Si vous ne l'avez pas encore fait, vous pouvez encore la signer.
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Question à
Eric Lamy, conseiller prud’hommes au Conseil de Bobigny
« Notre légitimité en jeu »
nvo : En quoi le projet de loi visant à remplacer les élections prud'homales par une désignation des conseillers représente-t-il une menace pour ceux et celles qui exercent au quotidien dans ces juridictions ?
Éric Lamy : Notre légitimité, en tant que conseillers prud'homaux, est étroitement liée à la façon dont nous sommes élus : mon mandat à Bobigny résulte d'un choix auquel a été convié l'ensemble des salariés, via le suffrage universel. En remplaçant cette élection par une désignation, on priverait de nombreuses personnes de l'expression de ce choix mais aussi les conseillers prud'homaux de la légitimité conférée par ce vote.
La désignation impliquerait également une perte d'autonomie, ou du moins d'indépendance par rapport aux organisations syndicales que nous représentons, car ce n'est pas la même chose d'être élu par les salariés sous telle ou telle étiquette, que d'être nommé directement par les organisations. Enfin, il ne faut pas oublier que la tenue d'élections s'accompagne nécessairement de campagne d'information auprès des salariés, afin de nous faire connaître mais aussi de les sensibiliser sur le rôle des prud'hommes… En nous privant de ce moment d'échanges, on réduira d'autant plus la visibilité et la connaissance, par les Français, de cette juridiction populaire, unique en Europe. Est-il nécessaire de rappeler que dans 80 % des cas, les salariés obtiennent gain de cause face à leurs employeurs dans les cours prud'homales ?
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