Les entreprises sont-elles exemptées du respect du droit international ? La question se pose en particulier au sujet de la participation de certaines d'entre elles à la colonisation israélienne en Palestine occupée, particulièrement à Jérusalem-Est.
C'est ainsi que plusieurs organisations syndicales et associations françaises et palestiniennes (CGT, CFDT, Solidaires, Association France Palestine Solidarité, FIDH, Al Haq, LDH, Plateforme des ONG françaises pour la Palestine) ont rendu public mercredi 13 juin un rapport sur la collaboration de trois entreprises françaises, Egis, Systra et Alstom à la construction d'un tramway reliant à Israël des colonies de Jérusalem-Est. Colonies totalement illégales, comme l'est l'ensemble de la colonisation de la Palestine occupée.
Enjeu territorial et diplomatique
Pour les dirigeants israéliens, l'enjeu est double. Il s'agit d'une part d'intensifier la continuité territoriale entre les colonies et le territoire israélien, et d'isoler un peu plus la Jérusalem palestinienne de son arrière-pays dans le reste de la Cisjordanie. Mais il s'agit aussi, d'autre part, de banaliser la colonisation, notamment celle de Jérusalem (illégalement annexée), en y associant des compagnies étrangères et en espérant l'absence de sanction internationale.
Des entreprises publiques concernées
Pour Alstom, un tel engagement n'est pas nouveau. L'entreprise a déjà participé à la construction de la première tranche du tramway décidée dès 2005. Aujourd'hui, deux de ces sociétés sont à capitaux publics majoritaires. Ainsi d'Egis Rail – du groupe Egis (filiale à 75 % de la Caisse des dépôts et consignations) – et de Systra, dont la SNCF et la RATP détiennent chacune 42 % du capital.
« Cette implication de deux filiales d'entreprises publiques et d'Alstom paraît d'autant plus scandaleuse que ces entreprises sont soumises à la loi sur le devoir de vigilance et ont pris des engagements pour le respect des droits de l'homme, en signant le “Pacte mondial des Nations Unies”. Ces textes ne sont pas facultatifs mais les engagent à ne pas se rendre complices de violations flagrantes du droit international ! », souligne notamment Maryse Artiguelong, vice-présidente de la Ligue des droits de l'homme.
Droit international : que fait la France ?
Deux questions se posent donc. D'abord celle du nécessaire respect du droit international par les entreprises. C'est du reste pour cela que, lors de la construction de la première tranche de ce tramway de la colonisation, la CGT et l'AFPS avaient mené bataille pour le désengagement d'Alstom notamment. Pour la même raison, l'AFPS, d'une part, et l'OLP, d'autre part, avaient ensuite engagé un procès contre les entreprises françaises concernées. Un procès perdu, ce qui met en lumière la nécessité de faire primer le droit sur le commerce : une question qui ne laisse pas le syndicalisme indifférent.
Ensuite, celle du rôle de l'État en la matière. « La responsabilité du gouvernement est doublement engagée : en vertu de l'obligation de droit international “de protéger contre les violations des droits de l'homme par des tiers”, ici les entreprises concernées, et comme tutelle des trois établissements publics actionnaires majoritaires de deux des sociétés concernées », souligne un communiqué commun des organisations.
L'exécutif, pourtant, se refuse – pour le moment – à toute intervention. D'un côté, il condamne verbalement la colonisation et la décision de Donald Trump de transférer l'ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. De l'autre, il appelle à commercer davantage avec Tel-Aviv dans tous les domaines et organise même une saison croisée franco-israélienne.
Campagne citoyenne
Ensemble, les organisations ont donc décidé des initiatives telles qu'une campagne de courriers à faire parvenir aux entreprises intitulée « Dites-le aux entreprises : Désengagez-vous du tramway de Jérusalem ! », les signataires écrivant notamment : « Je vous demande de vous engager publiquement à ce que votre entreprise se retire de l'ensemble des opérations qui concourent à la réalisation de ce projet. Je resterai informé-e, via les organisations signataires de ce rapport, de votre réponse et des mesures qui seront engagées par votre entreprise. »